Bénir des unions homosexuelles ? Réponse au père Guggenheim

Serait-il envisageable de bénir les unions entre personnes de même sexe ? Telle est la question que pose le père Antoine Guggenheim dans La Croix du mardi 7 octobre. Alors même que la question de l’accueil des personnes ayant une tendance homosexuelle est à l’agenda du synode sur la famille, il n’est pas inutile de réfléchir à une telle proposition et à ce qu’elle implique.

LE PERE GUGGENHEIM se situe dans une perspective qu’il nomme « théologie de la rencontre et de l’écoute ». Il affirme que « l’importance accordée à l’homosexualité dans la société et dans l’Église » ne doit pas être seulement vue comme la marque d’une idéologie mais « aussi révélatrice du travail de l’Évangile dans les cœurs ».

« Amour authentique »

Fort d’une telle lecture des signes des temps, le père Guggenheim envisage la possibilité « d’esquisser une vision chrétienne de l’homosexualité ». En attendant son prochain livre qui devrait nous éclairer sur ce qu’il entend par là, on peut comprendre ce qui à ses yeux légitime une telle vision : le constat que certaines « personnes homosexuelles souhaitent rester chrétiennes, tout en vivant un amour humain authentique étant donné ce qu’elles sont ».

Notons que le père Guggenheim change subrepticement de registre, passant des personnes à la tendance considérée en elle-même. Ce qui justifie pour lui le passage d’un registre à l’autre est ce qu’il désigne comme « l’amour authentique » vécu par ces personnes. Effectivement comment nier que la nature de cet amour relève de ce qu’il faut bien appeler l’homosexualité ?

Dès lors au nom de ce qu’il y a d’authentique dans cet amour, une vision chrétienne de l’homosexualité ne serait-elle pas envisageable ? Cela pourrait s’incarner dans ce qui n’est pour l’instant présenté que comme une hypothèse, « la reconnaissance d’un amour fidèle et durable entre deux personnes homosexuelles, quel que soit leur degré de chasteté », reconnaissance s’incarnant dans une bénédiction.

Graves confusions

Il me semble qu’une telle proposition repose sur de graves confusions touchant aussi bien la méthode que le contenu. Le père Guggenheim souligne avec justesse la nécessaire attitude d’écoute et de rencontre que tout baptisé, et a fortiori tout pasteur, doit avoir envers qui que ce soit. Certes dans la perspective de l’évangélisation qui est celle du synode, le Christ offrant le salut à tous, tous doivent être rejoints, là où ils en sont. Mais une telle attitude d’écoute des personnes implique-t-elle nécessairement de bénir pour autant ce qu’elles vivent ? Une bénédiction n’est-elle pas à la fois approbation et soutien ? 

Il est parfaitement compréhensible qu’une personne se sente rejetée lorsque son interlocuteur se désintéresse ostensiblement de ce qui constitue des contenus importants de sa vie, et il faut veiller à ne pas blesser l’autre. De là conclure que l’accueil des personnes homosexuelles passera par la reconnaissance de « l’amour authentique » qui les unirait est une fausse piste.

Que signifie « amour authentique entre personnes de même sexe » ? De deux choses l’une : soit il s’agit d’une complicité, d’une proximité chaste, relevant donc de l’amitié entre personnes de même sexe, et qui ne peut de fait s’apparenter à une union homosexuelle ; on peut alors effectivement en « dire du bien », sans aller jusqu’à une bénédiction en bonne et due forme pour éviter toute confusion ; soit il s’agit d’un sentiment amoureux et d’une attirance sexuelle dans lesquels l’autre est vu comme un objet de jouissance (quel que soit le vécu subjectif qui lui peut être sincère) tel que Karol Wojtyla le démontre dans Amour et responsabilité.

Personnes et actes

Dès lors parler ici d’« amour authentique quel que soit le degré de chasteté » est une contradiction dans les termes. Gardons-nous de confondre la bénédiction des personnes et la bénédiction de ce qu’elles vivent, tout comme le jugement de ce qu’elles vivent n’a rien à voir avec le jugement de ce qu’elles sont. Gardons-nous aussi d’absolutiser la recherche de communion qui doit, elle aussi, rester au niveau des personnes mais savoir trouver le recul sur les actes.

Nous avons vu de grands théologiens découvrir dans les années 1950/60 la classe ouvrière et qui, au nom du « dialogue, de la rencontre et de l’hospitalité », en arrivèrent à bénir les revendications de certains syndicalistes avant de devenir de fidèles compagnons de route du Parti communiste, oubliant l’incompatibilité de Marx avec l’Évangile ! C’est un peu comme si Jésus avait pensé que pour rejoindre Zachée il lui fallût d’abord dire du bien de la corruption des collecteurs d’impôts. Dans ce cas, qu’aurait-il eu encore à lui apporter ?

La miséricorde divine est offerte à chacun, quel que soit sa situation, mais la miséricorde présuppose la vérité à l’aune de laquelle chacun peut découvrir sa misère et accueillir le don de la grâce. 

 

Sur ce sujet :
 Les propos du père Guggenheim et l’avis opposé du père Pouliquen (La Croix, 07/10/14)

 

 

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