Le sommet européen à Versailles : une affirmation de la force française ?

Source [Boulevard Voltaire] : Circulation dantesque, ce jeudi après-midi, à Versailles, à l’heure de la sortie d'école. Les grandes avenues qui partent du château et distribuent les différents quartiers de la ville sont interdites d’accès, le centre-ville est bloqué par la circulation, les 1.500 policiers déployés ne savent plus où donner de la tête et font signe, presque gênés, aux mères de famille tentant de rejoindre leur domicile de faire demi-tour pour la troisième fois.

 Parfois, un convoi pressé aux vitres fumées, portant un petit pavillon étranger sur le capot et escorté par des motards toutes sirènes hurlantes, force les voitures à s’écarter, rajoutant de l’embouteillage à l’embouteillage. Écartez-vous, braves gens, faites place, les manants ! Emmanuel Macron accueille les chefs d’État de l’Union européenne. Cela vaut bien une ville bunkerisée : les vitrines de nombreux commerçants sont baissées et l’accès au château, au domaine de Trianon et aux jardins sont fermés jusqu’au 13 mars.

En revanche, les hôtels fonctionnent à plein : une agence de voyages a été missionnée pour dispatcher les invités dans les plus luxueux d'entre eux, la délégation la plus chanceuse - mais l’hôtel n’a pas le droit de donner le nom du pays ayant touché le gros lot - sera logée au Grand Contrôle, un petit bijou ouvert en 2020 à l’intérieur même du domaine, avec vue sur les jardins à la française, les parterres de l’orangerie et la pièce d’eau des Suisses. Les 13 chambres, entre baldaquins, parquets, moulures, dorures et tentures damassées, sont léchées. Sans compter le chef Alain Ducasse. L’heure est grave. Sans doute ces gouvernants pénétrés par leurs responsabilités et désireux d’en découdre avec l’ours russe recommanderont-ils, comme Bruno Le Maire l’a déjà fait, à leurs citoyens respectifs de grelotter un peu en guise d’effort de guerre pour boycotter le gaz russe, mais en attendant, le petit séjour en France est sympathique. C’est donc à Versailles, cœur battant de l’Ancien Régime, que celui qui n’a que les mots « valeurs de la république » à la bouche a convié ses pairs. « Il n’y a pas une culture française mais des cultures françaises », avait dit Emmanuel Macron, durant sa campagne, mais c’est pourtant celle-là - la grande, l’éternelle, la belle, la seule qui incarne notre pays dans l’imaginaire étranger à défaut de peupler encore celui des Français - qu’il a choisie pour en envoyer plein les yeux. On le comprend. Ces délégations, toutes progressistes et éprises d'art contemporain qu'elles se disent, raffolent du Grand Siècle : foin du Vagin de la reine, qui n'est plus qu'un sordide souvenir à Versailles. Les délégation logées au très chic Trianon Palace ne sont pas mal non plus. Elles pourront y méditer in situ les leçons éternelles de l’Histoire, puisque comme une plaque l’indique, c’est là qu’a été préparé le traité de… Versailles si humiliant pour l’Allemagne que celle-ci nourrira comme l’on sait une inextinguible soif de revanche. À bon entendeur, salut !

Puisqu’on en parle, en 2017, c’était aussi à Versailles qu’Emmanuel Macron avait reçu Vladimir Poutine. Il avait choisi alors le somptueux décor de la galerie des Batailles, avec ses murs couverts d’immenses tableaux figuratifs chantant l’épopée militaire française et montrant des guerriers virils dans des uniformes chamarrés, chargeant sabre au clair en brandissant des étendards dorés, un hymne triomphant à la fierté française : bref, tout ce que déteste notre monde progressiste dont Emmanuel Macron est le chantre, mais pour en imposer à l’ours russe, il fallait bien ça. À l’époque, du reste, on aurait dû mieux prêter attention aux petits signes de rien. Évoquant les liens qui unissent la Russie à la France, Emmanuel Macron avait parlé de visite de Pierre le Grand au petit Louis XV (à Versailles !). Quant à Vladimir Poutine, il avait rendu hommage à… Anne de Kiev, épouse du roi des Francs Henri Ier.

En attendant, à 17 kilomètres de là, le drapeau européen flotte - seul - sous l’Arc de Triomphe. Et ce n’est pas en hommage à Louis XVI et Marie-Antoinette, dont il emprunte le logis, qu’il a choisi d’escamoter le drapeau tricolore. Mais bien parce qu'à ce consortium épicier - fondé sur le commerce de l’acier et du charbon -, qui a refusé de se doter d’une âme en en reconnaissant ses racines chrétiennes, il veut octroyer une armée - c’est l’un des objets de ce sommet - et un drapeau commun éclipsant celui de chaque nation, premières pierres d'angle des États-Unis d’Europe. Dont il se rêve l’astre central, le Roi-Soleil.

 

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