LAUDATE HOMINEM CLIMATICUM (partie 2)

Si le sain et raisonnable soin de la création est assurément très important il ne peut se concevoir et se développer que si d’abord nous connaissons, aimons, servons et adorons son Créateur. Nous ne changerons jamais l’essence des choses : Le Christ est la pierre angulaire de tout ordre social. Sans Lui tout se divise et périt y compris sa création. « L’humanisme qui exclut Dieu est un humanisme inhumain » écrit sa Sainteté le Pape Benoît XVI dans « Caritas in veritate »(78)

Or, que constatons-nous, voire, quelle nouvelle religion nous imposons-nous ?

 

Il faut alors reconstruire en défendant la citadelle de la Vérité sur l’homme et la création.

 

Chronologie d’une apocalypse ou chronologie d’une dictature ?

 

Il est pourtant curieux de voir à quel point aujourd’hui l’écologisme est l’arbre d’acier qui cache des forêts d’éco- terroristes s’octroyant le droit de vie ou de mort sur la création. Ils volent la terre pour la détruire systématiquement afin que personne ne puisse répondre à la vocation première de l’homme qui est de la faire fructifier et de s’en nourrir. Après abolir l’homme, l’étape suivante est d’abolir la création. Que de gâchis au nom d’une telle illusion ! Que d’insolence mortifère quand beaucoup d’humilité sous-tend le geste du semeur, l’attente de la fécondation, le regard émerveillé au sacre du printemps.

 

Et pourtant, il faut tout reconquérir. Quand on voit la destruction des paysages, leur profanation, on a vite compris que c’est un enlaidissement de l’âme et un péché contre l’esprit.

 

Si le monde moderne, après avoir entrepris la destruction de toute forme de pensée métaphysique ou sapientielle, en est venu à détruire, en grand, les paysages naturels (aujourd’hui ce sont les champs, des forêts d’éoliennes, qu’on veut de plus en plus hautes pour voler de plus en plus de vent et imposer de plus en plus de chimères), ce n’est point par hasard. Je cite à nouveau Patrick Moore :

 

« Il n’y a pas de crise climatique. Sur le long terme, je supporte l’énergie nucléaire et le gaz naturel. L’éolien et le solaire sont des énergies non fiables et dispendieuses ».

 

 

Dans « Laudate Deum » le Pape écrit pourtant :

 

55. « En revanche, la transition nécessaire vers les énergies propres comme les énergies éolienne et solaire, en abandonnant les combustibles fossiles, ne va pas assez vite.

 

Ce qui ne l’empêche d’ailleurs pas de rappeler :

 

64. Jésus pouvait inviter les autres à être attentifs à la beauté qu’il y a dans le monde, parce qu’il était lui-même en contact permanent avec la nature et y prêtait une attention pleine d’affection et de stupéfaction. Quand il parcourait chaque recoin de sa terre, il s’arrêtait pour contempler la beauté semée par son Père, et il invitait ses disciples à reconnaître dans les choses un message divin. [38]

 

Tout se tient : Avec quel regard ?

 

Tout se tient : nos paysages et nos pensées, de même que se tiennent l’irrévérence et la barbarie. Le monde moderne cultive une inimitié farouche pour toute forme de recueillement. Or les paysages nous recueillent. Nous nous recueillons dans les paysages et nous recueillons en nous, pour les porter dans le secret des âmes et du dire poétique, les paysages. Ce lien, cette concordance, cette correspondance simple, le monde moderne en a horreur. Toute l’énergie qu’il met à constituer une réalité virtuelle tient en cette horreur. Comment comprendre cette horreur ? Mais comme elle fut toujours comprise : comme l’œuvre du Diable, du Diviseur ! De cette force qui divise, qui oppose l’inopposable naturel, le monde moderne a démultiplié les pouvoirs et accouche d’une culture de l’inversion et de la stérilité. Nous en sommes là, et au point où cette simple évidence que les pensées naissent de paysages, apparaîtra bientôt comme une chose étrange ou incongrue. Le monde moderne a créé toutes les conditions de déracinements, de déforestation, d’éradication de l’âme des peuples pour mieux laisser la chimère « ravager » nos terres. Il faut reconquérir la fierté et l’humilité pour ne pas laisser l’imposture se « réinventer ». Il faut tout reconquérir ! A commencer par l’unisson. La première liberté humaine, le premier « droit de l’homme » devrait être le droit au silence, qui inclut le droit de se taire et la liberté d’écouter comme la liberté de parler et le droit d’entendre le silence. Invitation à la méditation, au recueillement, à l’émerveillement, à la révélation de notre petitesse.

 

L’être qui est orienté par le profit, par la conformité sociale s’oppose à celui qui est orienté par la quête de la beauté et de la connaissance. Ce sont ces appartenances secrètes à la matrice artistique, à l’intimité poétique qui déterminent le destin de la personne, bien davantage que les appartenances aux classes sociales, aux masses uniformes gesticulantes, salissantes et aboyeuses qui hantent les nuits des morts vivants, les impostures ecologrettathunbergiennes ,les fêtes des voisins et les laquais de la déculture , de l’ « homo festivus »( Ph Muray) ou tout « auteur » est par définition immoral, car tout ce qui n’est pas vénal est immoral. Le paysage que le poète honore et chante est un point de jonction. Il est à la fois paysage de l’âme et du monde. Se reconnaître dans ce paysage, y célébrer sa présence, y attendre l’épiphanie, c’est bien reconnaître que le site, et par voie de conséquence, l’âme humaine, ne sont pas réductibles au genre ou à l’espèce. Tout le contraire de ce à quoi aspirent ces fils de bourgeois-philantthropes, désœuvrés, en mal d’émotions, que l’argent facile de papa et maman maintient, autos- proclamés écolos qui sous le nom d’EELV, « Soulèvements de la terre » « Mouvement Attac » « Just Stop Oil »cassent ou tuent du flic, brûlent ou détruisent la campagne et l’agriculture , cultivent et transmettent la haine et la barbarie,  errent de festival déjanté en « rave ou free party » extasiée, héroinisée ou cocainisée (soutenues par un silence complice  des collectivités territoriales, des DRAC voire du ministère de l’aculture)  ne sont que les croque-morts subventionnés par les  ploutocrates altermondialistes et post humanistes annoncés par Tocqueville.

 

La place de l’Eglise : une évidence ?

 

L’exhortation apostolique Laudate Deum, consacrée à la « crise climatique », par laquelle le pape François a souhaité ouvrir le « Synode sur la synodalité » à Rome, ne s’inscrit pas seulement dans le sillage déjà consolidé de l’ivresse de l’Église catholique pour l’idéologie écologiste millénariste et ses dogmes sur le « changement climatique » anthropocentrique, mais représente le tournant par lequel le catholicisme est entraîné sur un territoire qui est en fait incompatible avec l’humanisme chrétien, poussant à l’extrême une tendance déjà manifestée dans de nombreuses autres déclarations papales.

 

Sur le fond, Laudate Deum présente une série embarrassante d’affirmations plus infondées et contradictoires les unes que les autres. On se demande quel est le Jimini cricket onusien qui squatta Sainte Marthe et s’y imposa pour murmurer à l’oreille de Pontifex :

 

38. À moyen terme, la mondialisation favorise les échanges culturels spontanés, une plus grande connaissance mutuelle et des chemins d’intégration des populations qui finissent par conduire à un multilatéralisme “d’en bas” et pas seulement décidé par les élites du pouvoir. Les revendications qui émergent d’en bas partout dans le monde, où les militants des pays les plus divers s’entraident et s’accompagnent, peuvent finir par exercer une pression sur les facteurs de pouvoir. On peut espérer qu’il en sera ainsi concernant la crise climatique. C’est pourquoi je répète que « si les citoyens ne contrôlent pas le pouvoir politique – national, régional et municipal – un contrôle des dommages sur l’environnement n’est pas possible non plus ». [31]

 

Le chapitre 4 « Les Conférences sur le climat : progrès et échecs » est un plaidoyer pour l’accélération de la mise en œuvre de l’Agenda 2030 et le regret qu’après la COP21 de Paris aucune sanction n’existe pour les récalcitrants. On croirait presque entendre les commissaires politiques sanitaires sur les plateaux des chaînes publiques en France qui, à propos de l’obligation de se faire vacciner contre le COVID, voudraient voir supprimer leur couverture sociale à ceux qui s’y opposent voire suggérer aux voisins de les dénoncer.   

 

47. « La COP21 de Paris (2015) a été un autre moment important car elle a débouché sur un accord impliquant tout le monde. Elle peut être considérée comme un nouveau départ étant donné que les objectifs fixés lors de l'étape précédente n'ont pas été atteints. L’accord est entré en vigueur le 4 novembre 2016. Bien qu’il s'agisse d’un accord contraignant, toutes les exigences ne sont pas des obligations au sens strict et certaines d’entre elles laissent une grande marge de manœuvre. En outre, pour les obligations qui ne sont pas respectées, aucune sanction n’est strictement prévue et il n’y a pas d’instruments efficaces pour en garantir l’observation. L’accord prévoit également des formes de flexibilité pour les pays en voie de développement. »

 

 

 

 

Quand on est en droit d’attendre du Souverain Pontife que s’il parle d’écologie, il ait un couplet sur le respect de la vie depuis le moment de la conception jusqu’à la mort on ne peut que regretter qu’au bout du compte, il se fasse le thuriféraire de l’Agenda 2030.  Le souverain pontife prétend présenter des arguments scientifiques et techniques irréfutables sans aucune autorité, et cite à l’appui des sources déclarées fiables sur une base totalement non critique, comme celles des scientifiques du GIEC (dont l’existence même dépend d’un postulat politique, celui de l’urgence climatique, et non d’une voie libre vers la recherche de la vérité), alors qu’il en rejette tout aussi a priori et sans esprit critique d’autres, à savoir tous ceux qui critiquent la thèse du changement climatique anthropogénique.

 

L’Église du pape argentin choisit de ne pas cimenter et revitaliser son fondement transcendant, mais au contraire de se consacrer à une idée purement immanente du salut, transformant la doctrine de la protection de la Création en une adhésion passive à l’une des idéologies les plus autoritaires nées du relativisme séculier : l’environnementalisme apocalyptique et millénariste qui rend l’égoïsme et la cupidité de l’homme responsables d’une transformation catastrophique de la nature qui conduira à sa propre extinction, et qui exige qu’il répare ce « péché » par l’expiation et la mortification de son mode de vie.

 

Juan Manuel de Prada - juriste, essayiste, écrivain et critique littéraire espagnol, l’une des plus belles et magistrales plumes espagnoles d’aujourd’hui- publia ce superbe mot dans ABC à propos de Laudate Deum:

 

« L’exhortation apostolique par laquelle François intervient dans le débat sur le changement climatique, se posant en pieux défenseur des hypothèses systémiques qui soutiennent son origine anthropique, a provoqué un tonnerre d’applaudissements dans le monde entier. Mais qu’un pape écrive sur la climatologie a autant de valeur qu’un essai d’Alexander Fleming, découvreur de la pénicilline, sur la métaphore difficile à déchiffrer dans la poésie de Luis de Góngora(1). Je n’ai pas besoin de dire que je considère Fleming comme l’un des hommes les plus méritants de l’histoire de l’humanité. J’aimerais que le Pape ait une préférence pour le prêtre Góngora et qu’il se mette à déchiffrer son hermétisme ; mais, par Dieu, il a une préférence plus grande pour la mesure du taux de dioxyde de carbone dans l’atmosphère.Or, il se trouve que la mission du pape n’est pas de nous surprendre avec ces mesures, mais de préserver le patrimoine de la foi et des mœurs, aujourd’hui si entamé. Même si l’hypothèse audacieuse du pape sur le changement climatique s’avérait un jour vraie, cette exhortation ne serait toujours pas compatible avec cette missionEt si, à l’avenir, elle s’avérait fausse, l’audace de François servirait à dénigrer l’Eglise, comme c’est le cas aujourd’hui, parce que l’un de ses prédécesseurs a servi de médiateur dans la querelle de Galilée parmi les astronomes qui, dans leur « écrasante majorité », adhéraient au géocentrisme, comme le prétendent aujourd’hui ceux qui adhèrent au changement climatique prétendument causé par l’homme.

 

Dans ce futur probable, les lecteurs de cette exhortation seront alors étonnés de voir un pape se draper dans le manteau du changement climatique à une époque où mille feux brûlent dans l’Église.

 

L’écrivain argentin Leonardo Castellani (2) (un auteur qu’à ma connaissance François a lu) avait l’habitude de dire que l’univers est « un poème dramatique dans lequel Dieu s’est réservé le début, le milieu et la fin, appelés théologiquement création, rédemption et parousie ». Les personnages de ce poème dramatique sont les actions humaines qui, par le péché, provoquent la fin du monde. Mais l’auteur est Dieu, qui ne terminera pas le poème avec des mesures de CO2, mais lorsque la montagne de nos péchés non repentis criera vers le ciel. Dieu veut, bien plus que notre adhésion à des hypothèses scientifiques, que nous défendions sa cause au milieu de la tribulation et de l’apostasie généralisées, même si le monde nous ridiculise et nous stigmatise pour cela, parce que nous n’adoptons pas ses faux dogmes et dénonçons les expériences anthropologiques aberrantes qu’il tente de naturaliser pour tuer les corps et les âmes. Et Dieu veut que le pape soit le premier dans cet engagement, en faisant comprendre aux hommes qui lui sont confiés que son règne ne finira jamais, quoi que l’homme tente, et que sa récompense dépasse toutes les flatteries de ce monde et tout ce que l’œil n’a jamais vu, l’oreille jamais entendu et l’esprit humain jamais rêvé de beau et de glorieux.

 

Les papes devraient s’en souvenir et laisser les hypothèses sur le changement climatique et les énigmes de Góngora aux conversations entre amis après le dîner autour d’un verre de carajillo ».

 

 

73. « Louez Dieu » est le nom de cette lettre. Parce qu’un être humain qui prétend prendre la place de Dieu devient le pire danger pour lui-même ».

 

Voilà en tout cas qui est bien dit.

 

Ortega y Gasset - philosophe, sociologue, essayiste espagnol et chef de file de la «Generación del 14»- résume, avec brio, la situation :« On peut facilement formuler ce que notre époque pense d’elle-même : elle croit valoir plus que toutes les autres tout en se croyant un début et sans être sûre de ne pas être une agonie … L'âme médiocre, se sachant médiocre, a la hardiesse d'affirmer les droits de la médiocrité et les impose partout

».

 

 

Thierry Aillet

 

Ancien Directeur Diocésain de l’Enseignement Catholique d’Avignon

 

(1) Luis de Gongora est un poète Espagnol baroque du mouvement cultiste (vocabulaire opulent, nombreuses métaphores). Né en 1561, il étudie le droit à l'Université de Salamanque dès l'âge de 15 ans mais se rend rapidement compte que l'écriture est sa vocation. Dès 1585, son talent est reconnu par le célèbre Miguel de Cervantes lors de la publication de La Galatea. Il le qualifie alors qualifié de «génie sans pareil» et déclare que ses vers « réjouissent et enrichissent le monde entier ». En 1605, Gongora est ordonné prêtre et finit par être nommé chapelain du roi Philippe III à Valladolid. Plus tard il retournera à Cordoue, sa ville de naissance où il meurt en 1627.

 

 

A noter que la Generación del 27 ( Guillén, Lorca, Alberti, Diego…) a pris ce nom en l'honneur du poète lors du trois centième anniversaire de sa mort en 1927.

 

(2) Prêtre, écrivain, philosophe, théologien, exégète et poète, Leonardo Castellani (1899-1981) est l'une des plus grandes figures de la pensée catholique du xxe siècle, l'une des plus singulières aussi. Considéré comme un jésuite rebelle parce qu'il critiquait les égarements de l'Église et du clergé argentin, il refusa de quitter la Compagnie de Jésus, comme l'exigeait sa hiérarchie. Il accepta la réclusion en Espagne, puis s'évada au bout de deux ans, en 1949. Revenu en Argentine, il vécut en « ermite urbain » à Buenos Aires, payant le prix de son combat héroïque pour la Vérité. Pourquoi redécouvrir aujourd'hui ce maître oublié, que ses ennemis surnommaient le «Curé fou » ? Parce qu'en dépit des persécutions, Castellani suivit le Christ jusqu'au bout. Parce qu'il éleva son chant au-dessus des fracas du monde, avec autant d'humour évangélique que de rectitude et de sagesse visionnaire. Quarante ans après sa mort, à l'heure où l'humanité bascule dans le néant, son âme s'adresse aux âmes qui veulent encore se sauver.