Aurel Kolnai (1900-1973) : " La démocratie la meilleure est un régime mixte qui reflète le caractère ambivalent de l'âme humaine. "

 

HONGROIS D'ORIGINE, Aurel Kolnai (1900-1973) fut parmi les critiques conservateurs de la " démocratie progressiste " l'un de ceux qui au XXe siècle poussèrent le plus loin la critique philosophique.

En tant que philosophe politique, il fut un penseur indépendant, voire singulier, redevable surtout à la grande ouverture d'esprit de la pensée classique et médiévale, ainsi qu'au souci phénoménologique de " laisser parler les phénomènes " pour redécouvrir la " souveraineté de l'objet ". Il s'identifiait particulièrement aux penseurs " libéraux-conservateurs " tels que Burke et Tocqueville (ainsi qu'à toute une série d'hommes moins célèbres du XIXe et XXe siècle, critiques de la société de masse) qui admettaient la dépendance ultime de la liberté moderne par rapport aux traditions et assises pré-modernes.

Dans ses Mémoires politiques (1955), il déclarait que ces penseurs libéraux-conservateurs l'avaient aidé à " percevoir que si l'élaboration technique du Rechtsstaat — le gouvernement constitutionnel et le règne de la loi — avait été pour une grande part le travail des libéraux, son fondement historique et ses prémisses intellectuelles étaient éminemment d'inspiration " conservatrice " : c'est-à-dire, attachés à une tradition de civilisation stable et au concept d'une autorité modérée et pluraliste " (PM, 210) .

 

Kolnai, critique de la " démocratie progressiste "

 

Les critiques à l'occasion immodérées de Kolnai envers la démocratie progressiste donnent parfois l'impression qu'il était un philosophe tourné vers le passé, un aristocrate libéral qui voyait dans la démocratie l'ennemi mortel de la liberté bien comprise. Mais c'est loin d'être le cas. Dans la pure tradition de la pensée des libéraux-conservateurs, Kolnai prônait " la forme constitutionnelle du pouvoir politique, la justesse de la Loi morale universelle, la protection des droits civiques et humains en général, ainsi que l'égalité des hommes aux yeux des chrétiens " (PL, 49).

Kolnai, sans aucun doute, dénonçait violemment une certaine conception de la démocratie, celle du common man qui réduisait la pluralité intrinsèque de la vie personnelle et collective à l'appréhension de l'homme réduit à sa plus simple expression, c'est-à-dire " débarrassé de sa culture et de ses biens " et " libéré des dogmes, des traditions et des préjugés " (CRE, 142). Comme le constatait John Hittinger, Kolnai était un critique avant la lettre de la glorification libérale contemporaine de l'individu libéré ou dépouillé, en d'autres termes nu . Kolnai était d'avis que réduire l'homme à son dénominateur commun le plus bas — " l'humanité pure " — sapait la dignité et l'individualité de chaque homme, y compris la " grandeur d'âme " inhérente à chaque être humain en tant que tel. La conception de la démocratie qui est celle du common man pose les jalons du totalitarisme car elle présuppose un arbitraire de la volonté humaine, un orgueil de son identité, aussi large que la souveraineté de l'homme sur lui-même (PL, 44).

Kolnai croyait que la vraie liberté est inséparable des privilèges. Ce langage ne rassure guère les démocrates dogmatiques, mais cela ne prouve pas que Kolnai ait voulu tenir un discours anti-libéral ou anti-démocratique. Il n'a jamais défendu le droit pour une aristocratie ou une oligarchie de gouverner, de par droit de nature ou sans tenir compte des réclamations justes des citoyens ordinaires. Au lieu de cela, il imaginait une société riche, pluraliste et équilibrée qui respecterait l'interaction dynamique de personnes et de groupes " relativement indépendants ". De son point de vue, une démocratie radicalement égalitariste ou " identitaire " transforme les personnes libres en " molécules anonymes de la société ", l'individu en rien de plus " qu'une entité infinitésimale du calcul politique " (PL, 47). C'est par conséquent une démocratie essentiellement antidémocratique malgré les revendications extravagantes qu'elle émet en faveur de la " souveraineté " du peuple. En revanche, une démocratie pluraliste et conservatrice accepte la réalité des " privilèges et des contre-privilèges " mais également " les limites et les restrictions " de toutes les prétentions à des privilèges. Elle proclame " la liberté sous le regard de Dieu " (PL, 39) plutôt que la souveraineté propre de l'homme. Selon Kolnai, la politique et la métaphysique sont inséparablement liées : " C'est seulement parce que certaines personnes, — à certains égards et de différentes façons — pèsent au sein de, ou contre, l'État-pouvoir que “l'individu” en tant que tel, “l'homme ordinaire” qui n'est en aucune manière un “maître”, peut également “compter pour quelque chose” et participer activement à la vie de l'État " (PL, 47).

Dans des articles comme " Privilège et Liberté " et " La signification du " common man " Kolnai répète à l'envi que la démocratie présente " de multiples aspects positifs " (PL, 44) et par conséquent ne peut être confondue avec ses tendances les plus pernicieuses ou radicales . Il insiste sur le fait qu'une société décente, c'est-à-dire une société orientée vers le bien commun, doit tout particulièrement mettre l'accent sur la " participation du peuple dans ses larges couches à l'orientation des décisions publiques, et ce à différents niveaux " (MCM, 87). L'homme simple ou ordinaire, qui revendique légitimement une participation dans le domaine politique, est un rappel constant pour les " privilégiés " (c'est-à-dire toute personne ayant un poids dans l'ordre social) que leurs prérogatives sont subordonnées à un bien commun qui respecte les droits de tous les sociétaires. À la manière de Chesterton , Kolnai soutient même que l'homme ordinaire, le " démocrate " a un jugement de bon sens supérieur à celui du spécialiste, de " l'homme, esclave d'une idée fixe " (MCM, 87). Kolnai ne partage pas le dédain esthétique du réactionnaire ou du révolutionnaire pour les êtres humains ordinaires. Tout en refusant de transformer en idole " l'homme ordinaire " bien trop humain, il va jusqu'à affirmer " qu'il est indiscutablement vrai qu'un système de gouvernement où “l'homme ordinaire” en tant que tel “a son mot à dire”, est intrinsèquement meilleur qu'un système de gouvernement à la tête duquel se trouve une caste ésotérique de fonctionnaires d'élite, quelque bien nés, cultivés ou attachés au bien public qu'ils soient " (MCM, 87). Kolnai, chrétien conservateur, rejette le plaidoyer platonicien (quelle qu'en soit la qualité), en faveur du droit des sages ou du petit nombre à gouverner par nature, sans parler de la distinction spécieuse que fait Nietzsche entre la morale des " maîtres " et celle des " esclaves ".

Kolnai veille cependant à enraciner son plaidoyer pour la revendication démocratique dans une vision vaste du bien commun plutôt que dans une notion quelconque de souveraineté individuelle ou collective. Kolnai soutient ce que l'homme d'État français du XIXe siècle, François Guizot, appelait " la souveraineté de la raison " sur la volonté, et ce qu'Alexis de Tocqueville nommait la suprématie de " l'humanité, de la justice et de la raison " sur les prétentions d'une majorité omnipotente . De manière radicale, il nie la souveraineté propre de l'homme sous quelque forme que ce soit. Il défend le " privilège " qui protège les individus et les groupes contre les abus de pouvoir de l'État ainsi que le sentiment de limitation propre à la créature, qui rend à la fois le privilège et le pouvoir compatibles avec le bien commun.

Kolnai remarque que l'une des causes de la relative modération des démocraties des pays de l'Ouest — par rapport en tout cas aux régimes totalitaires de droite comme de gauche — est la façon dont l'acceptation officielle de la souveraineté de l'Homme est tempérée dans la pratique par sa prise en compte de l'individu souverain et de ses revendications propres. Deux versions de " l'affirmation de soi " rivalisent l'une avec l'autre et par conséquent " constitutionalisent " les aspirations théoriquement illimitées de la souveraineté moderne (PL, 38). Ce conflit bénéfique entre la " volonté individuelle " et la " volonté générale " permet à la démocratie libérale de rester relativement libérale malgré le totalitarisme implicite que représente la revendication officielle que l'homme est souverain de lui-même. Le rejet par Kolnai de la " démocratie progressiste " impliquant le principe totalitaire de la " souveraineté sur soi-même " de l'être humain, ne doit pas être confondu avec un rejet de la démocratie basé sur d'autres postulats d'ordre moral et métaphysique. Dans son article " La signification du common man ", Kolnai, au contraire, demande que l'on mette une nouvelle fois l'accent sur la défense de la démocratie occidentale face aux critiques " totalitaires " (Kolnai écrivait durant la période la plus froide de la Guerre froide). Un tel plaidoyer, qu'il soit théorique ou pratique, se doit, pour être solide, de souligner quelles sont les conditions préalables conservatrices de toute démocratie équilibrée et réaliste :

 

Ce que nous avons en tête n'est évidemment pas de remplacer la " démocratie " (de l'Ouest) avec ses tendances idéologiques par un système fantaisiste de constitutionalisme conservateur, ni de prétendre à un " retour " à telle ou telle période spécifique du passé, mais de proposer d'en déplacer le centre de gravité d'ordre spirituel. Il s'agit de s'éloigner de l'idéologie du " common man " et de s'attacher davantage au versant constitutionnaliste de la démocratie et à tout ce qui la relie à la grande tradition de l'Antiquité, à la chrétienté, ainsi qu'aux cultures libérales du passé qui arrivent tout juste à survivre. En d'autres termes […], nous devrions mettre l'accent sur tout ce que le " règne de la loi " implique – c'est-à-dire, une société équilibrée qui limite le pouvoir de l'homme, même sur le plan des relations humaines ; la pluralité et les limites des pouvoirs sociaux et des prérogatives des politiques ; l'organisation de la société eu égard et en fonction d'un Pouvoir allant bien au-delà et au-dessus de l'homme dans sa réalité sociale, dans sa dignité politique et dans toute manifestation de sa " volonté " (MCM, 64).

 

Kolnai et Tocqueville

 

Cette citation prouve que Kolnai s'inspire de et a des affinités avec la pensée libérale-conservatrice, y compris avec le plus grand, le plus équilibré et le plus perspicace des penseurs libéraux-conservateurs, Alexis de Tocqueville. En fait, une des forces de Kolnai est qu'il donne une profondeur théorique à quelques unes des observations les plus pénétrantes, mais non élaborées, de Tocqueville. Comme l'a suggéré John Hittinger, Kolnai fournit plus de " précision conceptuelle et phénoménologique " que Tocqueville et il fait un travail de philosophe quand Tocqueville s'en tient à des observations profondes ou à des généralisations historiques ou sociologiques .

Néanmoins, les affinités entre les deux penseurs sont assez frappantes. Ils admettent l'un comme l'autre que la cause de la liberté et de la dignité humaine n'est pas renforcée par les efforts faits pour pousser toujours plus loin la démocratie. Ils admettent l'un comme l'autre la bienfaisante dépendance de la démocratie envers ce que Tocqueville appelle " héritages aristocratiques " et ce que Kolnai appelle " axiomes, usages, traditions et habitudes (qu'ils soient respectés de façon explicite ou tacite) qui transcendent le cadre libéral-démocratique lui-même et imposent certaines limites “matérielles” ou “objectives” à la liberté individuelle et la souveraineté du peuple tout à la fois " (PL, 38). Les deux penseurs craignent que ces héritages ou traditions pré-démocratiques ne soient rongés par la démocratisation progressive de la société et par l'application dogmatique du principe de la souveraineté du peuple. Ils redoutent que toute chose en vienne à être jugée selon l'impératif de l'approbation individuelle et collective. Tocqueville et Kolnai étaient tous les deux conscients de ce que la démocratie est à la fois un phénomène métapolitique et politique. Ils savaient que la démocratie " démocratise " des aspects de la vie comme la famille, la religion et la vie intellectuelle, toutes choses qui autrefois étaient considérées comme naturelles et donc, fondamentalement, au-delà de la politique.

Ils étaient l'un comme l'autre les ardents défenseurs d'une " liberté modérée, régulière, contenue par les croyances, les mœurs et les lois ", pour employer la formule de Tocqueville dans ses Souvenirs. Dans le même temps, ils étaient conscients de la tyrannie discrète mais implacable que la démocratie est capable d'exercer sur l'esprit et l'âme de l'homme. Ils savaient que sous la règle démocratique, le moment venu, aucun recours ne serait possible en dehors du jugement collectif du peuple ou des revendications omniprésentes de " l'opinion publique ". Tocqueville est allé jusqu'à affirmer qu'il ne connaissait pas " de pays où il règne, en général, moins d'indépendance d'esprit et de véritable liberté de discussion qu'en Amérique ". Kolnai, pour sa part, était convaincu que des prémisses totalitaires se tapissaient dans l'idéologie démocratique. La démocratie dégénérait bien trop aisément en " religion du progrès " et était sans défense face à des formes d'historicisme et de matérialisme plus cohérentes. Le rêve d'un " monde de l'homme en tant que tel… dégagé des préjugés, des dogmes, des traditions et du goût " n'était de son point de vue rien de moins qu'une utopie inhumaine (PM, 200). Sans doute, " l'idée utopique affiche-t-elle en Amérique un visage plus modéré ; mais la protestation de la nature humaine contre l'utopie y est réduite au silence de manière la plus efficace " (PM, 201). Selon des approches différentes, Tocqueville et Kolnai balançaient entre l'idée que le despotisme révolutionnaire était la plus grande menace envers la liberté politique et l'intégrité humaine dans les temps modernes (bien que Tocqueville n'ait pas vécu assez longtemps pour voir les tyrannies idéologiques du XXe siècle mais seulement les prémisses du totalitarisme que fut le jacobinisme) et la conviction qu'un despotisme doux, démocratique, était une menace bien plus subtile, insidieuse et dangereuse envers l'intégrité de la nature humaine.

De toute façon, Tocqueville et Kolnai partageaient l'intuition libérale-conservatrice que la démocratie est sapée par ses flagorneurs ou " partisans immodérés ". Ses vrais amis refusent de succomber au " dogme démocratique ". Ils ont l'indépendance d'esprit de reconnaître les limites de la démocratie. Selon les termes si à propos de Pierre Manent, ils savent que " pour bien aimer la démocratie, il faut l'aimer modérément ".

Dans son remarquable article " Conservative and Revolutionary Ethos " (1972), Kolnai s'exprime avec admiration sur les idées de Tocqueville concernant la condition politique et spirituelle de l'homme moderne :

 

Le grand penseur libéral-conservateur qu'était Tocqueville ne pouvait pas avoir connu le rêve fébrile de Marx à propos de la " réalisation de la race humaine " – véritable idéal totalitaire – ni la " nécessité historique " de cette entreprise, ni la vision de Marx, aussi révolutionnaire que réactionnaire, concernant la future abolition de la division du travail. Néanmoins, il voyait avec acuité et un sentiment de crainte le danger que représentait la revendication de " droits égaux ", une revendication avec laquelle il sympathisait, dont la logique conduit presque inévitablement à une demande d'égalité en matière de culture et de bien-être. Il s'ensuit — ne serait-ce qu'en raison d'un besoin d'une mesure de l'égalité — un appauvrissement inimaginable, un aplatissement et une dé-spiritualisation de la vie ; alors tout devient de plus en plus homogène et les êtres humains plus semblables, prolétarisés et uniformes (CRE, 142).

 

Kolnai voyait en Tocqueville l'analyste perspicace et critique de ce que Pierre Manent appelait " le rêve “panthéiste” de l'homme démocratique qui dans un bâillement avalerait le monde " . Tocqueville avait la grandeur d'âme pour prévoir que cette " réalisation de la race humaine " de l'homme en tant que tel ne pouvait qu'entraîner " un appauvrissement inimaginable, un aplatissement et une dé-spiritualisation de la vie ". Il comprenait également que les revendications justifiées d'une démocratie égalitaire ne pouvaient être appréciées ou réglées qu'à la lumière de références qui ne pouvaient être fournies par l'idéal démocratique lui-même. C'est précisément cette observation que Kolnai développe dans ses écrits de philosophie politique. Ses deux plus grands écrits sur la politique chrétienne conservatrice, " Privilège et Liberté " et " La signification du “common man” " dissèquent dans les moindres détails le rêve panthéiste de l'homme démocratique. Kolnai met l'accent sur les effets subversifs de " l'humanisme athée ". L'humanisme athée proclame que l'humanité est un dessein héroïque mais sa vision du " bien commun " est totalement indéterminée. L'humanisme athée n'a pas de critères, la fin ou les moyens, pour juger les actions des hommes. Son déni d'un ordre des choses ou d'une entité ou d'une loi qui serait au-dessus de l'homme ouvre logiquement la voie à l'illusion panthéiste d'une souveraineté collective des hommes sur eux-mêmes, et par conséquent à " l'auto-asservissement " (PL, 34) de l'homme :

 

Dans l'hypothèse où il n'y a aucune entité ou loi au-dessus de l'homme, ni aucune notion précise d'un bien en dehors de l'homme susceptibles de mesurer et de diriger ses actes, le concept de valeurs suprêmes et de principes obligatoires est limité à ce que l'on considère comme " allant de soi " pour tout le monde : ce qui revient à dire que toute subjectivité humaine en tant que telle – équivalente à d'autres – constitue le juge de la vérité, et de façon similaire tout besoin humain est immédiatement et souverainement considéré comme un bien ; par conséquent, l'anarchie ne peut être évitée que par une réelle uniformité et une fusion des pensées et des volontés humaines en tant que telles ; l'unité ne signifie plus une convergence des esprits vers une Cause, une Mesure et un But transcendants, elle est tout entière dans la société elle-même ; quiconque s'interroge sur l'évidence de ce " qui va de soi " ou ne réussit pas à s'intégrer dans une constitution " typique " de " besoins " se place (au moins virtuellement mais peut-être avec des conséquences à grande échelle) en dehors des limites reconnues de l'humanité (PL, 29-30).

 

Noblesse et démocratie

 

Kolnai est le critique le plus philosophiquement précis et clairvoyant du XXe siècle de la " religion de l'Humanité " – et de la radicale " hostilité à l'Être ", hostilité qui sous-tend la volonté d'exonérer l'homme du respect dû à " ce qui est le plus élevé dans l'homme et à ce qui est plus haut que l'homme mais qui s'impose à lui " (PL, 26-27). Contre les partisans de la libération ou de l'émancipation qui préconisent une conception de l'identité humaine qui détruit le pluralisme, l'individualité et toute notion cohérente du bien commun, Kolnai défend une compréhension modeste mais plus humaine qu'il appelle participation (PL, 23-30). Dans cette perspective, les êtres humains participent à un ordre des choses qu'ils ne créent pas. Participation " est un autre terme pour exprimer l'affirmation par l'homme de, ou sa loyauté envers, l'Être, la Forme et les Limites " (PL, 26), ainsi que sa confiance en Dieu et sa juste appréciation de ses limites de créature (CRE, 154). En face de l'erreur de l'auto-affirmation collective, l'adepte de la participation admet que " la réponse, et non le fiat est l'attitude première de l'être humain " (PL, 26). Dans la formulation complémentaire de Bertrand de Jouvenel, " l'homme conscient se reconnaît débiteur et ses actes seront inspirés par un sentiment profond de l'obligation ".

Par conséquent, Kolnai donne une formulation théorique à la critique du panthéisme que fait Tocqueville (De la démocratie en Amérique, vol. 2, 1, chap. 7). Il insiste sur le fait que la prétention démocratique de l'homme à la toute puissance est l'ennemi de la véritable grandeur humaine. Il défend le pluralisme, les " privilèges ", l'inégalité et la noblesse contre les prétentions niveleuses de l'idéologie démocratique. Cette défense de l'inégalité est sans nul doute moins adroite sur le plan rhétorique que celle de Tocqueville et doit offenser certaines honnêtes sensibilités démocratiques. En effet, parler des privilèges de façon aussi impudente ne peut qu'offenser les démocrates qui associent simplement les privilèges avec des inégalités conventionnelles et, par conséquent, avec l'injustice. Mais comme nous l'avons précédemment évoqué, Kolnai n'était pas l'ennemi de l'égalité bien comprise. Il défendait au contraire l'idée de la nécessité d'une norme pour statuer sur l'égalité, une norme qui permette d'apprécier son rôle légitime aussi bien que ses limites intrinsèques au sein d'un ordre humain décent.

De diverses façons, la critique de Kolnai envers la démocratie du " common man " et son apologie métaphysique et politique de la noblesse affinent sur le plan théorique la distinction tocquevillienne entre " une passion mâle et légitime pour l'égalité qui excite les hommes à vouloir être tous forts et estimés ", une passion qui " tend à élever les petits au rang des grands " et le " goût dépravé pour l'égalité qui porte les faibles à vouloir attirer les forts à leur niveau, et qui réduit les hommes à préférer l'égalité dans la servitude à l'inégalité dans la liberté ".

Comme nous l'avons vu, Kolnai appelle ce sens perverti de l'égalité — ennemi en tant que tel de la noblesse — la démocratie du " common man ". Il observe que malgré les différences fondamentales qui séparent le communisme totalitaire des normes de la démocratie libérale, l'idéologie du " common man " sert de dénominateur commun entre les deux régimes, au moins en tant que facteur de paralysie face à l'impérialisme communiste (MCM, 63). Les Harry Hopkins, Henry Wallace et Eleanor Roosevelt du monde entier ne voyaient dans le pays des goulags que les combats acharnés pour atteindre l'égalité et la justice sociale. Le stalinisme n'était simplement " qu'un hâtif New Deal " selon l'expression de Hopkins. Mais les objections de Kolnai envers l'idéologie du " common man " vont au-delà de la question maintenant dépassée de la menace communiste. Kolnai pensait que les propositions sous-tendant la démocratie progressiste sapaient toute vision " saine " de la démocratie (PL, 40, MCM, 87) et n'encouraient rien de moins que le risque de l'auto-asservissement de l'homme. Il est certain que l'analyse approfondie et phénoménologique de l'utopie communiste était l'une des grandes et constantes préoccupations de Kolnai, tant sur le plan théorique que pratique. Il passa les vingt dernières années de sa vie à écrire son chef d'œuvre posthume, l'Esprit utopique. Le livre analyse l'entreprise utopique qui consiste à vouloir " dépasser ou dissimuler à n'importe quel prix les fractures qui caractérisent l'être humain " (UM, 160). Les idéologies révolutionnaires entendent " en finir avec l'Histoire ", elles sapent jusqu'aux conditions préalables de la responsabilité morale et politique et laissent au mensonge inhumain la bride sur le cou. Cependant la critique ancillaire de l'idéologie démocratique est également au centre de l'apologie conservatrice de Kolnai des privilèges et de la liberté. Le point commun entre l'utopie totalitaire et la démocratie est l'absence de normes qui justifient et limitent les revendications égalitaires (aussi justes soient-elles) et qui combattent les prétentions humaines de souveraineté absolue.

La démocratie du " common man " ignore la dialectique de l'égalité et de l'inégalité qui définit la condition humaine et célèbre l'Homme " décapité " (MCM, 69). Cette décapitation de l'homme est la condition préalable pour qu'il se transforme en " Surhomme " (MCM, 69) – en Maître de l'Histoire et de la Société. Cette idéologie voit dans l'abaissement de l'homme à son plus petit dénominateur commun la condition préalable pour que se libère la puissance collective de l'espèce humaine. Ce n'est qu'en devenant rien que les êtres humains peuvent devenir tout et ainsi dépasser leur humanité par trop humaine. Le prix en est exorbitant : cela suppose rien moins que la conformité collectiviste, " l'élimination de toute substance morale de l'homme " et, de façon plus significative, le sacrifice de tout ce qui est humain, y compris son modèle le plus représentatif, " l'homme simple ", à la cause d'une humanité qui se suffit à elle-même et qui ne connaît en principe aucune limite intrinsèque à l'affirmation de soi. La liberté et la dignité qui appartiennent à l'homme en tant qu'homme sont sacrifiées à l'illusion du pouvoir illimité de l'être humain – délire qui hante le projet moderne depuis son commencement. Kolnai insiste sur le fait que la diversité et la pluralité de la condition humaine doivent être défendues contre ceux qui sacrifieraient l'homme à cette idole. L'idée de noblesse doit être rétablie pour elle-même et pour le bien d'une démocratie et d'une liberté authentiques. La noblesse reflète le respect de l'homme pour ce qu'il y a de plus élevé dans l'homme et la soumission à ce qui est plus élevé que lui. Cette interprétation " métapolitique " de la noblesse implique que les multiples privilèges qui définissent une société vivante, pluraliste et libre soient clairement définis et socialement acceptés. Reconnaître le bien fondé des privilèges ou de la noblesse n'entraîne en rien la négation du fait que les êtres humains sont fondamentalement égaux en dignité. Néanmoins, malgré l'égalité morale de l'homme sous le regard de Dieu et devant la loi, le monde humain est nécessairement fait d'inégalités. Chaque fois que les hommes reconnaissent publiquement différentes formes de " vertu ", de " modèle " ou " d'idéal ", telles que celles du moine ou du héros, du chef d'entreprise ou de l'érudit, de l'artiste ou de l'artisan, ils consentent à l'Inégalité (MCM, 75). Il existe une " tendance hiérarchique " inhérente à la réalité sociale. Kolnai insiste sur le fait que les attributs sociaux de la noblesse ne sont pas comparables à la noblesse personnelle, morale ou intellectuelle ; néanmoins, " la reconnaissance sociale de la noblesse est indispensable pour qu'une telle noblesse existe ; indispensable comme aiguillon, elle permet une première mesure de valeur " (MCM, 77). La noblesse a besoin de " références " ou de " résonances " sociales comme signes palpables de la qualité ou de la " valeur intrinsèque " (MCM 80). La noblesse de l'homme simple ne pourrait exister sans que soient reconnues en principe la qualité, la noblesse ou la distinction.

Malgré son recours à un langage quasi-aristocratique à propos du privilège et de la noblesse, l'apologie que fait Kolnai d'une " noblesse " comme reconnaissance sociale de la qualité ou de la valeur revêt également un sens démocratique. Il défend la légitime égalité, la " passion mâle et légitime pour l'égalité " dont parle Tocqueville qui reconnaît une certaine noblesse inhérente au peuple ainsi que le caractère plus ou moins conventionnel de la noblesse simplement sociale. Comme Tocqueville, Kolnai observe que la suppression de la noblesse au nom du nivellement social ne relèvera pas la noblesse du peuple. " Retirer la noblesse aux “nobles” ne nous permettra pas “d'anoblir” le “peuple” mais seulement de détruire une bonne part de la “noblesse” qui se trouve dans le peuple lui-même " (MCM, 78). Un nivellement au nom de l'égalité ne peut en aucune manière élever le peuple au niveau des riches ou des personnes ayant reçu une bonne éducation… et ne peut non plus abaisser les classes dirigeantes au niveau du peuple ; il n'aurait pour conséquence que de tout abaisser à un nouveau seuil qui, dans ses aspects les plus importants serait notoirement inférieur à celui qu'avait précédemment le peuple (MCM, 78-79). De même que l'inégalité prend sa source dans la différence en tant que telle, la noblesse apparaît dans tout corps social qui représente une supériorité qualitative. Par conséquent, la noblesse ne doit pas être réduite aux catégories sociales des société pré-modernes ou aristocratiques mais se retrouve dans tout ordre social différencié qui rend justice aux distinctions individuelles et aux accomplissements de qualité.

Les entrepreneurs capitalistes, " l'élite urbaine " et même " les meilleurs parmi les militaires, les universitaires et même les syndicalistes " (MCM, 81) représentent une certaine forme de " noblesse ". Même dans une société officiellement démocratique, les différences en termes de qualité nécessitent une reconnaissance sociale : il ne peut y avoir d'aristocratie naturelle sans ses contreparties sociales, quasi-naturelles et quasi-conventionnelles. Kolnai, par conséquent, rejette la fameuse distinction — apparemment bien définie mais finalement utopique — faite par Jefferson entre une bonne aristocratie naturelle et une aristocratie conventionnelle injuste.

 

Kolnai et la rhétorique de l'inégalité

 

J'ai dans l'ensemble mis l'accent sur les affinités entre Tocqueville et Kolnai. Cependant, les divergences entre les deux penseurs ne sont pas insignifiantes. Il est certain que l'apologie de la noblesse faite par Kolnai est très proche des théories de Tocqueville en la matière, de même que le rapport qu'il établit entre la démocratie libérale et les héritages aristocratiques. Cependant, Kolnai ne suit pas Tocqueville quand celui-ci baptise " démocratiques " des institutions et des pratiques d'origine aristocratique, mais nécessaires à la bonne santé de la démocratie, telles que l'autonomie des municipalités. Tocqueville insiste sur le fait que l'autonomie municipale est l'héritage d'une liberté plus ancienne mais est également la plus parfaite et la meilleure incarnation de la souveraineté du peuple . La science politique de Tocqueville est plus démocratique que celle de Kolnai dans sa formulation, elle a donc plus de chances de convaincre les démocrates honorables qui ne peuvent accepter les catégories aristocratiques. Alors qu'il ne confond pas la noblesse intellectuelle et morale avec l'inégalité sociale en tant que telle, Kolnai semble parfois suggérer que la liberté est essentiellement aristocratique et ne peut survivre que de façon incomplète ou analogique sous des régimes démocratiques. Sa réflexion politique prête le flanc à la critique en ce sens qu'il ne reconnaît pas suffisamment le caractère inexorable de ce que Tocqueville appelait la " révolution démocratique " et sa montée progressive à l'assaut des privilèges sociaux, rempart contre la tyrannie.

Pourtant, les insuffisances dans l'approche de Kolnai s'avèrent plus rhétoriques que consistantes – sans doute est-ce le résultat, comme l'a suggéré Pierre Manent, de l'isolement relatif dans lequel il se trouvait pour poursuivre ses réflexions.

Malgré le ton aristocratique de son discours, Kolnai n'a pas hésité à défendre l'honnêteté foncière de " l'homme simple " contre les folles ambitions de l'idéologie du " common man " (MCM, 83-91). Sauf exceptions, l'homme simple ou ordinaire est un modèle humain doté d'un esprit sain, fort du sens commun, et en aucun cas le reflet de l'homme dans sa " nudité ". Il est l'opposé de l'individu libéré ou dépouillé. Il est singulier à sa manière, et beaucoup plus à même de défendre l'inégalité ou la différence que la majorité des intellectuels contemporains. L'homme simple a des préoccupations éminemment pratiques mais il est capable de respecter ce qu'il y a de plus élevé dans l'homme et ce qu'il y a de plus élevé que l'homme. Il ne juge pas tout en fonction de son bien-être. Il n'est certainement pas partisan du " moi avant tout ". Il ne se laisse pas facilement berner par les démagogues ou les tyrans qui parlent au nom du peuple et il observe avec méfiance les mouvements politiques ou idéologiques qui veulent que le peuple soit " tout " (MCM, 86) et par conséquent rien. Du point de vue de Kolnai, l'homme simple est un rappel de la " nature relative et transitoire " de " toutes les échelles humaines de valeur " (MCM, 89) et de la subordination des aspirations du peuple et de l'élite à un ordre de justice qui satisfasse à la fois l'idée fondamentale d'égalité morale et les différences d'ordre qualitatif qui définissent la condition humaine.

 

Kolnai, Tocqueville et " l'Amérique "

 

Aurel Kolnai souhaitait à l'époque rendre justice à ce qui était juste dans la démocratie. Il est vrai qu'il a écrit parfois comme si la démocratie libérale représentait une menace plus odieuse envers la liberté de l'homme et l'intégrité spirituelle que le véritable totalitarisme. Mais en général, il voyait dans le totalitarisme communiste, avec sa prétention de triompher de tout ce qui sépare, oppose et limite les hommes, la plus grande menace envers la liberté de l'homme et envers l'idée même d'un ordre des choses qui respecterait le choix moral. Il détestait infiniment plus le mensonge communiste que le conformisme de masse d'une démocratie telle que les États-Unis. Néanmoins, il pensait qu'il y avait quelque chose d'irréel dans la façon dont l'Amérique défendait ce " common man " dont l'ambition est de vivre sans tenir compte des traditions ou des croyances dogmatiques. Il était plus audacieux et un peu plus dédaigneux que Tocqueville dans sa critique envers la suffisance démocratique. Tocqueville dans ses écrits était bienveillant à l'égard des pauvres Américains qui, sans le savoir, mettaient en application les prémisses cartésiennes et se trouvaient ainsi vulnérables aux pressions conformistes de la masse. Kolnai, en revanche, était assez horrifié de la façon dont l'Amérique, malgré son considérable dynamisme économique et social, semblait s'être figée dans le temps. Il ne s'est jamais senti à l'aise aux États-Unis durant les années de son exil, au temps de la Deuxième Guerre mondiale. À ses yeux, les Américains étaient des disciples des philosophes abstraits, mécanistes et rationalistes du XVIIIe siècle – " prisonnier(s) d'un petit espace de l'histoire, des idées délimitées par les noms de Locke, Rousseau, Jefferson et Franklin " (PM, 202). Il admirait sans aucun doute les libertés américaines, la détermination des Américains à résister au communisme, " le plus sinistre des maux sociaux ", et leur attitude bienveillante envers " l'humanité en général " (PM, 202). À la fin cependant, il fut désorienté à la vue d'une nation, totalement dépourvue de l'espèce de fanatisme utopique à l'eropéenne, mais qui ne se rendait pas compte des défauts inhérents au " Royaume du Common Man " (PM, 200).

Kolnai était de par sa nature beaucoup plus attiré par la constitutionnalité anglaise, par ce qui reste d'aristocratie dans sa " démocratie " et par la monarchie en tant que symbole de continuité et de tradition nationale. Sans l'ombre d'un doute, il souffrirait beaucoup aujourd'hui de voir les attaques lancées par le New Labour (parti travailliste anglais) contre la Vieille Angleterre ; à savoir, la célébration moderne de la " Cool Britannia ", l'accent mis sur " l'Angleterre du peuple " et par ses efforts résolus pour réformer sinon mutiler l'héritage que représente la constitution britannique. En Grande-Bretagne, cette sorte d'idole que représente le " common man " semble l'emporter sur le bon sens de l'homme simple, alors que dans l'Amérique ploutocratique, le royaume du " common man " semble se heurter à une résistance réelle et durable. Peut-être Kolnai a-t-il sous-estimé la solidité des concepts abstraits auxquels l'Amérique, en tant que démocratie libérale, demeure obstinément attachée.

 

 

 

 

 

 

 

Aurel Kolnai est l'un des philosophes politiques les plus pénétrants et les moins appréciés de son époque. Sa critique du caractère mensonger propre à la théorie et à la pratique communistes n'était qu'un avant-goût de la façon dont Soljenitsyne et Havel passèrent au crible le mensonge communiste ; de même sa critique de l'idéologie dogmatique égalitaire – le Moi nu et souverain – s'en prend aux bases mêmes de la philosophie politique libérale contemporaine. Ses vues généralement modérées ont sans doute été exprimées dans un langage trop traditionaliste.

Cependant, son courageux désaccord d'avec le dogme démocratique renouait avec Tocqueville qui considérait la vraie démocratie comme toujours " formelle " et voyait dans les efforts pour " démocratiser " chaque recoin et repli de la vie une entreprise mortelle pour la liberté et l'égalité. Dans ce sens, Kolnai proclamait haut et fort ce que Tocqueville laissait entendre : la démocratie libérale, qu'elle le sache ou non, qu'elle l'admette ou non, est " aristocratique " en ce sens qu'elle présuppose qu'il existe des différences qualitatives, morales, intellectuelles et même sociales. Dans la meilleure tradition libérale-conservatrice, Kolnai nous rappelle que ce qui est véritablement la condition humaine est un mélange d'aristocratie et de démocratie, et d'égalité et d'inégalité. La meilleure démocratie est un régime mixte qui reflète le caractère ambivalent de l'âme humaine. Les écrits de Kolnai sont une vigoureuse invitation à plaider, d'un point de vue conservateur, pour une démocratie qui mette l'accent sur le fait que l'humilité est la source véritable de la grandeur humaine.

La grandeur de l'homme ne se situe pas dans son pouvoir individuel ou collectif mais dans sa patiente acceptation d'un ordre des choses qu'il n'a pas créé et ne peut en fin de compte commander. La noblesse constitue un rappel constant du caractère objectif et hiérarchisé de la valeur, mais aussi du fait que toute distinction et prétention purement humaines n'est que transitoire et limitée dans le temps. Kolnai est à même de rendre justice à la fois à la magnanimité païenne et à l'humilité chrétienne, montrant que celles-ci résistent ou succombent ensemble face aux demandes chimériques de l'idéologie du " common man ". Kolnai présente donc une réponse vraiment radicale aux interprétations relativistes et postmodernes de la démocratie telles qu'elles dominent la pensée politique contemporaine. L'acharnement à défendre la démocratie sur la base d'une conception indéterminée du bien commun ne peut conduire qu'au suicide collectif. Cela mène, comme Tocqueville le prévoyait de façon lucide, à la négation panthéiste de la liberté et de la véritable individualité. Kolnai nous rappelle que les démocrates raisonnables ne sont nullement tenus d'abandonner la recherche de ce que Jean Paul II a appelé " la vérité concernant l'homme ". Il ne tient qu'à nous de relever le défi de Kolnai et de repenser de façon vraiment ouverte la question des fondements moraux de la démocratie.

 

D.J. M.