À l'occasion des Rameaux, Pie XII et Paul VI avaient l'habitude de rencontrer des jeunes d'Italie. Jean Paul II reprend cette idée en 1983 et l'applique l'année suivante. Il lui confère une ampleur mondiale dans le cadre de rencontres appelées Journées mondiales de la jeunesse à partir de 1986.

Les nouveaux mouvements ecclésiaux lui apportent promptement leur concours. En France, une inertie importante se manifeste à l'égard de cette initiative. Les pesanteurs apparaissent surtout du côté des organisations officiellement reconnues comme interlocutrices de l'Église de France, voire de la part d'instances ecclésiales.

 

Les nouveaux mouvements ecclésiaux lancent les Journées mondiales de la jeunesse : Communion et Libération, Focolari, Chemin néocatéchuménal

 

Le 22 mai 1983, à Milan, sur la proposition d'un membre de Communion et Libération , Jean Paul II invite les jeunes à se joindre au Jubilé spécial programmé pour eux, à Rome, du 11 au 15 avril 1984 au moment où s'achève l'Année sainte de la Rédemption. Guy Régnier répercute cette information auprès des délégués diocésains à l'Apostolat des laïcs. L'écho demeure cependant limité dans l'Hexagone. Peu de Français figurent parmi les 200.000 participants à ces journées. Ponctuées de catéchèses dans plusieurs basiliques romaines et d'un " Chemin de Croix ", autour du Colisée, en mémoire des martyrs, elles s'achèvent place Saint-Pierre par la liturgie des Rameaux célébrée par le Pape. Au moment de refermer la Porte sainte, Jean Paul II remet aux jeunes la Croix de l'Année sainte. Cette rencontre constitue, de fait, la première Journée mondiale de la jeunesse . Le 25 novembre 1984, jour de la fête du Christ-Roi, Jean Paul II saisit l'opportunité d'un événement profane pour inviter à nouveau les jeunes à Rome l'année suivante : " Je demande aux Épiscopats de toutes les nations, aux mouvements et aux associations catholiques internationales d'appuyer cette initiative, de favoriser des rencontres afin d'approfondir le thème de la réunion. La rencontre avec la Ville éternelle sera l'expression de la vitalité de l'Église aujourd'hui . "

La rencontre des 30 et 31 mars 1985 au moment des Rameaux rassemble à Rome 250000 jeunes de 60 pays. L'appui des Focolari se révèle déterminant pour sa pleine réussite . Le Pape exprime son désir de célébrer désormais tous les ans la Journée mondiale de la jeunesse, à cette même date de la fête des Rameaux, en alternance à Rome et hors de Rome dans l'ensemble des diocèses. Le soir du dimanche des Rameaux, en la chapelle Sixtine, Jean Paul II rencontre 1207 jeunes gens, en lien avec le Chemin néocatéchuménal, qui se préparent au sacerdoce. L'année suivante, comme convenu, la Journée mondiale de la jeunesse, la première à recevoir véritablement cette appellation, est célébrée uniquement dans les diocèses . Pour ce nouvel événement, la mobilisation française demeure ténue.

 

La Journée mondiale de la jeunesse de Buenos Aires (1987)

 

En 1987, la Journée mondiale de la jeunesse est une rencontre internationale. Organisée en Argentine à Buenos Aires, elle rassemble 700000 personnes. Très réduite, la délégation française officielle initialement prévue s'enrichit de manière imprévue par l'adjonction de membres invités directement par le Conseil pontifical pour les laïcs : six membres de la communauté de l'Emmanuel, trois des Équipes Notre-Dame jeunes. S'ajoutent également quatre scouts unitaires et une guide d'Europe invités par l'organisation du Forum, ainsi que deux délégués français d'instances européennes, la Conférence internationale du scoutisme (Cics) et la Fédération européenne à laquelle appartient la Fscf . Les nouvelles organisations semblent plus rapidement reconnues par les instances romaines que par les françaises. Des liens privilégiés paraissent exister. Ils expriment une profonde gratitude à l'égard d'organisations qui n'hésitent pas à déployer des efforts intenses pour répondre au mieux aux invitations pontificales.

 

Saint-Jacques-de-Compostelle (août 1989) : enthousiasme partiel

 

Le 22 janvier 1988, Jean Paul II invite les jeunes à le rejoindre les 19 et 20 août 1989 pour la Journée mondiale de la jeunesse . Des déclarations françaises se limitent à ne retenir que l'invitation réitérée à l'occasion du voyage pontifical effectué dans l'Est de la France en octobre 1988. Cette remarque n'est pas anodine. L'idée d'une annonce réalisée seulement à cette date tend à induire l'impossibilité d'envisager des projets de grande envergure. Aussi, des mouvements éducatifs arguent-ils du caractère tardif de l'invitation pour justifier la faiblesse de leur participation. Cependant, la multiplicité des propositions apparues dès le printemps 1988 offre un démenti très net à ce genre d'allégation.

 

Un foisonnement d'initiatives particulièrement marqué par l'enthousiasme de Jeunes Chrétiens Services (Jcs) et de l'" Emmanuel "

 

Le projet de Jcs s'intitule " Pèlerins pour l'an 2000 " . Hébergé sur le Minitel 3615 Ephata dirigé par Jean-Claude Didelot, sa logistique est assurée par le concours de l'association tourangelle Culture-Loisirs-Communications. Des cérémonies au Mont-Saint-Michel ou à Lourdes reçoivent le concours de Jeunesse Lumière et du père Daniel-Ange. Dans la Cité mariale, Jcs participe à l'animation de la prière du 14 août au soir avec la communauté de l'Emmanuel et le pèlerinage national. Des groupes diocésains confient à Jcs l'organisation de leur pèlerinage qui coordonne également celui d'autres associations . Ainsi en est-il pour Cap Vrai-Jeunesse et Marine à la tête d'un pèlerinage maritime qui rassemble une centaine de bateaux constituant la Flottille Saint-Jacques , à laquelle participe la branche " jeunes " de l'Aide à l'Église en détresse (Aed). Le groupe " VTT vers Saint-Jacques " , recevant également l'appui de Jcs, se constitue pour l'occasion de la rencontre. Grâce à des vélos tout terrain, des jeunes rejoindront le but ultime de leur pèlerinage en partant de Paris. Liés également à Jcs, d'autres partent à cheval .

" Jeunes pour Jésus " de la Communauté de l'Emmanuel ponctue également son pèlerinage par le passage en de hauts lieux de l'histoire de la chrétienté. À partir de Paray-le-Monial, des haltes spirituelles sont organisées au Puy, à Rocamadour, Conques, Lourdes, Xavier et León. Avec plus de 6000 jeunes Français rassemblés par Jcs et 2000 par l'Emmanuel, ce sont finalement des organisations récentes qui rassemblent le plus grand nombre de pèlerins.

D'autres propositions variées apparaissent. Les frères et sœurs de la Communauté Saint-Jean organisent un pèlerinage-retraite. De même en est-il pour les Coopérateurs paroissiaux du Christ-Roi, Joyeuse Lumière, les Goums et les Foyers de charité . Le Groupement d'Activités catholiques internationales s'attache quant à lui à goûter davantage la spiritualité hispanique. De leur côté, les jeunes handicapés de Foi et Lumière arrivent par un train spécialement affrété pour eux. À Saint-Jacques-de-Compostelle, ils obtiennent une audience particulière de Jean Paul II. Jeune aumônier de plusieurs lycées de l'agglomération lilloise, Jean-Luc Morand promeut une autre initiative avec une quinzaine de jeunes. De la mi-juillet à la mi-août, par étapes successives, ils marchent sur la partie française de l'un des chemins de Compostelle. L'émission télévisée Le Jour du Seigneur retransmet l'eucharistie dominicale de leur groupe célébrée dans les paroisses du Puy-en-Velay, de Cahors, Moissac, Sauveterre-de-Béarn et Saint-Jean-Pied-de-Port.

 

Trois attitudes très tranchées suivant les organisations de jeunes

 

La rencontre de Saint-Jacques-de-Compostelle d'août 1989 met nettement en évidence une répartition précise parmi les mouvements ou organismes destinés à la jeunesse. Trois groupes se distinguent : 1/ les mouvements d'Action catholique indiquent avec honnêteté qu'une telle rencontre n'entre pas dans le champ de leurs préoccupations ; 2/ les mouvements éducatifs participent parcimonieusement . Il faut être présent sans pour autant marquer une adhésion trop franche à une proposition pontificale trop explicitement située dans une dimension de foi : " complexe anti-romain " des aumôniers, souci d'indépendance, réserve par rapport à une annonce explicite de la foi ? Ces différentes raisons se mêlent probablement ; 3/ les organisations récentes et parfois non-reconnues par l'Église de France, mais néanmoins reconnues dans l'Église comme associations de fidèles au sens du Code du droit canon de 1983 , répondent par un oui franc et massif. Leurs réponses sont rapides . Est-ce le désir secret d'être plus facilement reconnu en participant à une vaste manifestation officielle de l'Église, le charisme ou la personnalité du pape Jean Paul II et une profonde adhésion à son message, ou la volonté de ne plus mettre sous le boisseau la lampe allumée de la foi et de lui permettre une annonce explicite ? Là encore, ces divers éléments paraissent liés.

Les réponses s'échelonnent d'un " non " net à un " oui... mais " tiède jusqu'à un " oui franc et massif ". Elles soulignent l'existence d'une diversité affirmée parmi les organisations destinées aux jeunes. Les mouvements de jeunes officiellement reconnus comme interlocuteurs par l'épiscopat français font pâle figure.

 

Effectifs de la participation française

 

Le 4 août 1989, 16300 Français sont inscrits. Les inscriptions par le biais des pèlerinages diocésains paraissent dérisoires : la moitié des inscrits de la Sarthe viennent par Jcs ; la Communauté Saint-Jean sise à Murat dans le Cantal regroupe 35 des 75 jeunes de la région apostolique du Midi ; la Communauté du Lion de Juda de Marseille rassemble 175 des 249 inscrits du diocèse ; les 112 inscriptions du Centre spirituel Notre-Dame de Vie à Vénasque représente la totalité de celles du diocèse. Les congrégations religieuses jouent localement un rôle non négligeable : frères des Écoles chrétiennes à Paris ; sœurs de l'Assomption à Bordeaux ; oblates bénédictines Servantes des Pauvres à Denain dans le Nord ; ursulines à Vannes ; frères de l'Instruction chrétienne de Ploërmel à Chateaulin dans le Finistère. Pour les inscriptions diocésaines, 207 jeunes proviennent du Puy-en-Velay, diocèse de 200000 habitants, tandis que 75 arrivent de Lille, diocèse de 1500000 habitants. Plusieurs dizaines de diocèses n'organisent rien. Ainsi en est-il pour celui de Bayeux dont l'évêque sera élu deux mois plus tard président de la commission épiscopale Enfance-jeunesse, ou pour celui de Clermont dont le responsable diocésain de l'Apostolat des laïcs deviendra le responsable national de l'Apostolat des laïcs quatre ans plus tard. Une certaine paralysie semble avoir frappé des rouages épiscopaux. Des groupes s'organisent localement. Ils constituent l'essentiel des inscriptions effectuées à l'échelon diocésain. D'autres rayonnent au plan national. Le tableau ci-après les présente.

 

Groupes à dimension nationale ou inter-diocésaine Effectifs

Un chemin vers Compostelle 1500

Communauté de l'Emmanuel

2000

Jeunes chrétiens services 6150

Grand Sud-Ouest 670

Secrétariat national de l'Enseignement catholique 275

Scouts de France 250

Foyers de Charité 210

Opus Dei 410

Ultreia 160

Mouvement eucharistique des jeunes 59

TOTAL (environ) 11700

 

À Paris, le secrétariat de l'Épiscopat recueille les inscriptions de l'ensemble des organisations françaises. Chaque pèlerin doit s'acquitter d'un droit d'inscription de 70 F à verser à l'ordre de l'" Action catholique française " : ironie d'un titre de compte bancaire, datant d'une époque antérieure, pour des jeunes qui, à l'évidence, ne viennent pas de mouvements d'Action catholique !

 

Czestochowa ou l'approche de la mer de la tranquillité (août 1991)

 

Dès juin 1990, sous l'égide de la Commission épiscopale Enfance-jeunesse, une réunion avec des responsables de mouvements nationaux ou de services diocésains prépare la rencontre de Czestochowa des 14 et 15 août 1991. Un communiqué constate à son issue : " La diversité des manières de participer a été signalée comme un des facteurs de réussite. Ainsi que le climat de liberté : d'autres rassemblements de chrétiens, durant l'été 1991, se tiendront ailleurs qu'en Pologne, sans aucun esprit de concurrence. Il y a place dans l'Église pour toutes les initiatives qui servent la Bonne Nouvelle du Christ ! " Pourtant, des oppositions persistent. Un vicaire épiscopal du diocèse de Lille déclare vouloir " neutraliser le pèlerinage "maritime" organisé à Dunkerque par les "petits gris" . "

Aux 23540 pèlerins recensés par les instances françaises s'ajoutent ceux inscrits par le biais de groupes internationaux comme le Chemin néocatéchuménal ou les Salésiens. Depuis 1989, la position de certaines organisations évolue ou se précise. L'association Jeunes chrétiens services n'est plus sur le devant de la scène, se considérant comme un instrument de communication ne s'inscrivant pas dans une logique d'accompagnement, et n'estimant plus désormais nécessaire une initiative de sa part dans le cadre des Journées mondiales. Les Guides de France sont au nombre de 60. Avec 410 représentants, les Scouts de France mobilisent davantage leurs troupes, soucieux de ne pas laisser le champ libre aux 2000 Guides et Scouts d'Europe. Un effectif aussi important se retrouve avec l'Emmanuel. Malgré une participation parcimonieuse de 20 personnes, la Jeunesse ouvrière chrétienne est l'unique mouvement d'Action catholique à manifester son intérêt. Il s'agit là du seul mouvement subventionné au plan national par l'épiscopat à participer à la rencontre . La position du Mouvement eucharistique des jeunes laisse songeur. L'équipe nationale autorise des responsables lillois à préparer un projet puis finalement multiplie les pressions pour que l'initiative avorte. Elle déclare : " [...] nous n'organisons pas, à la différence de Saint-Jacques-de-Compostelle, un groupe particulier au niveau national. Il nous semble important de maintenir nos propositions de camp d'été qui sont l'occasion d'une vraie structuration des jeunes . " La dernière phrase citée tend à jeter, a contrario, un discrédit sur le contenu de la rencontre de Czestochowa et ses conférences, enseignements, temps de catéchèse... Les responsables nationaux du Mej oublient sans doute les termes du cardinal Pironio : " le Conseil pontifical pour les laïcs désire inviter tous les mouvements et associations ecclésiales de jeunes à insérer ce rendez-vous important dans le programme de leurs activités. " Le Mej ne sera finalement pas présent à Czestochowa.

Le recrutement par le biais des diocèses varie considérablement d'un lieu à un autre : 500 inscrits pour le diocèse du Puy-en-Velay et 200 pour celui de Lyon. Les régions apostoliques du Nord (13 diocèses) et de l'Est (9 diocèses), pourtant les plus proches de la Pologne, recrutent peu : respectivement 620 et 385 pèlerins. Certains diocèses n'organisent rien : Ajaccio, Angers, Annecy, Belfort-Montbéliard, Belley-Ars, Carcassonne, Chambéry, Langres, Le Havre, Limoges, Périgueux, Perpignan, Saint-Dié, Strasbourg, Troyes, Tulle et Verdun. À la différence de la rencontre de Saint-Jacques-de-Compostelle, les inscriptions par les diocèses sont toutefois majoritaires. De peu, il est vrai. L'appui épiscopal est resté souvent très mesuré, voire inexistant. Le relais paroissial et celui de l'Enseignement catholique n'ont pratiquement pas fonctionné. Les organisations habituellement en lien avec l'épiscopat se sont maintenues dans leur position marginale. Comme en 1989, les principales organisations demeurent celles qui contribuent souvent largement au renouveau ecclésial de ces dernières années. Au plan national et souvent localement, elles ne reçoivent ni subside, ni aide matérielle, ni nomination d'aumônier. Pourtant, elles sont présentes et leur ampleur totale devient incontournable. Outre les Guides et Scouts d'Europe (2000) et l'Emmanuel (2000) déjà mentionnés, d'autres organisations apportent leur concours, parmi lesquelles : Jeunesse johannique (100) ; Saint Jean-éducation (400) ; Foyers de Charité (165) ; Équipes Notre-Dame jeunes (370) ; Verbe de Vie (100) ; Lion de Juda (750) ; Lux et Caritas (580) ; Jeunes Chrétiens Europe (50) ; Nouvel Avenir des Tanneries (50) ; Raoul Follereau (80) ; Orphelins Apprentis d'Auteuil (200) ; Passion de Nancy (320) ; Pèlerinage de Chrétienté (Centre Charlier) (300) ; Foi et Lumière (20) ; Opus Dei (280) ; Focolari (160). Des familles spirituelles manifestent aussi leur intérêt : frères des Écoles chrétiennes (210) ; Jeunesses franciscaines (100) ; jeunes de la Famille marianiste (280) ; jeunes de la Famille mariste (70) ; jeunes de la Communion oratorienne (70).

 

Réactions et attitudes des évêques face aux Journées mondiales de la jeunesse de 1989 et de 1991 : le poids d'une inertie

 

Peu de Français participent aux rencontres de 1984 à 1987 et les réactions d'évêques demeurent rares. La rencontre de Saint-Jacques-de-Compostelle en 1989 retient davantage leur attention. Au retour de celle-ci, 31 articles sont consacrés à cette rencontre dans l'ensemble des bulletins diocésains . Cinq articles seulement sont rédigés par des évêques : Mgr L. Cornet de Meaux, président de la commission épiscopale Enfance-jeunesse, Mgr J. de Saint-Blanquat de Montauban, Mgr J.-C. Thomas de Versailles, Mgr A.-M. Hardy de Beauvais et Mgr A.-M. de Monléon de Pamiers. Après la Journée mondiale de la jeunesse à Czestochowa en 1991, 67 articles dans les bulletins diocésains de France sont consacrés à cet événement. Parmi ces textes, 17 ont été écrits par des évêques, contre 5 deux ans auparavant. Seuls deux évêques ont repris la plume : Mgr L. Cornet et Mgr A.-M. Hardy.

L'engouement pour ce type de manifestation demeure encore mitigé. La commission épiscopale Enfance-jeunesse demande à chaque évêque de nommer un délégué pour s'occuper de la rencontre de Czestochowa : sur 95 diocèses métropolitains, 78 lancent une organisation pour s'y rendre ou se rallient à un regroupement voisin. Dans le diocèse de Digne, un seul pèlerinage pour Czestochowa est prévu au cours de l'été : il se déroulera au mois de septembre... " Il y aura trop de monde en août " indique l'organisateur ! Au cours des visites ad limina des évêques français en 1992, la question des Journées mondiales est évoquée à plusieurs reprises. Au nom des évêques de la région apostolique Nord, Mgr Lucien Bardonne déclare au Pape à propos des jeunes : " Nous nous efforçons de leur ménager des espaces d'accueil, de dialogue ou de recherche. Nous promouvons, de temps à autre, de plus grands rassemblements, dans un monde où justement les jeunes ont besoin de temps forts plus ponctuels. Mais vous permettrez, très respectueusement, de vous dire que les convocations qui viennent de vous sont parfois trop rapprochées, et ne permettent pas toujours de réaliser, entre temps, ces rassemblements que nous souhaiterions faire au niveau de nos diocèses, surtout si nous encourageons les initiatives des mouvements de jeunes . "

Cette intervention étonne de la part d'un évêque qui devrait se réjouir de la tenue de ces différents temps d'expression de la foi, de ces moments de communion ecclésiale auxquels participent les jeunes, qu'ils soient diocésains, régionaux, nationaux ou internationaux. Mgr Lucien Bardonne n'était venu ni à Saint-Jacques-de-Compostelle, ni à Czestochowa. Il lui était sans doute difficile de mesurer l'intérêt de ces rencontres.

 

La rencontre de Denver (août 1993)

 

La Journée mondiale de la jeunesse de 1993 tenue à Denver, dans le Colorado aux États-Unis, ne prête guère le flanc à ce genre de critiques françaises. Elle rassemble un peu plus de 2500 Français, parmi lesquels six évêques dont Mgr M. Dubost, Mgr A.-M. Hardy et les cardinaux R. Étchegaray et J.-M. Lustiger. Mgr J.-M. Sardou, archevêque de la principauté de Monaco est également présent. Grâce au dynamisme déployé par la coordination de l'Île-de-France, 2121 jeunes se sont inscrits par ses services. Des pèlerins viennent aussi par le biais d'autres organisations , notamment : Jeunes Pèlerins du Var (53) ; Compagnons et Pèlerins de Saint-Jacques du diocèse de Montpellier (50) ; Jeunes Pour une Foi (40), association stéphanoise ; Communauté des Béatitudes (30) ; Chemin néocatéchuménal (180).

 

Une participation non négligeable à la rencontre de Manille (janvier 1995)

 

280 Français participent le 15 janvier 1995 à la Journée mondiale de la jeunesse à Manille. Parmi eux se trouvent deux jeunes de Tahiti et dix de l'Île de la Réunion. Vingt-trois diocèses de France délèguent quelques-uns de leurs fidèles, une trentaine pour le seul diocèse de Paris. D'autres jeunes représentent des organisations, au nombre d'une douzaine, telles que les Guides et Scouts d'Europe, les Scouts de France, les Guides de France, le Mej, la Joc, le Mcc (Mouvement des cadres chrétiens), la communauté du Verbe de Vie, la communauté des Béatitudes. Sollicités pour envoyer des représentants, le Nid et la Jeunesse de la Mer envoient quelques-uns de leurs membres qui s'intègrent dans la délégation française. La moyenne d'âge des jeunes Français oscille autour de 23-24 ans. À leurs côtés, comptés parmi les inscrits, figurent une cinquantaine de prêtres, religieux et religieuses, ainsi que six évêques et une dizaine de journalistes.

 

L'engouement pour la rencontre de Paris (août 1997)

 

Rares sont les mouvements à émettre de vives réserves face à la rencontre internationale prévue pour 1997 à Paris. Pourtant, janvier 1996, l'équipe nationale du Mrjc s'adresse à Mgr Jacques Fihey, président du comité épiscopal du Monde rural, en déclarant à propos des Journées mondiales de la jeunesse et plus particulièrement pour celle de Paris :

 

Ces rassemblements s'inscrivent dans la dynamique de la nouvelle évangélisation initiée par le pape Jean Paul II. Le Mrjc ne se retrouve pas dans cette démarche de type globalisante et qui étouffe la diversité des manières de faire Église au nom d'une unité niveleuse. [...]

. Nous voyons, à travers ce type de rassemblement, un danger pour les jeunes, un temps fort ne leur permettant pas de s'investir davantage dans leurs lieux de vie. Y aura-t-il un avant et un après, les jeunes pourront-ils s'investir à plus long terme ?

. Est-ce structurant pour des jeunes d'être sollicités d'une année à l'autre, d'un rassemblement à l'autre ? C'est le diocèse, c'est le Mouvement, c'est Czestochowa, etc.

La démarche du type de Czestochowa montre une non reconnaissance du travail de mouvements comme le nôtre qui veulent permettre à des jeunes de s'investir sur une durée. C'est à travers l'action qu'ils peuvent cheminer et ainsi approfondir leur foi avec d'autres.

[...]. Toutes ces réserves et ces interrogations du Mrjc nous conduisent à émettre les plus grandes réserves sur la tenue du rassemblement mondial de la Jeunesse à Paris, et pour l'instant, à suspendre notre participation à ce rassemblement [...]. "

 

Cette suspension se concrétise par une absence quasiment totale de participation de la part du Mrjc. Pendant plusieurs mois, les inscriptions de Français demeurent peu nombreuses. Fin juin 1997, celles enregistrées par le biais des diocèses s'élèvent à un millier. Finalement, les effectifs dépassent les espérances des organisateurs. Quelques personnes critiquent néanmoins. Dans un article intitulé " On n'était pas là pour débattre ", Anne-Emmanuelle note dans Réforme :

 

En sociologue des religions, Danielle Hervieu-Léger commente l'âge de cette foule : " La fourchette 18-35 ans annoncée est fausse. Il y avait énormément de très jeunes et, en revanche, les organisateurs ont eu une conception extrêmement extensive de la jeunesse ! Car le recrutement des Jmj se fait essentiellement à l'intérieur d'une jeunesse issue des classes moyennes, complètement socialisée à l'intérieur de l'Église catholique : surtout écoles religieuses avec leurs enseignants et leurs aumôniers, et scoutisme. " Cela explique les deux tranches d'âge très typées des participants : 12-18 ans et 40-65 ans, avec fort peu de 20-35 ans.

 

De telles informations étonnent. Une simple étude des données statistiques montre leur caractère erroné. L'analyse des inscriptions de diocèses situés sur l'ensemble du territoire national donne la répartition suivante : 18,7 % pour les moins de 18 ans, 78,2 % de 18 à 35 ans et 3,1 % pour les plus de 35 ans .

Amplifiant leur niveau de participation par rapport aux précédentes Journées mondiales de la jeunesse, mouvements et organisations s'occupant de jeunes participent d'une manière soutenue à la rencontre d'août 1997. Les absences ou les participations homéopathiques antérieures ne paraissent guère de mise cette fois-ci. Des différences sensibles existent néanmoins sur le fond et dans la forme des propositions formulées aux jeunes accueillis dans le cadre du " Festival de la jeunesse " intégré au cœur de la rencontre internationale.

Les Journées mondiales de la jeunesse d'août 1997 se déroulent en deux phases. Du 14 au 18 de ce mois, un premier accueil, avec une animation spirituelle plus ou moins prononcée, est proposé dans chaque diocèse de France. Ensuite, du 18 au 24, la rencontre se poursuit à Paris et dans la région environnante. Des temps de catéchèse assurent une préparation en profondeur. Ces moments de formation alternent avec un " Festival de la jeunesse ", vaste rencontre éclatée sur plusieurs jours et en plusieurs lieux. Mouvements et organisations se consacrant aux jeunes, ainsi que la plupart des ordres religieux et des éléments constituant la Coopération missionnaire, participent à l'animation de ce Festival de la jeunesse. Tout cela constitue un prélude aux rencontres avec Jean Paul II les 22, 23 et 24 août.

Le 17 août 1997, le centre Saint-Vincent qui répertorie les inscriptions dénombre 58122 Français enregistrés par le biais d'organisations et de 82 diocèses. Une comptabilisation stricte est difficile à réaliser car des jeunes appartenant à un mouvement peuvent s'inscrire auprès de leur diocèse. Le contraire est également vrai. Néanmoins, des tendances nettes apparaissent. À nouveau, l'Emmanuel se démarque avec 6035 personnes. Souvent peu connu en France, Regnum Christi, branche laïque des Légionnaires du Christ arrive en deuxième position avec 1356 participants. D'autres associations suivent : Chemin neuf (1124) ; Chemin néocatéchuménal (850) ; Congrégation Saint-Jean (790) ; Scouts de France (700 pour les 23 et 24 août) ; Société Saint-Vincent-de-Paul (644) ; Béatitudes (592) ; Familles de l'Assomption (466) ; Institut Notre-Dame de Vie (390) ; Cicg- Cics (375) ; Enfants du Mékong (350). Mis à part le Mrjc, les mouvements liés de longue date à l'épiscopat s'engagent davantage que par le passé : Scouts de France déjà mentionnés, Mouvement eucharistique des jeunes (162) ; Jeunesse étudiante chrétienne (8). Du côté des diocèses, certains font pâle figure au regard de leur effectif démographique et de leur proximité géographique : Lille (332) ; le Havre (84). En revanche, d'autres offrent une mobilisation plus conséquente, outre ceux de l'Île-de-France : Rouen (1378) ; Nantes (1270) Rennes (1260) ; Angers (1184) ; Bordeaux (1155) ; Cambrai (1043). Les efforts sont sans doute plus particulièrement sensibles de la part de diocèses tels Saint-Denis de la Réunion (376) ; Cayenne (157) ; Fort-de-France (155) ; Aire et Dax (295) ; Gap (296) ; Moulins (220). Ces chiffres du 17 août 1997 présentent l'origine des participants français à la veille de leur venue à Paris. L'animation dans les diocèses et la vue des jeunes à la télévision constituent deux éléments essentiels qui expliquent les inscriptions réalisées ultérieurement. Ainsi est-il important de cerner au mieux le profil de ces jeunes qui donnèrent aux autres le goût de répondre à l'invitation de Jean Paul II.

Évêques, observateurs du fait religieux, journalistes et nombre de personnes s'interrogèrent sur le succès de cette rencontre d'août 1997. Sans doute était-il souhaitable de comprendre les raisons de cet engouement. Les éléments statistiques offrent des clefs d'explication. Ces données existent. Elles permettraient d'aiguiller la pastorale à mener en France auprès des jeunes. Collationnées par le centre Saint-Vincent, elles furent transférées au secrétariat national de l'Apostolat des laïcs où elles ne restèrent que quelques mois avant d'être, en 1998, expédiées au centre national des archives de l'Église de France afin d'y être entreposées. Aucune trace n'en fut conservée à l'Apostolat des laïcs. Son responsable ne transmit aucune information aux évêques à l'occasion de leur Assemblée plénière de l'automne 1997 qui établissait un bilan des Journées mondiales de la jeunesse, ainsi que lors de celle de 1998 axée sur l'Apostolat des laïcs. Seul fut retenu, pour les Français, le chiffre global d'environ 350000 participants.

 

Après Rome, Toronto...

Les Journées mondiales de la jeunesse de Rome d'août 2000 se déroulent au cœur de l'Année sainte. Provenant de France, 78 évêques et environ 75000 jeunes y ont été comptabilisés, notamment 55.000 inscrits par les diocèses et 15.000 par les nouveaux mouvements ecclésiaux. La délégation française est la deuxième après celle de l'Italie. En écho à ce pèlerinage romain, pour la fête de l'Assomption, Mgr Brincard accueillait au Puy-en-Velay les familles et leurs enfants trop jeunes pour se joindre à leurs aînés : plusieurs milliers de fidèles ont répondu à son appel à se rendre dans la cité mariale en communion ecclésiale avec les jeunes du monde entier convergeant vers l'Italie. À Rome, le succès des catéchèses est indéniable. De nombreux jeunes se confessent au cirque Maxime où moururent tant de chrétiens au nom de leur foi. Le rassemblement en la Ville éternelle, lieu du martyre des apôtres Pierre et Paul, renoue avec la tradition des pèlerinages déjà visible à Saint-Jacques-de-Compostelle et à Czestochowa. Par la démarche de pèlerinage, les catéchèses, les confessions, les temps de prière ou l'appel aux vocations, ces Journées mondiales de la jeunesse constituent un moyen privilégié d'évangélisation. L'organisation de la prochaine rencontre, dans la ville canadienne de Toronto en 2002, s'esquisse sur ces fondements.

 

l. l.

 

Texte intégral dans Liberté politique n° 14, automne 2000.