Un jeune dirigeant d'entreprise, filiale d'un groupe multinational, et un frère de la congrégation saint Jean dialoguent autour de questions philosophiques et pratiques sur l'homme au travail dans l'entreprise aujourd'hui.

 

Propos recueillis par le frère Samuel Rouvillois, fsj.

 

 

 

Frère Samuel. Comment définissez-vous la finalité de votre entreprise ?

 

Hubert Joly. Voyons tout d'abord le contexte. Les marchés financiers ont pris une ampleur considérable. On a parfois l'impression qu'ils dirigent le monde et peuvent écraser l'homme dans une recherche sans fin du profit. De fait, on a vu certain cours de bourse grimper le jour où telle entreprise annonçait des milliers de licenciements. Ceci a quelque chose de choquant. À l'inverse, nier la nécessité d'avoir des finances saines et une entreprise rentable n'a guère de sens. Alors, sommes-nous condamnés à nous incliner devant un capitalisme international, apatride et ennemi de l'homme ?

Je ne le crois pas, bien au contraire. Il est ici utile d'établir quelques principes et d'ordonner les idées. Dirigeant d'une entreprise dont la maison mère est américaine et cotée en bourse, j'affirme, au risque de provoquer, que la finalité d'une entreprise n'est pas de gagner de l'argent. Il ne s'agit pas de dire qu'elle ne doit pas en gagner. C'est en fait un impératif : une entreprise a besoin de gagner de l'argent, ne serait-ce que pour pouvoir financer ses investissements, assurer sa pérennité et son indépendance. Mais un impératif n'est pas une finalité. Une entreprise doit en fait satisfaire trois impératifs, à mon avis dans un ordre bien précis. 1/ L'impératif humain : réunir des collaborateurs correctement formés, outillés, déployés et motivés. 2/ Un impératif client : jouir de clients satisfaits, qui en redemandent, et qui font du bouche à oreille. Et 3/ un impératif financier : disposer d'actionnaires et de banquiers satisfaits et prêts à assurer le financement des investissements requis.

L'ordre est important : l'excellence financière n'est en fait généralement que la résultante de l'excellence sur l'impératif client, elle-même conséquence de l'excellence sur l'impératif humain. La finance est ainsi ramenée à sa place : une résultante, un instrument de mesure, pas une finalité.

L'apparente opposition entre les différentes parties prenantes d'une entreprise peut ainsi se trouver dépassée. Il ne s'agit plus de gérer l'affrontement entre les uns et les autres, dans un jeu à somme nulle. Le succès des uns et des autres est fondé sur une interdépendance fructueuse : une condition essentielle de la satisfaction de mes actionnaires est le développement de mes collaborateurs. De fait, dans une économie dominée de plus en plus par le secteur des services, on devrait de moins en moins voir de sociétés décider de réduire leurs effectifs pour améliorer leur rentabilité, puisque leur matière première, leur chiffre d'affaires et leur rentabilité sont directement liés aux hommes. La recette pour redresser une entreprise industrielle pouvait être : " Je réduis mes effectifs pour améliorer ma rentabilité ". Dans une entreprise de services, elle devient : " J'embauche et je développe les compétences de nos équipes pour assurer notre développement ".

Mais, alors où est la finalité, si elle n'est pas financière ? Si on est humaniste ou chrétien, il est évident que la finalité est humaine : elle est l'accomplissement de la personne humaine et son salut. La Bible nous dit bien que le travail est intimement lié à la personne humaine. On travaillait d'ailleurs au paradis ! Je cite : " Il n'y a de bonheur pour l'homme que dans le manger et le boire et dans le bonheur qu'il trouve dans son travail, et je vois que cela aussi vient de la main de Dieu " (Ec 2, 24). Le nouveau testament va plus loin encore : " Quel que soit votre travail, faites-le avec votre âme, comme pour le Seigneur et non pour des hommes, sachant que le Seigneur vous récompensera en vous faisant ses héritiers " (Col 3,23).

Cela dit, il n'est pas indispensable d'entrer dans ce champ métaphysique et religieux pour équilibrer le pilotage d'une entreprise entre nos trois impératifs. Il s'agit en réalité et au minimum d'une question de bonne gestion. De fait, on assiste aujourd'hui à une prise de conscience des inconvénients de la focalisation exclusive sur la création de valeurs pour les actionnaires. L'article de la Harvard Business Review qui a été le lauréat du dernier McKinsey Award traite d'ailleurs de ce sujet. On voit ainsi la possibilité et la nécessité de réconcilier l'homme et l'entreprise.

Maintenant, de nombreuses entreprises affirment que leurs hommes constituent leur principal atout ou actif. Mais combien en tirent les conséquences et s'engagent dans une pratique cohérente, par exemple en matière de planification, de mesure de la performance, de système d'incitation et de rémunération ?

 

Quelles sont les valeurs ou l'éthique que vous souhaitez pour cette vie d'entreprise ?

 

Je ne parlerai pas de l'aspect " hygiénique " de l'éthique : on fait l'hypothèse que les gens " se lavent les mains ", c'est-à-dire qu'ils ne volent pas dans la caisse... Je n'insisterai donc pas sur ce premier niveau, où sont proscrits l'abus de biens sociaux, l'enrichissement personnel, les faux et usage de faux, etc.

J'attache de l'importance à plusieurs types de valeurs. Il s'agit tout d'abord de deux notions-clés : la vérité et la justice. Un de mes anciens collègues, à qui je demandais conseil m'avait répondu : " Dire la vérité et faire ce qui est juste. " Je me souviens lui avoir ri au nez : c'était trop simple ! Il avait repris : " Si tu fais ces deux choses avec constance, tu n'auras pas de problème... " L'importance de ces exigences est incroyable. Leur trop grande rareté aussi, malheureusement. Alors que la vérité et la justice constituent des marques de respect dont les personnes qui en bénéficient sont très reconnaissantes.

Pour le premier point, la vérité, j'aimerais souligner que la langue de bois est terrible. Alors que si l'on dit la vérité, on peut faire faire des choses extraordinaires à ses collaborateurs. Ceux-ci sont prêts à pardonner beaucoup si la vérité leur est dite, y compris en reconnaissant que l'on s'est trompé sur tel ou tel point. Attention : si l'on ne dit pas la vérité une seule fois, c'est fini. On devient prisonnier de ses mensonges, et cela se complique à l'infini : il faut se souvenir de ses mensonges, toute spontanéité s'évanouit. Or, comme le dit l'adage, il est impossible de tromper tout le monde tout le temps. Une stratégie fondée sur le fait de ne pas dire la vérité est vouée à l'échec. Tôt ou tard, on est percé à jour.

Du côté de la justice, le sens extrêmement fort que les gens peuvent en avoir me frappe. Là encore, ils sont encore prêts à accepter beaucoup dès lors que c'est juste. Cela recouvre la notion d'équité de traitement. Ainsi, si l'on décide d'imposer les voyages en 2e classe, les séjours en hôtel deux étoiles, et que le P.D.-G. continue de voyager en 1e et de loger sans des quatre étoiles... Intervient aussi la notion de mesure, c'est-à-dire le caractère proportionné des décisions prises, par exemple pour sanctionner un défaut de performance : on doit choisir de manière adéquate soit un avertissement personnel, soit une remarque publique, ou un licenciement. Cela suppose d'être respectueux des faits objectifs.

Il faut aussi parler du triptyque suivant : 1/ l'esprit d'initiative (en anglais, dare), sans lequel l'entreprise ne peut avancer. Cet esprit manifeste en outre le degré de vitalité de l'entreprise ; 2/ Le souci de l'autre (care), qui appelle un respect et une empathie pour l'autre, qu'il soit collaborateur, client ou fournisseur ; et 3/ l'esprit de partage ou de communion (share), que ce soit le partage des informations, des victoires, ou des difficultés. Comme pour les trois impératifs, c'est bien pour moi la synthèse de ces trois valeurs — dare, care, share — qui peut donner une richesse particulière à l'aventure humaine dans le travail.

 

Comment ces choix transparaissent-ils dans la gestion des ressources humaines, par exemple dans le mode et les profils de recrutement, ou dans la mesure des performances ?

 

Les compétences requises de la part des collaborateurs couvrent une large palette qui dépasse largement le simple domaine de la compétence technique ou fonctionnelle. Cette palette couvre les capacités de communication, la qualité de relations interpersonnelles, la capacité d'initiative et d'autonomie, la force de faire avancer les choses. Elle couvre aussi les qualités morales qui découlent des choix esquissés plus haut.

Je trouve personnellement difficile d'identifier ces qualités, plus soft, et de traduire les choix évoqués plus haut dans le processus de recrutement. Non pas en théorie, mais en pratique. Notre processus de recrutement s'appuie principalement sur des entretiens. Nous vérifions également les références des candidats. Il est relativement aisé d'apprécier la compétence technique ou fonctionnelle d'un candidat. En revanche, ses qualités interpersonnelles et morales, sa profondeur humaine sont plus difficiles à évaluer chez des candidats que l'on ne connaît pas. À ce jour, je ne trouve pas que nos approches soient très fiables. Peut-être devrions-nous aborder ces questions de manière plus directe avec les candidats dans le cadre des entretiens ? Existe-t-il des tests performants en la matière ? Je crois en tous cas que nous avons d'importantes marges de progrès.

S'agissant de la mesure des performances, on est également obligé de souligner les difficultés. Cette mesure ne pose guère de question si on pense que la finalité du travail est purement financière. La mesure de l'efficacité du travail serait également aisée si le produit du travail était parfaitement tangible, normé et immédiat. Elle pose de nouvelles difficultés lorsque ce produit est 1/ intangible, comme c'est le cas dans le domaine des services ; 2/ sur mesure, tel qu'un programme logiciel ; 3/ livré au bout de plusieurs mois ou d'années, comme c'est le cas de certains projets (France 98 par exemple). Elle est également un défi si on cherche à appréhender une dimension humaine et morale. La difficulté de la mesure ne doit pourtant pas masquer qu'elle constitue un élément essentiel de gestion dans l'entreprise d'aujourd'hui.

Quelles approches explorer ? J'en citerai trois : 1/ La balanced scorecard — ou bulletin de notes équilibré — qui mesure la performance d'un manager sur des critères quantitatifs touchant à l'impératif humain, l'impératif client et l'impératif financier. Il est d'ailleurs intéressant d'observer qu'il existe une corrélation très forte entre la performance des collaborateurs sur les trois impératifs. 2/ Le feedback à 360° qui fournit aux collaborateurs l'opportunité de recueillir l'input de leurs pairs et de leurs collaborateurs. 3/ L'évaluation qualitative mais objective de la performance à travers l'intervention d'un pair extérieur à l'équipe. On mélange souvent évaluation qualitative et subjectivité, ou évaluation quantitative et objectivité. Parvenir à une évaluation qualitative et objective représente un enjeu important : cela permet d'appréhender le type de qualités développées plus haut et d'éviter les effets pervers d'un système purement mécanique.

 

Quelle mission estimez-vous être la vôtre comme dirigeant de cette entreprise ?

Un chef d'entreprise ne doit pas se sentir et se comporter comme propriétaire, même s'il l'est . Il ne doit pas non plus être le dirigeant autoritaire à qui tout est permis. Le rôle du ou des dirigeants est celui d'un serviteur : il est au service de l'entreprise et de ses acteurs (employés, clients et actionnaires). Il peut être serviteur de trois manières : 1/ fixer les grandes orientations, la stratégie de l'entreprise ; 2/ structurer ses équipes et ses ressources, et 3/ mobiliser/aider ses hommes et ses femmes dans leurs tâches. C'est cette troisième tâche qui est la plus prenante. En effet, on ne change pas la stratégie et la structure tous les jours, alors que c'est bien tous les jours qu'il s'agit de mobiliser et d'aider.

Ce rôle de leadership (plus que de commandement) requiert quatre types de qualité : la capacité à développer, communiquer, incarner une vision ; être ancré dans la réalité ; faire preuve de courage; vivre d'une étique, l'incarner et la promouvoir. On se trompe quand on pense qu'il s'agit avant tout d'être intelligent pour être patron . En revanche, il s'agit bien d'apporter personnellement et concrètement de la valeur. Il ne faut pas tomber dans le syndrome du perroquet .

 

Quels sont les lieux où les salariés participent à l'élaboration des décisions ?

 

Il ressort de cette vision du rôle du chef d'entreprise qu'il ne doit pas tout décider lui-même, loin s'en faut. Il doit donc passer une partie de son temps à refuser de décider pour respecter le principe de subsidiarité et responsabiliser ses collaborateurs.

Pour ce qui est des décisions de mon niveau (stratégie et organisation de l'entreprise), je m'appuie beaucoup sur des interactions informelles avec les clients et les collaborateurs. C'est le MBWA, le management by wandering around. Je cherche à avoir quatre ou cinq rendez-vous avec des clients chaque semaine. J'aime travailler avec les équipes sur des sujets concrets. Je déjeune une fois par mois avec une quinzaine de cadres différents. Je visite nos sites environ une fois par an. C'est à chaque fois l'occasion d'observations et d'un dialogue direct. Le management intermédiaire est également impliqué de manière plus ou moins formelle dans la partie bottom up des processus budgétaires et stratégiques. Nous cherchons dans ces processus à traiter de manière explicite les trois impératifs humain, client et financier. Mais c'est bien la qualité de l'interaction et du dialogue quotidiens qui prime par rapport à la dimension formelle de nos processus de décision et de planification.

Mais tout ceci reste à mon avis assez superficiel par rapport à ce que nous pourrions faire. Notre entreprise reste très largement hiérarchique. Trop souvent, on a le sentiment que la décision doit venir d'en haut. Le haut n'est d'ailleurs pas toujours suffisamment bon pour susciter et structurer une large implication et mobilisation des collaborateurs. D'autres entreprises sont à mon avis bien meilleures que nous. Là aussi, nous avons des marges de progrès.

Ceci représente un enjeu important pour le management intermédiaire. Celui-ci est soumis à une forte pression sur sa performance. Ses moyens sont parfois rognés. S'il ne participe guère à l'élaboration des décisions, il en est un simple relais. Et il doit faire face à des collaborateurs plus ou moins motivés. Compte tenu de l'importance de ces cadres sur la satisfaction des clients et des collaborateurs, on voit l'importance de bien traiter ce sujet. Or, on constate souvent que c'est un lieu de grande pression et frustration. Parmi les pistes à explorer, on trouve : 1/ la réduction du nombre de niveaux hiérarchiques, pour limiter la distance entre ce management intermédiaire et le sommet, et augmenter la taille des râteaux (et donc le degré d'autonomie de ces cadres) ; 2/ le développement et la mise en œuvre de processus de décision structurés et participatifs. À l'image d'outils développés par de grands consultants, ceux-ci peuvent porter par exemple sur la stratégie pour les grands comptes, la productivité dans les usines, etc.

 

Comment se justifie l'échelle des salaires dans votre entreprise ?

 

L'établissement des rémunérations s'appuie sur deux facteurs : d'une part le prix de marché pour les compétences et le poste, et d'autre part la performance. Ceci nous a conduit à établir une échelle de rémunération allant de 1 à 100 ou 200, compte tenu du niveau de rémunération élevé qui existe aux États-Unis pour les dirigeants d'entreprise. Ceci n'est pas sans poser des questions de justice. Un être humain peut-il " valoir " cent fois plus qu'un autre ?

 

Y a-t-il un accès au capital pour les salariés ?

 

L'entreprise a mis en place un système de stock options pour l'ensemble des collaborateurs. D'autre part, les salariés peuvent acheter des actions à un prix préférentiel. Ce type de mécanisme est un bon moyen pour chercher à réconcilier logique financière et logique humaine. Mais ceci étant relativement récent dans l'entreprise, je crois que nous ne sommes qu'à la phase exploratoire de cette piste.

 

Comment les projets personnels des individus s'intègrent-ils dans le projet d'ensemble de l'entreprise ? Comment se font les ajustements ?

 

Il faut revenir ici sur l'impératif humain de l'entreprise et chercher à le préciser. Il faut distinguer plusieurs plans : 1/ le développement professionnel. Il est indispensable à l'efficacité de l'individu dans l'entreprise.

2/ L'épanouissement. Allant plus loin que le développement professionnel, il concerne l'individu, qui doit trouver dans son travail une satisfaction correspondant à ses aspirations. Quelles sont ces aspirations ? C'est au chef d'entreprise de les découvrir, pour pouvoir susciter un environnement, une culture, des valeurs d'entreprise, en harmonie aussi bien avec les exigences d'efficacité par rapport à l'extérieur qu'avec les aspirations des collaborateurs de l'entreprise. Il y a là un domaine important, même si ces termes de culture d'entreprise, de valeurs, peuvent paraître galvaudés. À cela se rattache la réflexion sur la mission, la raison d'être de l'entreprise, sur une vision à cinq ans de celle-ci, etc., bref tout ce qui doit prendre en compte l'épanouissement des personnes travaillant dans l'entreprise. Il est essentiel pour une entreprise de créer un environnement interne réconciliant ce qu'elle essaie d'être et les aspirations de ses collaborateurs. Sans chercher bien entendu à s'immiscer dans ce qui demeure leur vie privée.

3/ Enfin, l'accomplissement. Voilà le sujet le plus délicat, où l'on est obligé de faire intervenir des notions philosophiques et, si l'on est croyant, la foi (et la théologie). C'est le regard de foi sur le travail.

Autant les premier et deuxième niveaux sont inhérents à une bonne gestion de l'entreprise, autant le troisième la dépasse. Cela s'apparente à la pyramide maslowienne : Maslow avait hiérarchisé les besoins de la personne humaine, des besoins élémentaires comme la nourriture et un toit, jusqu'à la religion, en passant par l'éducation, les loisirs, l'art, etc. Le développement professionnel, en résumé, apparaît indispensable ; l'épanouissement représente un plus, auquel le chef d'entreprise est obligé de faire attention. L'accomplissement, en revanche, n'est pas nécessaire stricto sensu pour la mission de l'entreprise.

Cela étant dit, cette prise en compte de l'épanouissement personnel n'est pas une chose facile. Il y a de fait plusieurs défis : savoir découvrir les aspirations des collaborateurs ; savoir les prendre en compte dans l'élaboration du projet de l'entreprise ; savoir les accepter lorsqu'elles ne vont pas de soi, sans qu'elles soient en contradiction avec le projet de l'entreprise.

Je crois pour ma part que nous en sommes aux balbutiements. À ce stade, nous avons exploré une piste principale : la réduction et l'aménagement du temps de travail dans le cadre de la loi Robien qui a suscité un large intérêt de la part des collaborateurs. Mais ce n'est guère positif puisqu'il s'agit de permettre aux collaborateurs de mieux trouver leur épanouissement en dehors de l'entreprise, plutôt que dans et à travers l'entreprise.

 

Quelles ont les grandes erreurs courantes ou séduisantes à ne pas commettre ? Quels sont les points les plus difficiles dans votre travail et l'évolution espérée de votre entreprise ?

 

Les sources d'erreurs et les difficultés potentielles ne manquent pas. J'en citerais trois. La première est de penser qu'il s'agit essentiellement d'être intelligent (au sens cérébral) pour diriger une entreprise. Les exemples abondent qui montrent qu'une trop grande intelligence peut être un handicap si elle conduit à vouloir tout décider soi-même, plutôt que de susciter une mobilisation et de permettre à une intelligence largement répandue de s'exprimer.

La deuxième difficulté est celle de la prise en compte du temps. On se trompe rarement sur la direction à suivre. En revanche, on évalue souvent mal le meilleur moment pour prendre une décision, ou le temps que sa mise en œuvre prendra.

Le troisième défi réside dans la difficulté de transformer une entreprise sans la casser. Même si des transformations profondes sont nécessaires, même si de nombreux paramètres actuels doivent être changés, même si les voies de la reconstruction sont clairement définies, le risque existe de casser les fondations ou les ressorts vitaux de l'entreprise. Il existe donc un risque de créer un écart trop important entre les aspirations légitimes que l'on peut ou doit formuler pour l'entreprise et sa capacité à les embrasser. Le rythme et l'ampleur des changements doivent donc être dosés.

h. j.