C'ETAIT LE MERITE des fondateurs des Communautés européennes d'avoir fait du droit leur instrument d'unification de l'Europe ! C'est aujourd'hui la troisième génération d'acteurs qui travaille sur ce chantier. Comment ces acteurs auraient-ils pu espérer avancer dans la même direction, s'il n'y avait pas des institutions solides, des procédures orientées vers le bien commun et clairement définies ?

 

Quinze ans après Maastricht, la construction de la Communauté européenne est toujours au centre de nos préoccupations : il faut la renforcer et non l'affaiblir.

 

Compte tenu du fait que 50 à 60 % de la législation nationale des États membres se réfèrent à une directive de la Communauté européenne, le principe de subsidiarité – toujours nécessaire – ne suffit plus : pour bien trancher les responsabilités entre l'échelle européenne et les échelles nationales, il faut définir les compétences respectives.

 

Dans ce contexte, en ce qui concerne les Églises et les communautés religieuses, il faut leur accorder :

- l'autonomie intérieure, en fonction des législations nationales ;

- une garantie de leur état juridique dans les États membres ;

- un dialogue structuré avec les institutions européennes.

 

Il n'y aura pas d'avenir pour l'Union européenne sans politique. Il n'y a pas de politique sans pouvoir. Il n'y a pas de pouvoir sans approbation des citoyens. Il n'y a pas d'approbation persistante pour une communauté des peuples de l'Europe quand cette union ne tient pas compte des réalités historiques et surtout culturelles !

Toutes les régions du monde ont une connaissance et une expérience collective, c'est-à-dire : une culture. La culture de l'Europe a été principalement formée par le droit romain et par la foi chrétienne. Un traité constitutionnel qui ne tiendrait pas compte de ces racines communes et ne les exprimerait pas, serait rapidement un produit politique périmé. Il vaut mieux le rejeter en référendum ou par vote parlementaire.

Tenir compte de ces racines culturelles permet d'envisager l'avenir et de définir des objectifs – légitimes, parce que fondés sur des antécédents et des buts collectifs.

Pour mériter l'approbation des peuples qui la composent, le traité constitutionnel de l'Europe doit mentionner Dieu et se référer au droit naturel comme par exemple le Codex Justinianus et le Code Napoléon.

 

 

 

 

 

 

 

En faveur de ces thèses, il y a des arguments actuels et pratiques :

L'Europe se voit exposée à une menace qui vient de l'extérieur mais agit à l'intérieur de l'Union, et menace chacun de nos citoyens : le terrorisme. Celui-ci – mis à part son caractère criminel évident – reste une menace, dont les répercussions potentielles dépassent les limites d'une culture laïque et ceci, pour deux raisons :

- le terroriste de nos jours est prêt à se suicider pour la réussite spectaculaire de son attaque ;

- les victimes innocentes d'une attaque terroriste sont tuées sur le coup ou bien sont condamnées à l'invalidité pour le reste de leur vie.

 

Face à cela, qui peut encore justifier le terrorisme ?

 

Voilà pourquoi on a invité les représentants des trois religions monothéistes au World Economic Forum en janvier 2002, à New York (soit quatre mois après les attentats du 11 septembre 2001).

Voilà pourquoi, en janvier 2002, le Pape Jean Paul II a réunis à nouveau, à Assise, ces mêmes représentants, pour prier ensemble.

Voilà pourquoi le Pape se rendra à Jérusalem pour prêcher la paix.

Voilà pourquoi les supérieurs des religions de la Terre sainte (Israël) se sont réunis à Alexandrie pour manifester contre l'abus de l'usage de la religion par les fondamentalistes, et pour la paix.

 

Le moment n'est-il pas venu de réexaminer notre évolution culturelle, et de se demander ce qui a provoqué une telle menace terroriste ?

Il est urgent de mettre fin aux traditionnels litiges que des humanistes agnostiques mènent contre les humanistes religieux. C'est absolument nécessaire pour pouvoir revitaliser notre culture commune et en exprimer l'essentiel dans la Constitution pour l'Europe de demain.

 

La notion "politique " dérive de la polis de la Grèce de l'antiquité dans laquelle l'essentiel était la solidarité, l'esprit communautaire des membres. Après la déconstruction de la polis par le sophisme, Platon a plaidé pour le philosophe-roi. " L'eudaimonia ", le bonheur du citoyen, d'après Aristote, dépend de l'éthique pratiquée. Dans les premiers temps du christianisme, politique et éthique s'éloignent l'un de l'autre : saint Augustin voit l'homme comme citoyen de deux cités, celle de la terre et celle du ciel. Saint Thomas d'Aquin, se référant à Aristote, rapproche à nouveau l'éthique de la politique. D'après lui, la société est nécessaire ad exercicium perfectionis c'est-à-dire pour l'éducation du citoyen. Deux cent cinquante ans plus tard, Nicolo Machiavelli oppose de nouveau l'éthique et la politique. Il met l'accent sur l'organisation du pouvoir. Nous y sommes encore. Surtout au XXe siècle qui a vu couler des "fleuves de larmes et de sang ", conséquences d'une politique sans éthique.

 

En Allemagne, après 1945, a eu lieu un revirement total de la pensée politique : on a redécouvert le droit naturel, sans l'exprimer littéralement. Je cite le préambule de la Constitution de l'État de Bavière de 1946 :

 

" En présence du champ de ruine auquel les survivants de la Seconde Guerre mondiale ont été conduits par un régime politique (ein Staat – und gesellschaftsordnung) sans Dieu, sans conscience et sans respect de la dignité de l'homme,

" fermement résolu à garantir aux générations à venir la paix, leur humanité et leur droit, le peuple bavarois, en vertu de son histoire de plus de mille ans, se donne la Constitution démocratique qui suit... "

 

On trouve la même référence dans la Constitution de la République fédérale d'Allemagne, fondée par les länder allemands, trois ans plus tard, en 1949. Je cite :

" Consciente de sa responsabilité devant Dieu et les hommes,

" résolue de garder son unité nationale dans un État et dans une Europe unie [...]

" le peuple allemand dans les Länder de Baden, Bayeux [...]

" se donne cette loi fondamentale... :

 

Art 1, 1 : " La dignité de l'homme est inviolable. C'est le devoir de toute institution de l'Etat de la faire respecter et de la protéger. "

Art 1, 2 : " C'est pourquoi le peuple allemand professe les droits de l'homme comme étant inviolables et inaliénables, fondements de toute communauté, et base de la paix et de la justice dans le monde. "

 

Le droit constitutionnel, en Allemagne, se range alors entièrement dans la tradition des droits de l'homme, à une différence près : il fait mention de Dieu comme instance devant laquelle l'homme est responsable.

 

L'affirmation de Dieu dans la Constitution de l'Europe de demain pourrait faire de ce continent le médiateur des cultures, au lieu de laisser les fondamentalistes de tous bords faire de la religion un combat entre celles-ci.

 

Si vis pacem para regnum de Deus.

 

H. D.