Les conflits que nous vivons au niveau international comme au sein des États ou dans des sphères sociales de moindre ampleur procèdent souvent de ressorts communs.

Les marxistes voient dans le concept de domination sociale, aujourd’hui envisagée à travers la notion d’inégalité, une ligne de fracture qui explique le conflit.

Les nationalistes auront tendance à envisager les rapports de force entre groupes avec des déclinaisons multiples parfois cumulatives (ethniques, linguistiques, communautés d’adhésion…).
Enfin, tout aussi schématiquement, les libéraux verront dans le manque de libertés individuelles ou l’absence de respect de celles-ci une explication des conflits.

Au-delà des grandes classifications et de leurs innombrables déclinaisons, il existe une pratique de gouvernement qui semble être envisageable dans n’importe quelle forme étatique : l’humiliation. De la famille à l’État en passant par la communauté voire l’entreprise, l’humiliation d’une personne ou d’un groupe constitue une bombe à retardement.

 

L’humiliation à l’échelle étatique

 

Au niveau des peuples, des nations et des religions, l’humiliation participe des guerres et en est souvent à tort ou à raison le facteur principal sinon le moteur des conflits.

L’État d’Israël s’est ainsi formé sur les cendres d’une humiliation et a procédé d’une autre forme d’humiliation pour le peuple palestinien. La politique vexatoire à l’endroit de la Russie post-soviétique a aussi provoqué l’humiliation d’un peuple et semble aujourd’hui trouver son prolongement dans le conflit ukrainien. La République Islamique d’Iran n’aurait probablement pas vu le jour sans le mépris antireligieux et les persécutions menées sous le régime du Shah.

Comment ne pas envisager la seconde guerre mondiale et ses millions de victimes sans considérer la vexation immense faite au peuple allemand ?

Comment ne pas envisager que la Serbie humiliée en restera là après avoir subi les bombardements de l’OTAN et le démantèlement de son territoire ? Côté gauche, peut-on faire fi de l’absence de considérations pour les classes laborieuses dans les révolutions rouge ? 

Les exemples sont innombrables : les humiliations d’hier et d’aujourd’hui font les guerres de demain dans un ballet macabre sans fin, dans lequel les humiliés finissent par prendre la place des tortionnaires.

 

La subsidiarité contre l’arbitraire

 

L’humiliation d’une personne mène à la vengeance personnelle ou à une forme d’émulation. Au niveau de groupes nationaux ou politiques, elle peut mener à des drames ou des réactions d’ampleur.

Au niveau de la communauté, du groupe restreint, de l’entreprise, le conflit naît plus souvent de vexations que d’idéologies véhiculées par des syndicats ou des idéologues toujours très minoritaires. La politique des bas salaires et le besoin d’écraser l’autre pour se sentir plus grand, le népotisme, l’esprit d’administration et l’incapable recours à la subsidiarité gangrènent ainsi le monde du privé.

À une échelle plus intermédiaire, le mouvement des Gilets Jaunes a procédé en France du sentiment de déclassement et de mépris d’une classe moyenne déclassée. 

La confiance dans l’Homme et la vertu de l’exemple sont plus à même d’éviter le conflit qu’un rapport de force qui tourne plus souvent au pourrissement qu’à l’affrontement.

La tentation d’écraser et d’humilier le concurrent ou l’adversaire est souvent forte et peut même être guidée par un besoin de justice. Il n’en demeure pas moins qu’en humiliant, c’est l’effet inverse qui est provoqué. Souvent rattaché dans l’imaginaire à une société ostensiblement hiérarchisée, l’humiliation est pourtant plus que jamais présente dans notre société tendant à l’égalitarisme et relativiste où l’absence d’un ordre clair et naturel mène à des jeux de pouvoir refoulés et médiocres.

 

Olivier Frèrejacques

Délégué général de Liberté Politique