Les Gilets jaunes sont profondément rationnels

Le mouvement des Gilets jaunes qui s’est levé partout en France ces derniers jours n’est pas, contrairement ce que voudrait faire croire le pouvoir, une fronde irréfléchie.

C’est au contraire un mouvement profondément rationnel.

Doublement rationnel.

D’abord parce qu’il exprime une souffrance bien réelle d’une grande partie des Français. Bien peu sont épargnés par la politique économique  de  ces dernières années (Macron était le conseiller économique de Hollande et en porte donc la pleine responsabilité). Les classes populaires voient chaque jour se réduire leur niveau de vie  par la stagnation des salaires,  la hausse   du carburant, du gaz, de l’électricité,  des loyers, des assurances. Tant l’Etat que toutes les  grandes structures (GDF, SNCF, mutuelles), ont fait du pouvoir d’achat populaire leur variable d’ajustement, croyant que l’on peut indéfiniment et impunément le rogner  pour équilibrer leurs comptes, voire distribuer toujours plus d’avantages à leurs dirigeants. Les retraités sont en outre frappés par la hausse de la CSG. La suppression annoncée de la taxe d’habitations’avère un leurre. Les collectivités locales voient leurs dotations se réduire. Les agriculteurs frappés par les  sanctions envers la Russie, le seront  encore davantage par le CETA non encore voté mais déjà appliqué. Jeunes et moins jeunes voient les usines se fermer, le chômage  s’aggraver,  les salaires baisser pour des emplois de plus  en plus précaires

En dehors des très riches, désormais  dispensés de l’ISF,  et des profiteurs  du système social, toute la société se trouve écrasée.

Il n’y a pas que l’argent : au motif de rechercher une société paradisiaque entièrement « sécure », des réglementations de plus en  plus strictes transforment  la vie  quotidienne en enfer: écologie punitive ( dont la hausse du gazole est emblématique), guerres aux conducteurs automobiles,  règles d’hygiène impitoyables  pour les entreprises ; la  France en  rajoute même  sur les réglementations de Bruxelles. Les tribunaux, indulgents pour les vrais délinquants,  sanctionnent impitoyablement  un mot de trop ou une insignifiante bourrade, se font impitoyables pour  le simple citoyen sou   les policiers : comment ne pas être profondément ému par le suicide de la jeune policière Maggy Biskupski,  porte-parole pathétique  du malaise  des policiers ?

Mais les Gilets jaunes ont aussi raison en ce que les politiques qu’ils mettent  en cause, loin d’être rationnelles, comme le prétend une caste dirigeante arrogante et autiste - qui ne voit dans ceux  qui la contredisent  que fainéants, « lépreux »,illettrés , populistes - sont le produit d’une logique folle, aux effets absurdes, effet de l’incompétence et de l’idéologie.

Comment comprendre qu’un gouvernement veuille réduire les déficits sans remettre en cause les dépenses publiques, avec l’effet d’un écrasement  fiscal du pays ? Comment comprendre que l’on perpétue (quoi  qu’en dise le ministre) des méthodes pédagogiques absurdes qui détruisent l’Education nationale pour aboutir à toujours plus d’illettrisme et d’inculture ? Pourquoi construit-on des éoliennes inutiles qui défigurent nos paysages ? Comment accepter qu’on multiplie les structures intercommunales coûteuses, alors qu’il était si simple de laisser vivre des communes,  grandes et petites, efficaces et économes ?

Comment comprendre que l’on entreprenne des guerres cruelles (Libye, Syrie), souvent en appui de mouvements  terroristes, qui multiplient les réfugiés, vrais ou supposés ?

Comment comprendre que sous prétexte  de le moderniser, on désorganise  l’Etat par des réformes incessantes  qui démotivent les agents et coûtent plus cher.Comment comprendre que les aides sociales,parfois nécessaires, aboutissent souvent  à ce que  leurs bénéficiaires vivent mieux que ceux qui travaillent ?

Comment comprendre  que sous prétexte de construire l’Europe, on renforce impitoyablement toutes les disciplines, y compris monétaire,  suivant un modèle allemand dont deux guerres mondiales ont montré que le reste de l’Europe n’en voulait pas ?  Que sous le même prétexte ou pour des motifs  purement financiers, on  vende à la découpe à des intérêts étrangers nos plus beaux fleurons industriels (hier Alstom ou Alcatel, demain les constructions navales) et que les organisateurs de ces véritables trahisons de l’intérêt national se trouvent récompensés par des bonus de plusieurs  millions d’euros ?

Le progrès a toujours signifié l’amélioration des conditions de vie. Comment comprendre, alors que  le progrès scientifique et technique  continue  plus  que jamais, que  la « marche en avant »  dont  certains se réclament se traduise par toujours plus de pénitence, de sacrifices, de régression sociale ?

Les logiques technocratiques que suit depuis des années l’Etat  français sont de plus en plus folles. En les refusant, les gilets jaunes sont, eux,  du côté du bon sens et de la raison. Remettre en cause  ces logiques folles pour revenir au bons sens est  aujourd’hui indispensable  à  la survie de notre pays. Loin d’être porteurs d’intérêts catégoriels étroits, c’est à une véritable révolution intellectuelle et morale que  les Gilets jaunes  appellent, pour ne pas dire à une Révolution tout court.  Porteurs  de la  plus noble des causes,ils sont décidés à ne rien lâcher .

Roland HUREAUX