La remise en cause de la Loi Taubira.

[Source : blog de Roland Hureaux]

C'est une chose entendue : si la droite revient au pouvoir l'an prochain, elle ne remettra pas en cause la loi Taubira.

Ni Juppé, ni Sarkozy, ni Copé, ni Le Maire, ni Nathalie Kosciusko-Morizet  n'en ont l’intention : les deux derniers s'étaient au demeurant abstenus au moment du vote de la  loi. Fillon, seul des ténors,  envisage  une "réécriture", ce qui lui a valu le soutien de Sens commun. Hervé Mariton et  Jean-Frédéric Poisson, candidat à la primaire de droite du parti démocrate-chrétien, associé aux Républicains, se sont , eux, clairement engagés à l'abroger.

Le Front National aussi, en principe, mais Florian Philippot, bras droit de Marine le Pen, estime que l’abrogation du « mariage pour tous » est "aussi importante que la culture du bonsaï". La question est très débattue au sein de ce mouvement.

Sans doute les uns et les autres se sont-ils vu expliquer par leurs conseillers en communication que l'abrogation aurait un effet désastreux auprès des médias,  farouchement attachés au "mariage" homosexuel. Alors même que les 2/3  des électeurs de droite souhaitent qu'on revienne sur  la loi[1], cela aurait aussi pour effet, dit-on, de ringardiser l'image du candidat, de le faire  passer pour un réactionnaire.

C'est un fait que,  la propagande LGBT aidant,  l'hostilité à la loi Taubira, loi pourtant rejetée par plus de la moitié des Français[2], est devenue à droite plus compromettante encore  que  le refus de l'immigration ou celui de l'euro. 

 

Un message subliminal : "je me dégonfle"

 

Elle n'est pourtant  pas seulement un marqueur d'extrémisme.

On ne saurait oublier en effet que cette loi a provoqué la plus grande mobilisation du quinquennat et même de l'histoire de France (exception faite de celle, plus éphémère, qui a suivi  l'attentat contre Charlie[3]);  celle de la CGT contre la loi Travail n'est rien en comparaison.

Renoncer à y toucher est pour les candidats de droite au moins aussi risqué que  s'y engager.

Car il faut bien le dire : pour une partie de l'opinion, le refus  de remettre en cause la loi Taubira , compte tenu de tout ce qui a été dit par l'opposition  au moment de son vote, porte avec lui un message subliminal : "je me dégonfle".

Et ce message ne concerne pas que cette loi : il est probable que la réaction de beaucoup d'électeurs qui n'y attachent pas forcément une grande importance, sera de dire que si la droite dite "républicaine" se dégonfle sur ce sujet, elle risque bien de se dégonfler sur tous  les autres et qu'en définitive, si la droite revient au pouvoir, il ne se passera rien. Car sur bien d'autres sujets,  en matière économique et sociale, en matière d'école, de justice, d'immigration, la droite, si elle veut aller tant soit peu à la rencontre des attentes populaires, devra aussi  se faire politiquement incorrecte. Comment croire qu'elle en aura l'audace si elle a déjà capitulé sur le mariage homosexuel? Qui prendra au sérieux des expressions  comme la "droite forte" ou  la "droite décomplexée" dont  on se gargarise dans l'opposition ?

L'autre inconvénient de cette position est de polariser le programme de la droite sur des sujets comme l'ISF, les 35 heures, l'âge de la retraite ou le code du travail sur lesquels elle  apparaîtra  , en accomplissant des réformes libérales, également réactionnaire, mais en un autre sens :   le parti des gros  contre les petits. La  gauche d'aujourd'hui l'est aussi, certes,  mais avec plus de subtilité. La brutalité des mesures économiques et sociales projetées par la droite aidant, la gauche reviendra très vite en grâce. Il n'est pas sûr que l'opposition ait intérêt à abandonner le champ sociétal pour présenter un programme de remise en cause des acquis sociaux à l'état  nu  et rien que cela.

Enfin, le refus de la remise en cause est, qu'on le veuille ou non, une caution apportée à la gauche, dont on reconnaît a posteriori  la lucidité et le progressisme. Si  une telle réforme était irréversible, c'est la preuve que la gauche  seule  était   dans le sens de l'histoire. La résistance de la droite n'était que vaines criailleries, baroud d'honneur inutile. Mais comment dès lors  expliquer que  la gauche n'avait par contre pas raison   sur les autres sujets ? Expliquer  par exemple que  la réforme du collège, malgré la levée de boucliers qu'elle a suscitée, n'était  pas, au fond,  une réforme progressiste ?

 

Des théories  faussement scientifiques

 

Le  pédagogisme et la loi Taubira, tous deux tenus pour "progressistes", ont en commun d'être fondés sur des théories faussement scientifiques: la méthode globale et la théorie du genre. Ceux qui , jusqu'ici , ont remis en cause la méthode globale (Alain Finkielkraut par exemple) se sont vu attaqués en première page du Monde comme  "réactionnaires" . C'est le prix à payer pour tout  retour aux voies du bon sens dans un terrain miné par l'idéologie.  Si la droite a peur d'affronter ce risque,    quel que soit le sujet, les Français penseront très vite qu'elle ne sert  rien.

L'échec retentissant aux élections locales des candidats LR qui avaient été les plus favorables à la loi  Taubira : Fabienne Keller à Strasbourg, Nathalie Kosciusko-Morizet à Paris , Dominique Reynié en Midi-Pyrénées  devrait pourtant servir de leçon. Il n'est pas sûr que, sur la question de  l'effet    électoral, sinon directdu moins indirect, du refus de remettre en cause la loi Taubira, les candidats de la droite classique doivent trop écouter leurs conseillers en communication.

 

 

[1] Opinion Way,  06/06 2016

[2] Ifop, 15/9/2015

[3] Toutefois aucun décompte officiel de la manifestation "Charlie" n'ayant été fait, il est difficile de comparer avec "La Manif pour tous".