Philippe de Villiers a rallié cet été le comité de liaison de la majorité présidentielle. Il vient de participer à sa première réunion qui s'est tenue à l'Elysée le 2 septembre. Le président du MPF s'est retrouvé aux côtés de Christine Boutin qui grince des dents.

Le Vendéen n'avait plus guère d'autre issue après la série d'échecs électoraux enregistrés par son parti. Le souverainisme n'est pas un moteur suffisant pour entraîner un mouvement qui se veut d'envergure nationale : on le voit maintenant que la vague eurosceptique est retombée. C'est d'ailleurs vrai de toute thématique partielle, aussi importante soit-elle : les écologistes en font aussi régulièrement les frais. Dès lors, à moins de s'enfermer dans son bastion vendéen et de n'être plus qu'un acteur local après avoir gâché bien du talent et de l'énergie, l'avenir politique de Philippe de Villiers n'avait plus d'alternative.
Du côté de l'UMP, le pari fait en 2002 a donc été gagné. Sa création est venue au bon moment, quand les clivages hérités du gaullisme, de l'après-guerre et de la décolonisation s'estompaient. Dès lors qu'une majorité des composantes de l'UDF s'y intégrait, le quadrille des quatre qui structurait antérieurement la vie politique disparaissait : la droite se dotait d'un pôle de rassemblement appelé à devenir hégémonique, et qui s'avère solide. Le point final en a été posé lors de l'élection présidentielle avec l'affaissement de toutes les autres composantes de la droite et la disparition de l'UDF via la création du Nouveau Centre. Rester en dehors, c'était se condamner à l'inexistence. Christine Boutin l'avait compris dès l'origine ; il a fallu un peu plus de temps à Philippe de Villiers pour l'admettre.
Dedans ou nulle part
Le moment choisi de ce ralliement n'est pas exempt de considérations tactiques : son hégémonie impose à l'UMP d'adopter partout une démarche de premier tour . Il faut en effet au mouvement présidentiel devancer suffisamment ses adversaires pour que l'écart ne puisse pas être comblé et lui assure la victoire finale contre toute défense : soit que le scrutin se joue en un seul tour, soit que l'obligation de nouer des alliances de second tour enferme l'adversaire dans une posture d'opposition radicale, toujours insuffisante pour unir les contraires de façon positive. Or l'objectif de reconquête régionale affiché par Nicolas Sarkozy implique de creuser cet écart dans un certain nombre de régions, notamment dans les Pays de la Loire et en Poitou-Charentes, avec l'appoint du MPF : il fallait donc que cela se fît maintenant.
Mais les circonstances ne font qu'illustrer à nouveau la bipolarisation qu'induit le scrutin présidentiel. Désormais, les différences de positionnement à droite devront se traiter au sein de la majorité et non en dehors. C'est pourquoi les réticences un peu rageuses de Christine Boutin sont mal venues : après tout, elle aussi a su faire entendre sa différence, et à bon escient au printemps dernier. En focalisant son désaccord avec Philippe de Villiers sur les questions européennes et sur l'immigration, elle tombe dans le piège du secondaire par rapport à l'essentiel : n'a-t-elle pas reconnu que sur les questions-clé comme la protection de la vie ou le mariage, tous deux étaient fondamentalement d'accord ? Elle devrait plutôt se réjouir de trouver un allié dans la majorité.
La gauche en revanche peine à admettre cette bipolarisation et à en tirer les conséquences : elle suivrait plutôt le chemin inverse. Ce serait aller trop vite en besogne d'en déduire la mort du PS : celui-ci restera encore longtemps le seul pivot envisageable du second pôle. Mais celui-ci restera faible tant que le parti n'aura pas assumé complètement son positionnement social-démocrate, discipliné son fonctionnement interne, et donné le coup de grâce au PC en lui reprenant les bastions locaux grâce auxquels il survit.
Ce sont en effet les communistes qui font obstacle à la mutation de la gauche, d'une part en interdisant le nettoyage de sa conscience historique et politique (on vient de le constater une fois de plus à l'occasion du soixante-dixième anniversaire du pacte germano-sovétique), d'autre part en pratiquant avec les gauchistes un jeu de bascule et d'instrumentalisation qui empêche le PS de les étouffer comme l'UMP l'a fait du FN.
Dans l'intervalle, François Bayrou tente un pari qui est perdant à tous les coups : soit le PS implose et il devient peut-être le leader social-démocrate qu'il rêve d'être, mais avec la certitude de demeurer indéfiniment dans l'opposition alors qu'il lui sera impossible de polariser la gauche autour de lui ; soit le PS surmonte sa crise actuelle et assume son rôle dominant avec une chance de gagner au plan national, mais le MoDem ne pourra faire autrement qu'en être un supplétif.
La bipolarisation ne laisse aucune marge à ceux qui veulent rester en dehors : ailleurs ne conduit nulle part.
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