La France face au multiculturalisme

Source [Causeur] Jadis, les étrangers qui arrivaient en France, qu’ils aient ou non demandé la nationalité française, y venaient parce que nous étions une référence culturelle d’exception.

Les aristocrates russes de Guerre et paix s’expriment en français — et pour eux c’est la langue de Voltaire (Stendhal en quittant Moscou en 1813 emporta avec lui un volume des Mélanges du philosophe de Ferney, et s’en voulut toute sa vie d’avoir dépareillé des œuvres complètes — qui ont dû disparaître dans l’incendie de la ville). Lorsque Simon Bolivar cherche un refuge entre deux révolutions sud-américaines, c’est à Paris qu’il se rend — et il y met à la mode la « cape à la Bolivar » qu’adoptèrent les Romantiques les plus chevelus. Lorsque Tourgueniev se cherche des amis, il est adopté par Maupassant, Zola et le cercle des Réalistes — qui ne l’étaient guère. Henry James avait fait de Paris sa capitale de cœur. Césaire ou Senghor n’ont jamais eu honte d’avoir fait leurs études dans la capitale française. Et Kundera (honte aux Nobels qui ne lui ont jamais donné un  prix qu’il méritait cent fois) a été adopté par le pays où il s’était réfugié quand les Russes sont venus troquer le velours de la révolution tchèque pour de l’acier sur chenilles.

« Ah oui, mais c’est vieux tout ça, les temps ont changé » : une réflexion au moins aussi idiote que le « ok, boomer ! » qui est devenu le slogan de cette génération élevée dans une ignorance crasse, et s’indigne dès que l’on ne prend pas au sérieux les fariboles auxquelles elle s’accroche. Rappelez-vous, « T’es plus dans l’coup, papa ! » Chaque génération se croit plus intelligente que ses géniteurs.Changement à vue. Les immigrés ne viennent plus en France que pour son généreux système social, ses allocations familiales et sa cécité idéologique. Il ne leur viendrait jamais à l’idée de dire, à propos d’un idiome qu’on ne leur demande même pas de baragouiner, qu’ils parlent « la langue de Molière » — ou de Voltaire, ou de Flaubert, ou de qui que ce soit antérieur à Virginie Despentes et Aya Nakamura. Les intellectuels étrangers n’ambitionnent plus de devenir français — pas même résidents français. Ils s’éparpillent désormais dans des pays qui n’ont pas tout à fait renoncé à la fierté d’être eux-mêmes. L’anglais reste la langue de Shakespeare (ou de Mark Twain). Les inscriptions d’étrangers dans les universités françaises sont en chute libre — sauf là où on leur fait payer en douce quelques milliers d’euros pour être titulaires de diplômes qu’ils n’auront pas passés, mais il s’agit alors d’étrangers du second rayon, si je puis dire : les plus doués à Oxford ou Harvard, les brêles à Toulon. L’époque où les Chinois, les Vietnamiens et les Algériens qui ont bâti des révolutions dans leurs pays venaient chercher à la Sorbonne une langue et une inspiration est révolue.

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