L'erreur de Theresa May

Le Brexit ressemble de plus en plus à un feuilleton à rebondissements dont on ne voit pas la fin.

Après deux ans de négociations, les deux parties avaient cru trouver un accord sur les conditions de sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Mais cet accord où beaucoup de Britanniques jugent que Madame May, leur premier ministre, a fait trop de concessions, a été brutalement rejeté par la Chambre des communes par 432 voix contre 202,  le 14 janvier dernier par une coalition des adversaires du Brexit, toujours actifs, et de ceux qui jugent le résultat des négociations  trop défavorable aux intérêts britanniques.

On se demande pourquoi Madame May s’est engagée dans ce qui ressemble  de plus en plus pour elle à  un chemin de croix. 

Il y avait deux manières de sortir de l’Union européenne.

La première, la plus simple était une dénonciation pure et simple du traité d’adhésion, ce qui est possible à tout Etat souverain.  Toutes les réglementations européennes auraient  continué à s’appliquer au  Royaume-Uni jusqu’ à ce que le gouvernement de Londres décide de les modifier ou les abroger.  Si cette modification posait un problème à l’Union européenne, par exemple au cas où le Royaume-Uni aurait imposé  un droit de douane sur les importations du continent  là où il n’y en avait pas, une négociation ponctuelle  pouvait s’engager. Il en aurait été de même si, à l’inverse, l’Union européenne opposait au Royaume-Uni des décisions qui lui étaient défavorables. Mais  ces négociations seraient intervenues après la sortie de la  Grande-Bretagne, en toute liberté. Les accords de l’OMC auxquels adhèrent aussi bien l’Union que la Grande-Bretagne limitent par avance  la portée des représailles commerciales éventuelles de Bruxelles et inversement.

Pour ce qui est du pouvoir réglementaire propre de l’Union, il serait revenu  à la Grande-Bretagne suivant la  théorie de la succession d’Etat  sans qu’il soit nécessaire de revoir l’ensemble des réglementations antérieures. La même théorie se serait appliquée aux   accords avec les pays tiers qui auraient été maintenus aussi longtemps qu’aucun des partenaires ( Royaume-Uni ou pays tiers) ne les remettait  en cause. 

La second manière de sortir  était l’application de l’article 50 du traité de l’Union  européenne qui organise une procédure  complexe  de sortie, sachant  que tant que la procédure n’est pas allée jusqu’à bout, le Royaume-Uni reste  membre.

Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Le gouvernement britannique a choisi la seconde formule sans doute pour ne pas rendre la rupture trop brutale. Ce choix n’est peut-être  pas   étranger au fait que  Madame May était  au départ hostile au Brexit.

S’ils l’ignoraient, les Britanniques ont sans doute compris aujourd’hui  que cette  fait pour but de rendre si difficile le retrait d’un Etat  qu’il en soit par avance découragé. Et  c’est précisément  pour que la sortie d’un autre membre soit dissuadée par cette procédure  que les négociateurs de l’UE, le commissaire français Michel Barnier en tête,  n’ont rien fait  pour faciliter le Brexit, encouragés en  cela par le président français Macron et, plus discrètement, par la chancelière allemande.

Le résultat de ces lenteurs pourrait cependant être l’inverse : lorsqu’un nouveau pays voudra sortir, il saura désormais  qu’il  vaut mieux prendre le  chemin le plus court, celui de la dénonciation unilatérale, la négociation venant après la sortie et non avant.

Roland HUREAUX