Que Michèle Alliot-Marie, malgré son expérience, n'ait pas perçu les difficultés dans lesquelles la mettrait un jour la confusion d'intérêts où elle s'était laissée enfermer nous interroge sur la déconnexion d'avec le monde réel dont font preuve nombre de professionnels de la politique. Qu'il ait fallu attendre aussi longtemps pour sanctionner l'incompétence notoire de Brice Hortefeux et l'irresponsabilité dont il faisait trop souvent preuve interroge aussi sur la façon dont il convient de choisir ses  amis .

Mais pour s'en tenir au plan politique, ce qui apparaît le plus important est l'affaiblissement confirmé de l'autorité de Nicolas Sarkozy ; affaiblissement que sa déclaration de dimanche soir ne parvient pas à masquer. Qu'il en soit réduit à habiller par des considérations géostratégiques un remaniement que seules les circonstances lui imposaient et qu'il veuille, contre toute la tradition de la Ve République, l'annoncer lui-même en dit long.

Déjà au mois de novembre, cela avait été remarqué.

Faisons le compte des fourches caudines sous lesquelles il avait alors dû passer : il lui avait fallu se séparer d'un certain nombre de  trophées de l'ouverture  dont l'expérience s'était avérée malheureuse ; il avait dû accepter le retour d'Alain Juppé et lui confier un ministère régalien (la Défense) ; il avait dû plier devant François Fillon en le reconduisant comme Premier ministre parce que c'est lui qui, en fin de compte, est devenu le véritable chef de la majorité parlementaire ; enfin il avait dû consentir à confier les clés de l'UMP à Jean-François Copé dont on peut être sûr qu'il n'hésitera pas à commettre un  parricide  politique le jour où la satisfaction de ses ambitions l'exigera...

Voilà qu'à peine trois mois après un remaniement qui devait être le dernier avant les élections présidentielles, Nicolas Sarkozy doit réattribuer trois des plus importants portefeuilles ministériels.

Et voilà qu'il doit accepter les exigences de ceux auxquels il est contraint de faire appel ; en l'occurrence celles d'Alain Juppé qui a obtenu que Claude Guéant cesse de se mêler de diplomatie parallèle et, par conséquent, quitte ses fonctions de secrétaire général de l'Élysée.

Au demeurant, le nouveau ministre des Affaires étrangères avait quelques bonnes raisons pour cela : l'interventionnisme diplomatique de la présidence a plutôt accumulé échecs et pataquès depuis le début du quinquennat. Que l'on songe à l'affaire des infirmières bulgares et aux contreparties politiques délirantes qu'il avait fallu consentir au colonel Kadhafi ; ou à la vente des avions Rafale au Brésil qui nous vaut une rebuffade à peine camouflée après que l'on se soit beaucoup compromis avec le président Lula ; ou à l'Union pour la Méditerranée, concept mort-né parce que pétri de contradictions et dont les piliers étaient précisément les despotes arabes que leurs peuples viennent de renverser ; ou à la désastreuse affaire Cassez qui débouche sur une crise majeure avec le Mexique dont nous avons allègrement piétiné la souveraineté et mis en danger les efforts méritoires de lutte contre les mafias, pour une personne dont le dossier semble quand même assez chargé.

Ayant dû envoyer Claude Guéant place Beauvau pour reprendre en mains le ministère de l'Intérieur, il rencontre à présent des difficultés à le remplacer dans la fonction cruciale de secrétaire général de la Présidence de la République ; peut-être parce que la fin de règne anticipée par beaucoup refroidit les volontaires ; peut-être aussi parce que rares sont ceux qui s'accommodent d'un mode de fonctionnement présidentiel problématique.

Au moment où, précisément, le monde bouge à sa porte et où la France exerce des responsabilités internationales importantes avec la présidence du G20, cet affaiblissement de l'autorité du Président de la République ne peut que nous inquiéter.

 

Sur ce sujet :
Remaniement : l'heure des costauds, 4 mars 2010

 

 

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