L’Occident peut-il et veut-il encore faire la guerre ?

Source [Conflits] : Depuis un demi-siècle, l’Occident perd la plupart des guerres qu’il conduit. Le bilan mitigé des interventions occidentales en Afghanistan et au Sahel montre que, paradoxalement, la nation la mieux équipée militairement et la plus nombreuse n’est pas forcément celle qui gagne la guerre. Ces échecs sont-ils une malédiction, un accident de l’histoire ou révèlent-ils un déclin de la puissance militaire occidentale ?

L’Iliade nous offre une certitude : la guerre est la grande affaire de l’homme. Cette activité humaine – la plus vieille et la plus éternelle – a progressivement changé de visage, que ce soit au niveau des techniques employées, des acteurs impliqués ou des buts poursuivis. Mais ses métamorphoses ne sauraient masquer la permanence du phénomène. Pour reprendre Raymond Aron, la guerre est bien « de tous les temps historiques et de toutes les civilisationsAvec des haches ou des canons, des flèches ou des balles, des explosifs chimiques ou des réactions en chaîne atomiques, de près et de loin, isolément ou en masse, au hasard ou selon une méthode rigoureuse, les hommes se sont entre-tués, mettant en œuvre les instruments que la coutume et le savoir des collectivités leur offraient[1]. »

D’une guerre à l’autre : la permanence de la guerre

On la croyait révolue, elle n’avait pas disparu. Le conflit en Ukraine dure depuis 2014. En France, les attentats djihadistes ont scandé l’actualité depuis 2015, conduisant les responsables politiques à parler de guerre. Les interventions extérieures menées par les démocraties se multiplient depuis les années 1990, tandis que sévissent des guerres civiles (Yémen, Syrie, Soudan, etc.). Pour Hobbes, la violence est au fondement de la société naturelle des humains. La guerre en est la manifestation politique organisée.

Cependant, depuis un demi-siècle, les conflits sont marqués par un paradoxe majeur. Si les affrontements se multiplient, les opérations menées par les armées occidentales ne produisent le plus souvent que des résultats ambigus, loin des objectifs fixés. En Afghanistan, 2 000 milliards de dollars dépensés en vingt ans d’efforts et près de 100 000 soldats américains mobilisés n’ont pas réussi à venir à bout des talibans. Barkhane et ses 5 100 soldats, en sus des armées nationales, ont été impuissants à enrayer la progression d’une poignée de groupes armés terroristes au Sahel. Certes, des interventions ont pu être menées en Irak et en Libye, mais le résultat ne fut pas celui escompté, tandis que la présence de forces armées occidentales en Centrafrique ou au Mali n’a pas permis d’imposer une paix durable dans ces régions ruinées par la violence.

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