Il est difficile de rendre hommage par écrit à un grand musicien. La mort de John Barry, le 30 janvier, a été justement saluée par les médias du monde entier, tant ce génie de la musique visuelle et cinématographique aura charmé notre ouïe et nos imaginaires depuis un demi-siècle.

 

Mais comme la mort de ce grand artiste a suivi de peu celle de l'acteur Tony Curtis, rendons-lui hommage à travers l'évocation de la série Amicalement vôtre (photo) qui a fasciné par son générique et son concept des générations de jeunes téléspectateurs.

La série rassemble deux grands aventuriers sociaux, deux aristocrates, l'un des affaires l'autre de naissance. Les deux compères s'adonnent à Monaco aux plaisirs des jolies femmes, de la boisson et de la bagarre ; jusqu'à ce qu'un juge en retraite, un prud'homme, comme on dirait dans la littérature arthurienne, leur fasse la morale et les contraigne à entrer dans la lutte du beau, du bien et du vrai.

On les voit ainsi sortir de la  récréance  et affronter les grands méchants loups du capital international, défendre la jeune héritière spoliée ou la vieille princesse russe ruinée (inoubliable héritage Ozerov). On les voit même empêcher un coup d'État dans l'Angleterre des années soixante-dix ; le chef des conjurés, qui veut un coup d'extrême-droite, est un ami de Lord Sinclair, joué par Roger Moore, que j'ai le plaisir de rencontrer parfois sur la place du Casino à Monaco, et dont je recommande les intéressantes mémoires, publiées par les éditions de l'Archipel.

Des hommes libres

C'est ici que l'on voit les valeurs de droite que défendait cette série : l'aristocratie, la chevalerie, la défense de la veuve et de l'orphelin ; mais aussi la lutte contre un capitalisme brutal et sans conscience – les pétroliers, les spéculateurs immobiliers entre autres; le tout sur un fond d'hédonisme et d'humour, qui est un apanage des Bohemian tories défendus par Russell Kirk par exemple.

Les partisans de Charles le disaient d'ailleurs à ceux de Cromwell :  Vous avez le vice des idées, nous avons celui des femmes et du vin, qui est celui des hommes libres. C'est ainsi que cette série culturellement très à droite, ce qui est assez rare pour être noté, a pu exercer sa magie au cours des dernières décennies, servie par un fabuleux générique qui aura fait rêver tous les enfants (être lord, devenir un winner, un sportif, un milliardaire, et mener la  belle vie  comme disait l'autre), et enchanté toutes nos promenades en Morgan ou Ferrari. Mais je m'égare.

La série n'a en effet durée qu'une saison, car elle ne plaisait pas au public américain d'ABC, sans doute trop béotien pour accepter l'humour des deux compères. Il est vrai que dans l'épisode Un ami d'enfance, Lord Sinclair charge durement les Yankees, accusés d'avoir volé les sports, la langue et même les colonies de la royale Angleterre ; il le fait cette fois sans pratiquer le second degré.

Conçue au début des années soixante-dix, Amicalement vôtre n'était peut-être pas faite pour traverser une décennie aussi gauchiste et  collectiviste , comme disait mon vieux maître Paul Johnson. Dans ses mémoires, Roger Moore insiste aussi sur le fait que la programmation avait été mal faite, et qu'il devait se consacrer à son rôle majeur de 007. C'est ici que l'on retrouve John Barry, concepteur magicien des thèmes de la série des Bond et des plus charmantes et reconnaissables bandes sonores de l'histoire du cinéma. Je mets personnellement la musique de Moonraker, avec notre Michel Lonsdale national, dans le rôle du méchant, au-dessus de toutes.

Curtis, un grand du classique

Il me reste à saluer en terminant la mémoire de Tony Curtis, acteur phare des enfants de ma génération, aussi remarquable dans Spartacus que dans Taras Boulba, tourné dans la région de Salta en Argentine, où j'ai eu le bonheur de résider. Le rassemblement de la chevauchée des cosaques de Gogol, exécutée de main de maître par les gauchos de l'armée argentine d'alors, est une des plus belles de l'histoire du cinéma.

Acrobate, athlète et cavalier, humoriste patenté, Tony Curtis aura été vraiment un grand personnage de la fin de l'âge classique du cinéma. Dans ses mémoires, Roger Moore ajoute même que ce grand acteur avait été étonné par la popularité des acteurs de série télé, par exemple le Saint. On était à Monaco, et l'on ne reconnaissait que Moore, et plus la star du début des années soixante. On était déjà dans l'ère de la médiocrité et du présent permanent.

Acta erat fabula, comme dirait le clown Auguste, et chapeau les artistes.

 

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