Il a été largement fait état des raisons pour lesquelles l'accord intervenu entre les chefs d'État européens, et principalement ceux de la France et de l'Allemagne, pouvait difficilement être tenu pour un succès. Le recours partiel au FMI est une démarche humiliante pour l'Europe, première puissance économique du monde, qui apporte la preuve qu'elle n'arrive pas à régler elle-même ses problèmes.

L'Allemagne a confirmé son refus d'une solidarité étendue au sein de la zone euro. Cette attitude ne reflète pas seulement la doctrine de ses dirigeants mais l'attitude d'une opinion publique particulièrement remontée à l'encontre des pays du Sud qualifiés peu aimablement de PIGS (Portugal, Italie, Grèce, Espagne). Curieusement, l'euro, en soulignant la divergence de gouvernance et de culture économiques, jadis neutralisée par les changements de parité, alimente les rancoeurs entre les pays de la zone. Moins assuré qu'on le croit à l'extérieur, le gouvernement d'Angela Merkel est obligé d'en tenir compte.
Des problèmes apparaissent dans d'autres pays comme le Portugal, lequel, une semaine après une grève massive des fonctionnaires, a vu sa notation dégradée.
Enfin, comment ignorer qu'il y a loin des engagements de rigueur du gouvernement grec à leur réalisation ? Les mêmes causes qui ont entraîné la dérive des finances publiques de ce pays (guère plus graves en soi que celles de beaucoup de pays de la zone euro ou de l'Angleterre) vont rendre difficile leur redressement. Quand un coureur de marathon a pris un large retard par rapport au peloton de tête, il est vain d'attendre que le volontarisme lui permettra de revenir en fin de course. Comment espérer d'ailleurs que les Grecs consentent un effort que notre gouvernement n'ose même pas demander aux Français, alors que, plus faibles, les Grecs voient ces efforts grevés par les marchés d'un intérêt plus lourd sur leurs emprunts ?
La vraie question n'est pas le déficit budgétaire
Mais la vraie question, et c'est là que le problème grec se complique, n'est pas le déficit des finances publics ; il est le déficit des comptes extérieurs du pays. Ce déficit a une cause : la dérive, non point des dépenses de l'État, mais des prix et des salaires grecs au cours des dernières années, qui dépasse de 40 % celle qu'a connue l'Allemagne, de 10 à 20% celle des autres pays.
La situation est si grave que l'économie grecque n'est plus compétitive sur aucun produit : même les olives importées sont moins chères à Athènes !
La question des finances publiques pourrait à la rigueur se résoudre avec une baisse d'environ 5 % des salaires et des retraites (complétée par une hausse des impôts). Mais pour que le pays dans son ensemble soit à nouveau compétitif, ce n'est pas 5 % de baisse qu'il faudrait mais 30 ou 40 % .
Une baisse autoritaire des prix et des salaires, c'est ce qu'on appelle la déflation. Le gouvernement Laval tenta de l'imposer sans succès à la France en 1934. L'Allemagne se l'est, dans une moindre proportion, imposée à elle-même depuis 2000. Il en résulte un déficit de tous les autres pays de la zone euro à son égard. Si tous ces pays l'imitaient et décidaient de se lancer eux aussi dans une déflation massive, l'Europe sombrerait dans une récession beaucoup plus grave encore que celle qu'elle connaît.
On ne voit pas comment le gouvernement grec pourrait envisager d'imposer une telle cure d'austérité à sa population. La compétitivité de l'économie grecque va donc encore reculer, sa production encore diminuer, sa masse imposable de rétrécir et le déficit des finances publiques s'aggraver.
Il n'y aura à la fin, quoi que racontent les autorités européennes ou les experts qui confondent l'idéologie et les réalités économiques, d'autre solution que la sortie de l'euro. Une solution qui, certes, sera aussi très douloureuse pour les Grecs, mais posera, à partir de parités plus réalistes, pour l'économie grecque et d'autres après elle, les bases d'un vrai redressement.
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