Réussite scolaire : le faux impact des effectifs
Article rédigé par Jean-Baptiste Noé*, le 10 décembre 2010

L'OCDE a publié mardi 7 décembre son enquête tri-annuelle Pisa [1] sur le niveau scolaire des élèves de 65 pays. La France pointe a un rang très moyen. D'autres études ministérielles récemment parues confirment les défaillances du système français, dont les causes sont multiples. Régulièrement avancé, l'impact des effectifs ne pèse pas systématiquement sur les résultats. LP.

Existe-t-il un lien entre les effectifs en classe et la réussite scolaire des élèves ? Est-ce que moins d'élèves en classe signifie forcément un meilleur niveau scolaire ? Comme pour toute question ayant trait à la pédagogie, la passion est forte et balaye souvent la raison des faits.
Dans les grands lycées d'Île-de-France, les effectifs des classes tournent autour de 40 élèves. Dans les ZEP de la même région, ils sont plutôt de l'ordre de 20 élèves. Pourtant, ce sont dans les premiers que l'on réussit le mieux. La question est donc posée de savoir si l'effectif en classe à un impact positif sur la réussite des élèves.
Des études convergentes
Trois études, venant de trois milieux différents, permettent d'y voir plus clair sur ce sujet.
La première est issue du rapport annuel de l'OCDE-l'Organisation pour la Coopération et le Développement en Europe. Dans son Regards sur l'éducation de 2010 l'OCDE a étudié et analysé les systèmes scolaires des pays européens et des pays développés du monde. L'organisation a voulu comprendre qu'elles étaient les facteurs de réussite scolaire. Il ressort de cette étude qu'il n'y a pas de lien entre effectif et réussite. L'OCDE démontre qu'en France, en Belgique ou en Australie, les établissements privés sont très nombreux, que leurs effectifs en classe sont supérieurs à ceux des écoles d'État, et que ce sont pourtant ces établissements qui ont les meilleurs résultats scolaires.
La deuxième étude est le fruit d'un travail de Thomas Picketty, directeur de l'école d'économie de Paris, et de Mathieu Valdenaire, directeur d'étude à l'EHESS. Dans un rapport de 2006, remis au ministre de l'Education nationale, ils concluent que les faibles effectifs par classe sont utiles dans les zones défavorisées, avec des élèves qui ont des difficultés, car ils constatent alors une amélioration de 14% des résultats pour les élèves du primaire. Mais ce chiffre tombe à 10% pour les collégiens, et à 3% pour les lycéens de ZEP, ce qui démontre bien que la réussite scolaire ne dépend pas des effectifs. D'ailleurs, dans des établissements accueillant des élèves doués ou sans difficulté, Picketty et Valdenaire concluent que la réduction des effectifs n'influe pas sur la réussite scolaire.
La troisième étude émane du laboratoire en science de l'éducation de l'université de Grenoble. Les chercheurs de cette université ont montré que la réduction des effectifs avait un impact significatif pour les élèves du primaire issus de milieux défavorisés, mais que, pour ces mêmes élèves, l'impact positif était très restreint au collège, et quasi nul au lycée. L'étude conclut que la réussite scolaire ne dépend pas des effectifs en classe, mais de la qualité des professeurs, et des méthodes pédagogiques.
Retour au réel
Que conclure de ces trois études ? D'abord qu'elles émanent de milieux variés, mais qu'elles ne se contredisent pas, au contraire, elles vont dans le même sens. Elles démontrent toutes que la réduction des effectifs améliorent les résultats scolaires seulement au primaire, et pour une population d'élèves qui est issue de secteurs défavorisés, type ZEP. Pour les autres, cela ne joue pas. Au collège, et encore plus au lycée, moins d'effectifs en classe ne signifie pas plus de réussite, aussi bien pour les élèves de ZEP que pour les élèves d'autres établissements.
Le fait que les deux dernières études démontrent cela, alors même qu'elles viennent d'institutions qui ont été le fer de lance du pédagogisme — et la réduction des effectifs est un des leitmotiv de cette école destructrice de l'éducation —, témoigne du changement important qui est en train de s'opérer dans le milieu éducatif, avec un retour au réel et au bon sens de plus en plus prégnant.
La réduction des effectifs d'élèves en classe figure toujours parmi les revendications des syndicats de l'éducation, mais c'est une revendication qui ne repose sur aucun fait tangible. Comme souvent, on cherche à augmenter les moyens financiers, avant de s'interroger sur la validité des procédés pédagogiques.
Finalement, quelles sont alors les conditions de la réussite des élèves ? Ces études en citent deux de façon claire, et une troisième en creux de leurs conclusions.
Les deux premières conditions sont la qualité et la motivation du corps professoral, ainsi que les méthodes pédagogiques employées. La troisième est qu'un élève a plus de possibilité de réussir s'il se trouve dans une classe dont le niveau est à sa mesure. Ce qui compte, ce n'est donc pas tant l'effectif des classes, que l'ambiance de travail, la bonne camaraderie et le bon niveau scolaire des autres élèves.

*Jean-Baptiste Noé est historien, professeur de lycée, directeur de la revue Cantate. Dernier ouvrage paru, Histoire du Vin et de l'Eglise, 2010.
[1] Programme international pour le suivi des élèves.
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