Responsabilité collective : Alain Minc vs Benoît XVI
Article rédigé par Roland Hureaux, le 31 août 2010

Invoquer la Shoah pour défendre les expulsions de Roms décrétées par le président de la République, tel est l'artifice rhétorique auquel sera parvenu Alain Minc ! Rivalisant avec Frédéric Lefebvre [1], l'essayiste est devenu le porte-flingue de Nicolas Sarkozy.

C'est une récidive. On se souvient de la salve d'une rare bassesse que le même avait l'an dernier envoyée à François Bayrou ; il ne l'attaquait ni sur ses propos, ni sur ses actes, mais sur ce qu'il était : démocrate-chrétien, béarnais et fils de paysan. Cela suffisait pour qu'il soit aux yeux d'Alain Minc suspect d'être un Le Pen light (sic). Attaquer quelqu'un sur ce qu'il est et non ce qu'il dit ou fait, n'est ce pas une définition du racisme ?

D'autres ont traité Chevènement de pétainiste parce qu'il défendait l'indépendance nationale. Ne pas adhérer sans réserve à l'ultralibéralisme mondialiste, et c'est la reductio ad hitlerum. J'ai entendu une fois quelqu'un de la même mouvance, pas le plus inspiré il est vrai, dire que quelque part , De Gaulle était pétainiste ...
Après Bayrou, Alain Minc vise plus haut : il s'en prend cette fois au pape. Étant allemand, Benoît XVI n'aurait pas le droit de rappeler à un groupe de pèlerins qu'il faut savoir accueillir les légitimes diversités humaines . Notons qu'il n'a évoqué explicitement ni la France ni son président : mais il a apparemment suffi qu'il le dise en français pour que la Sarkozie se sente morveuse.
On ne reviendra pas sur le grand débat de la culpabilité du peuple allemand, ni sur l'attitude de Joseph Ratzinger vis-à-vis du nazisme. Aurait-il fallu interdire de parole les organisateurs de l'opération Walkyrie, destinée à assassiner Hitler, ou leurs descendants, presque tous catholiques ? Après une enquête approfondie, qui dans son principe était sans doute inutile, Libération a conclu que le pape n'avait pas été nazi ; d'une famille et d'un village opposés au nazisme, enrôlé de force dans les Jeunesses hitlériennes comme tous les enfants des écoles, il fit l'objet de quolibets et bousculé quand on y apprit qu'il voulait devenir prêtre. D'ailleurs, du point de vue catholique, celui qui devient pape cesse d'être d'une nation pour n'appartenir plus qu'à l'Église universelle.
Mais le principe de la responsabilité collective, n'est-ce pas précisément une des justifications de tous les génocides ?
Responsabilité collective
C'est ce principe de la responsabilité collective que Nicolas Sarkozy a appliqué aux Roms : un groupe de gens du voyage français attaque une gendarmerie (ce qui, soit dit en passant, au témoignage de vieux gendarmes, n'est pas un fait nouveau), on expulse les Roms étrangers qui n'y sont pour rien pour faire des effets de muscles. Mais, pour raisonner comme Alain Minc, du simple fait qu'ils sont Roms, ils n'ont sans doute rien à dire après ce qui s'est passé à Saint-Aignan. Si ce n'est toi, c'est donc ton frère ou bien quelqu'un des tiens.
Si le pape a visé Sarkozy — on peut en effet interpréter ses propos comme cela —, il n'a eu qu'un seul tort : faire trop d'honneur à ce qui apparaît en définitive comme une pantalonnade. De fait, on fait semblant de les expulser puisque ils touchent un pécule pour partir volontairement . Moins que du racisme, il s'agit de bêtise, puisque ces mesures, totalement à côté des vrais problèmes et dont l'opinion n'est pas dupe, ne visent qu'à masquer une immense impuissance. Leur logique n'en est pas moins condamnable.
[1] Porte-parole de l'UMP.

 

 

 

Ce qu'a dit le pape
[Castel Gandolfo, angelus du dimanche 22 août] — Pour saisir ce qu'a voulu dire Benoît XVI dans ses propos qui ont été repris et interprété très largement, il faut reprendre l'ensemble de son intervention, et respecter son registre. Comme chaque dimanche, après l'angelus, le pape prononce en huit langues, dont le français, une brève homélie pour commenter les textes de la messe du jour. Ce dimanche, les catholiques fêtaient la Sainte Vierge sous le vocable de Marie Reine et lisaient l'Évangile selon saint Luc (13,22-30).
Benoît XVI a rapproché les deux thèmes : Oui, a-t-il dit, il y a des derniers qui seront premiers, et il y a des premiers qui seront derniers (Lc 13, 30). Ainsi, la Vierge est l'exemple parfait d'une telle vérité évangélique, que Dieu donc abaisse les superbes et les puissants de ce monde et relève les humbles (cf. Lc 1, 52). Après avoir prolongé sa méditation sur l'exemple de Marie ( Marie est la première à être passée à travers la "voie" ouverte par le Christ pour entrer dans le Règne de Dieu, une voie accessible aux humbles, à tous ceux qui se fient à la Parole de Dieu et s'engagent à la mettre en pratique , Benoît XVI a indiqué en français que les textes liturgiques du jour redisent que tous les hommes sont appelés au salut : C'est aussi une invitation à savoir accueillir les légitimes diversités humaines, à la suite de Jésus venu rassembler les hommes de toute nation et de toute langue.
Étrangers : ce que dit l'Église
[Catéchisme de l'Église catholique, n. 2241.] — Les nations mieux pourvues sont tenues d'accueillir autant que faire se peut l' étranger en quête de la sécurité et des ressources vitales qu'il ne peut trouver dans son pays d'origine. Les pouvoirs publics veilleront au respect du droit naturel qui place l'hôte sous la protection de ceux qui le reçoivent.
Les autorités politiques peuvent en vue du bien commun dont ils ont la charge subordonner l'exercice du droit d'immigration à diverses conditions juridiques, notamment au respect des devoirs des migrants à l'égard du pays d'adoption. L'immigré est tenu de respecter avec reconnaissance le patrimoine matériel et spirituel de son pays d'accueil, d'obéir à ses lois et de contribuer à ses charges.

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