Pas d'"immigration choisie" légitime sans relance du co-développement
Article rédigé par Pierre de Compreignac, le 05 mai 2006

L'analyse du professeur Bichot à propos de la loi Sarkozy suscite l'adhésion[1], mais il y a un aspect important dans ce débat qui est souvent occulté : c'est celui du développement des pays de départ.

J'ai participé pendant dix-sept ans à des actions de développement dans vingt-cinq pays d'Afrique, et j'ai pu constater les principaux freins au développement.

Ces freins ne sont pas, du moins en premier lieu, le climat, les sols pauvres, la corruption, les traditions néfastes... le principal frein, c'est l'ignorance, que la colonisation a commencé à réduire, sans arriver au bout. La pauvreté, sous tous les climats, elle est d'abord dans les têtes : les astucieux s'en sortent toujours, et le premier devoir de la communauté internationale serait d'envoyer partout des instituteurs, de porter le principal effort sur l'éducation, les écoles, l'apprentissage des techniques. C'est ce que la France s'était efforcée de faire, nonobstant les campagnes de dénigrement dont elle a fait l'objet.

Or, qui sont les immigrants, les sans-papiers qui risquent tout, y compris leur vie pour venir en Europe, et principalement en France ? Ce sont souvent les plus habiles, les plus courageux, le plus entreprenants, précisément ceux qui vont le plus manquer au développement de leur pays. Ils vont venir à Paris balayer le métro, avec toutes les perspectives d'avenir que cela représente, mais leur permettra d'envoyer des mandats au village pour faire vivre la famille et rembourser les dettes liées au voyage vers la France.

 

Pendant ce temps-là, les pays d'Afrique manquent cruellement de cadres convenablement formés, et nous faisons un hold-up sur les forces vives de ces pays. L'immigration choisie ne fera qu'empirer une situation préoccupante, d'autant plus qu'elle s'ajoutera à l‘immigration clandestine.

J'ajoute que les jeunes qui passent le meilleur de leur vie loin de leur famille, sont coupés de leurs racines villageoises traditionnelles. Il y a au village africain un cadre social qui permet aux enfants et aux jeunes d'acquérir des valeurs qui font la société locale, alors qu'à Paris, la première chose qu'ils apprennent, c'est qu'"il est interdit d'interdire" et que les lois françaises leur donne des droits. Mais au village africain, il manque souvent l'école, et pratiquement toujours le centre d'apprentissage. Ceux qui arrivent au Bac (au rabais à cause du faible niveau), se tournent alors vers l'université locale, où la sociologie a les faveurs de tous, et fabrique des sans-emplois.

La priorité pour la communauté internationale est donc de porter un effort particulier sur l'éducation, les emplois d'artisans. Pour être efficace rapidement, l'aide internationale doit aussi se porter vers le soutien de l'enseignement confessionnel, sous contrôle de l'État ou d'une agence de développement. L'enseignement catholique a fait depuis longtemps la preuve de son efficacité et de sa valeur, mais souffre beaucoup de la pauvreté grandissante de la population.

Pour finir, une suggestion : ne pourrait-on créer une fondation privée de soutien à l'enseignement catholique dans ces pays délaissés ?

Pour en savoir plus :

■ Le Projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration, n° 2986, déposé à l'Assemblée nationale le 29 mars 2006

■ Notre dossier Immigration

Note[1] "Immigration, parlons vrai", Décryptage, 28 avril 2006

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