L'affaire Galilée : la vraie et celle de Dan Brown
Article rédigé par Bruno Rondet, le 06 mai 2009

L'affaire Galilée est une tache indiscutable dans l'histoire de l'Église, c'est pourquoi Dan Brown l'utilise comme rampe de lancement pour mettre son scénario sur orbite. Cette référence crée un effet de réalité autour du roman.

Que s'est-il réellement passé en ce mois d'avril 1633 ?
Ce fut une affaire tordue et embrouillée : au premier plan il y a des questions de personnes et des jalousies d'universitaires. C'est ce que l'on a retenu. Mais la clé du jugement de Galilée n'est pas là, car elle est essentiellement politique. C'est un montage politique. Le pape, par ce moyen, désirait contrer des pressions internationales dont il était l'objet et mettre le catholicisme à l'abri d'un danger menaçant. D'où ce résultat invraisemblable à première vue, d'un savant pleinement catholique condamné, sur un prétexte religieux, par un tribunal de sa propre Église, alors que le pape est l'un de ses amis...

Cette hypothèse d'un montage politique repose sur des indices solides :

- Une procédure judiciaire anormale, imposée par le pape, comme pour pré-programmer une sentence bénigne de l'Inquisition. À quoi devait servir cette sentence ?

- Une entrevue mystérieuse entre le père Maculano et Galilée, entraînant le retournement de ce dernier (comme si l'inquisiteur lui avait expliqué qu'il fallait jouer le jeu pour des raisons supérieures). 

Nos doutes se renforcent lorsque nous observons l'attitude du pape Urbain VIII dans les jours qui suivent. Son premier soin est de proclamer le verdict sur la scène politique internationale : Rome ordonne aux nonces de Madrid et de Vienne d'annoncer la condamnation de l'illustre savant à l'Empereur Ferdinand II et au roi d'Espagne Philippe IV. Pourquoi ?
Il n'est pas difficile aujourd'hui de reconstituer ce qui s'est passé. En ces temps difficiles, les papes sont des chefs d'Etat qui doivent manœuvrer entre toutes les puissances de l'Europe. Tâche proprement écrasante !
Au moment de l'affaire Galilée , l'Europe est ravagée par la guerre de Trente Ans. Les Impériaux, soutenus par l'Espagne, s'opposent aux princes protestants, qui sont soutenus par la France de Richelieu et la Suède de Gustave-Adolphe. Battue par les Suédois, la Sainte Ligue catholique austro-espagnole est dans une situation périlleuse. L'année 1633 est pour elle l'année de tous les dangers.
Urbain VIII se sent enfermé dans un piège depuis que le catholique Richelieu s'est allié aux protestants. Le pape est francophile, mais cela devient compromettant. Au moment où les armées protestantes (soutenues par Paris) menacent de détruire les trônes catholiques d'Europe centrale, le chef de l'Église doit montrer d'urgence qu'il n'est pas le complice du cynisme de Richelieu. En effet, au consistoire de mars 1632, le cardinal Gaspard Borgia, ambassadeur d'Espagne, avait fait un esclandre en donnant lecture – à tous les cardinaux présents – d'un document accusant le pape de protéger les hérétiques. Il l'avait mis en demeure d'apporter la preuve qu'il était animé du même zèle apostolique que ses prédécesseurs. Un pape protecteur d'hérétiques doit être déposé , avait menacé un autre cardinal du parti espagnol à Rome.
Des rumeurs d'empoisonnement couraient au Vatican. Les carnages et les pillages de Rome en 1527 par les Allemands de Charles-Quint n'étaient pas si lointains. Il fallait donc enlever à Philippe et à Ferdinand tout prétexte d'invasion et montrer que le pape ne protégeait aucun hérétique. Il fallait donc en trouver un, si possible très connu, et le condamner pour l'exemple. C'est à ce moment critique que se présente l'affaire du livre Dialogue de Galilée. Condamner un aussi célèbre savant, c'était montrer à toute l'Europe que le pape ne plaisantait pas. Et comme Galilée était devenu l'ennemi des jésuites, qui étaient le fer de lance de la Contre-Réforme, en le frappant le pape faisait coup double, car il leur donnait satisfaction.

L'Histoire reprochera au pape urbain VIII d'avoir commis, pour un calcul politique à court terme, une faute intellectuelle et morale dont l'écho résonne encore aujourd'hui.
La version Dan Brown
Bien entendu, l'histoire racontée par Anges et Démons n'a rien à voir avec la réalité historique de 1633. Passée au mixeur sans scrupules de Dan Brown, méconnaissable, elle sert de point de départ à une gigantesque affabulation. Galilée le catholique devient un ennemi de la religion et son procès un procès de la science. Ces deux affirmations sont totalement erronées.
Que décrit-il ? Du bon côté la science naissante. De l'autre le pape et les cardinaux. Pour eux, le problème est que l'Église repose sur les miracles (des miracles de papier : Jésus marchant sur l'eau), mais que la science se met à accomplir de vrais miracles, vérifiables, visibles, contemporains ! Que faire pour que dans quatre cents ans la science ne détrône pas la religion ?
C'est d'ailleurs ce que nous voyons aujourd'hui dit Dan Brown : stations spatiales, ordinateurs, vaccins, voilà les miracles modernes. Quel besoin avons-nous de Dieu ?
Donc au XVIIe siècle, l'Église a voulu écraser la concurrence dans l'œuf. C'est l'affaire Galilée. Ce fut le début d'une guerre de trois cents ans entre le Vatican et les Illuminati, dont tenez-vous bien, Galilée était le Grand-Maître !
Le héros, Robert Langton explique :

Galilée ne considérait pas science et religion comme des ennemies, mais plutôt comme des alliées, deux langages différents pour dire une même histoire, une histoire de symétrie et d'équilibre [...]. La science et la religion traduisaient toutes deux un principe de symétrie divin, le perpétuel antagonisme de la lumière et de l'obscurité [...] Malheureusement, l'unification de la science et de la religion n'était pas ce que voulait l'Église.

Aveu merveilleux de l'auteur qui signe ainsi l'origine de son attaque : ce manichéisme New Age était bien entendu totalement étranger au savant catholique Galilée. Dan Brown est tout simplement un gnostique.
Le vrai Galilée
Ce qu'a dit Galilée annonçait, avec une avance considérable ce qu'allaient dire les exégètes catholiques du XXIe siècle. Il a déclaré explicitement que les deux vérités, de foi et de science, ne peuvent jamais se contredire. L'Esprit saint, par la Bible, nous dit comment l'on va au Ciel, et la science comment va le ciel. Il y a chez Galilée, fondateur de la physique moderne, des intuitions philosophiques que reprendra l'Église au concile Vatican II.
Le principal écueil à éviter lorsqu'on étudie l'histoire est l'anachronisme. En 2009, nous savons tous que Galilée avait raison, mais personne au XVIIe siècle ne pouvait en être certain et deux mille ans de pensée humaine jouaient contre lui. Aucun chercheur moderne ne donnerait tort aujourd'hui au cardinal Bellarmin d'avoir demandé par prudence à Galilée d'appeler hypothèse son ... hypothèse. Mais l'opposition polémique avec laquelle le savant soutenait sa théorie ne pouvait que durcir l'opposition de ses pairs. En l'absence de preuves scientifiques irréfutables, il n'émettait qu'un acte de foi en une vérité qui n'était encore que sa vérité. Dès lors, il ne faut pas s'étonner que tout le monde ne l'ait pas suivi. À la même époque, Kepler, qui est le véritable fondateur de l'astronomie, n'est pas inquiété, parce qu'il sait s'en tenir à la stricte rigueur scientifique dans l'attente de preuves expérimentales.

 

 

Voir notre dossier Anges et Démons :

 

Sources :

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