Afrique : un synode très politique
Article rédigé par Jean Flouriot, le 30 octobre 2009

L'assemblée spéciale du synode des évêques pour l'Afrique s'est conclue samedi 24 octobre par la remise au Saint-Père de 57 propositions à partir desquelles Benoît XVI rédigera un document destiné non seulement à l'Afrique mais à l'Église universelle. Les thèmes du Synode : Réconciliation, paix et justice en Afrique , concernent en premier lieu les Africains mais aussi les chrétiens du monde entier et la communauté internationale.

L'essentiel des propositions concernent ces trois thèmes.
Réconciliation : politique et liberté religieuse
C'est la grâce de Dieu qui nous donne un cœur nouveau et qui nous réconcilie avec lui et avec les autres. Essentiel à la réconciliation est le sacrement de réconciliation (Pr. 5). Les cérémonies traditionnelles de réconciliation ne seront rien sans la grâce du sacrement qui permet de surpasser toutes les formes d'allégeance au clan et au parti politique .
Les divisions des chrétiens sont un obstacle à la réconciliation et le synode encourage à la formation d'associations œcuménique pour sauvegarder les intérêts des chrétiens dans un État moderne pluriel . Le dialogue avec l'islam insistera sur le droit à l'exercice du culte et celui avec la religion traditionnelle sur la lutte contre la sorcellerie. Les Pères du synode sont sensibles à la politisation des religions et comptent sur le dialogue interreligieux pour l'élimination de l'intolérance et de la violence.
Justice : les exigences du bien commun
Au nom de la justice, les pères synodaux rappellent le service du bien commun . Les gouvernants ont le devoir d'assurer la sécurité dans la société. L'insécurité qui domine les sociétés africaines accroît migrations et fuites des cerveaux qui augmentent la pauvreté. Celle-ci ne pourra disparaître sans des politiques adéquates garantissant l'autosuffisance alimentaire et des programmes d'éducation adaptés aux besoins de la société. Le synode engage les États à la prudence vis-à-vis de leur endettement. Le synode consacre une proposition au Protocole de Maputo , inacceptable dans sa promotion de l'avortement.
Paix : capital humain
Le synode souhaite une initiative africaine de paix et de solidarité avec l'appui du Conseil pontifical pour la Justice et la Paix. La paix passe par la bonne gouvernance : les pères synodaux invitent les dirigeants africains à faire respecter le bien commun au-delà des intérêts de la famille, du clan, du groupe ethnique ou du parti politique et invitent avec insistance les conférences épiscopales à établir des organes de plaidoyer auprès des institutions politiques et à soutenir le Mécanisme africain d'évaluation par les pairs [1] à l'intérieur de l'Union africaine.
Trop de peuples sont la proie de gouvernants qui les traitent comme du butin de guerre . Les 15 millions de migrants du continent africain révèlent les injustices sociopolitiques et les crises de certaines régions d'Afrique [...] ; la migration est un drame multidimensionnel qui affecte tous les pays, provoquant la déstabilisation, la destruction des familles et une perte pour le capital humain de l'Afrique . Le synode s'insurge contre les politiques d'immigration discriminante à l'égard des Africains mais il demande aussi aux gouvernants africains de créer le climat de sécurité et de liberté et les programmes de développement capables de dissuader leurs citoyens d'abandonner leur maison et de devenir des réfugiés .
La paix passe aussi par le respect de la nature et de ceux qui en vivent. À l'heure des achats de millions d'hectares par des investisseurs étrangers, que le Synode considère comme une agression , le synode en appelle avec urgence à tous les gouvernements de s'assurer que leurs citoyens sont soient protégés contre un éloignement inique de leurs terres et l'accès à l'eau .
Église : défense de la femme
Les Pères synodaux consacrent ensuite de nombreuses proposition à la vie interne de l'Église en Afrique : promotion des Communautés ecclésiales vivantes (CEV), défense de la famille, situation des prêtres africains travaillant en dehors de leur diocèse, discernement de la motivation des séminaristes, catéchèse, vie consacrée.
Une place particulière est faite au traitement injuste réservé aux femmes dans la société. Les pères synodaux sont aussi attentifs aux violences faites aux enfants et aux personnes handicapées. Enfin, ils évoquent les fléaux que sont le Sida, le paludisme, la drogue et l'alcool et appellent à des soins de qualité pour tous.
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Le Synode n'a guère intéressé les médias : l'Afrique leur importe peu. Pour l'Église, c'est le continent de l'Espérance où malgré des conditions de vie difficiles, elle connaît sa croissance la plus importante. Pour nous, chrétiens de France, attachés par notre histoire à l'Afrique, entendons l'appel de Benoît XVI à Luanda :

Les habitants de ce continent demandent à juste titre une conversion profonde, authentique et durable des cœurs à la fraternité. Leur exigence [...] est avant tout celle-ci : soyez à nos côtés de façon vraiment humaine, accompagnez-nous, ainsi que nos familles et nos communautés !

[1] Le mandat du MAEP (Mécanisme africain d'évaluation entre pairs consiste) à s'assurer que les politiques et pratiques des États parties sont conformes aux valeurs convenues dans le domaine de la gouvernance politique. Le MAEP est un instrument accepté mutuellement par les États parties pour leur auto-évaluation.

 

 

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