Le Téléthon et l'embryon : reprendre la main
Article rédigé par Philippe de Saint-Germain, le 24 septembre 2008

LIBERTE POLITIQUE n° 41, été 2008.

Par Pierre-Olivier Arduin. LE QUESTIONNEMENT aujourd'hui bien connu sur l'orientation d'une partie des dons récoltés par le Téléthon en faveur de la recherche sur l'embryon a pris lors des dernières éditions une ampleur nationale, agitant durablement le monde de la bioéthique française.

Ce qu'il est convenu d'appeler la controverse du Téléthon a permis, contre toute attente et avec une audience inédite, l'émergence dans l'espace public de problématiques éthiques qui étaient jusque là restées confinées à des cénacles de spécialistes. Il est notoire en effet qu'en dehors de quelques parlementaires maîtrisant peu ou prou le sujet, la loi bioéthique du 6 août 2004, révisant celle de 1994, fut acquise à l'époque sans grands débats. Evénement politique , cristallisation bioéthique , la polémique sur le Téléthon a en effet concentré des interrogations liées à de nombreux enjeux gravitant autour de la biomédecine appliquée à l'embryon. Parmi celles qui ont surgi avec force, j'en retiendrai particulièrement deux, emblématiques de la réflexion bioéthique contemporaine.
En premier lieu, la question brûlante d'un possible retour de l'eugénisme dans des sociétés où le dépistage est en passe de devenir un dogme.
Le second point concerne les recherches sur l'embryon humain in vitro, dont nous verrons que la contestation de leur financement direct par les donateurs a éclaboussé jusqu'à la législation française qui l'encadre.
C'est une vision utilitariste de l'homme, de l'éthique, de la loi et de la science, qui imprègne désormais les esprits, s'inquiétait il y a peu Emmanuel Hirsch, directeur de l'Espace éthique des Hôpitaux de Paris :

Les expressions souvent extrêmes d'une idéologie scientiste, poussée à sa caricature, indifférente aux conséquences humaines et sociales des mutations qu'elle tente d'imposer dans une cadence débridée, suscitent plus qu'on ne le pense, un sentiment d'insécurité, de violence et de vulnérabilité. De tels bouleversements, on le constate, menacent les valeurs et les repères indispensables à une existence sociale digne de respect. Il est urgent que les discussions relatives à la bioéthique prennent la juste mesure de leurs responsabilités qui ne se limitent pas aux aspects les plus innovants, spectaculaires et prometteurs des pratiques biomédicales .

Le diagnostic du professeur Hirsch, ne peut laisser indifférents nos responsables politiques, et tout ce que la France compte d'autorités morales, appelés prochainement à se prononcer sur la rédaction d'un nouveau cadre législatif en matière de bioéthique.

LA FRANCE AU PERIL DE L'EUGENISME ?

En décembre 2005, le Comité pour sauver l'éthique du Téléthon s'interrogeait, à quelques jours de l'événement phare : À force de flirter avec ce que le monde de la recherche a produit de plus rebelle aux garde-fous éthiques, l'Association française de lutte contre les myopathies (AFM), organisatrice du Téléthon, est-elle devenue un des principaux promoteurs de l'eugénisme en France ? Question il est vrai provocante. Peut-on sérieusement faire ce reproche à l'AFM ? Et, par voie de conséquence, à la législation spécifique dont s'est doté notre pays ? Quelle est la technique biomédicale pointée ici ? L'emploi de ce terme d'eugénisme n'est-il pas abusif alors même qu'on nous vante régulièrement un encadrement politique rigoureux des biotechniques ?
Le professeur Jacques Testard avait levé un coin du voile il y a quelques années :

La mise en scène triomphaliste de victoires toujours promises sur le malheur est un argument qui ne correspond pas à la rigueur scientifique. Le Téléthon a d'abord présenté des enfants myopathes appelant à la solidarité des téléspectateurs. Après quelques années, on a pu voir apparaître à l'écran des enfants heureux d'être normaux [...], ils étaient en réalité les survivants du [dépistage] .

On sait que c'est entre autres le diagnostic préimplantatoire (DPI) qui est visé. Lorsqu'un couple est porteur d'une maladie génétique, il lui est proposé de fabriquer par fécondation in vitro plusieurs embryons afin de contrôler leur statut génétique . L'assistance médicale à la procréation (AMP) intervient théoriquement à l'intérieur d'un couple infertile dont la procréation est empêchée pour diverses raisons pathologiques connues ou non. On peut noter que la pratique recèle intrinsèquement ce pouvoir de discrimination puisque parmi les 6 à 10 embryons conçus à chaque tentative, l'équipe médicale en sélectionnera 2 ou 3 sur critères microscopiques avant de les juger aptes à poursuivre leur croissance dans le corps de la femme. Le DPI profite de ce terreau favorable pour en pousser la logique jusqu'au bout : la production d'embryons dans ce cas là n'est plus que le moyen de les mettre à disposition du laborantin qui pourra effectuer un criblage de leurs gènes.
L'AMP est ici réquisitionnée dans le seul but de discriminer les embryons sur leur patrimoine génétique. Le diagnostic biologique a lieu à partir de cellules prélevées sur des blastocystes de quelques jours : les embryons malades seront soit détruits soit livrés aux chercheurs qui en font le demande . Parmi ceux qui sont exempts de l'anomalie génétique redoutée, certains pourront être réimplantés dans la muqueuse utérine de la mère (d'où le nom de diagnostic pré-implantatoire), les autres seront congelés en vue d'un nouveau transfert si le projet parental est maintenu. Dans le cas contraire, même ces embryons indemnes seront considérés comme surnuméraires et dépourvus de projet parental, directement utilisables pour les scientifiques.
Pendant la campagne médiatique du Téléthon en décembre 2000 fut présentée comme un grand succès thérapeutique la naissance d'un enfant en parfaite santé. C'est à son propos que l'on a forgé l'expression de bébéthons . Le moteur médiatique de cette édition reposait sur le DPI . Ces enfants n'ont en fait jamais été guéris. Et pour cause, ils n'ont jamais été malades et ne sont que le produit d'un tri sélectif embryonnaire. Il fut alors révélé que l'AFM avait mené une action de lobbying auprès de l'État pour obtenir une rapide publication du décret d'application du DPI . Eric Molinié, l'ancien président de l'AFM, s'en est d'ailleurs félicité : En 1997, nous avons adopté une résolution sur le diagnostic préimplantatoire pour demander au gouvernement de voter les décrets d'application de la loi le concernant . De même qu'après la naissance du premier enfant issu d'une sélection embryonnaire, l'association se réjouissait : Ce résultat [...] récompense le militantisme de l'AFM sur ce sujet.
Or le DPI est indéniablement un procédé eugéniste comme l'étymologie grecque du terme l'indique rigoureusement (eu, bon ; génisme, naissance). C'est cette pratique du tri eugéniste des embryons qui amorça la polémique passée. L'ambiguïté est patente tant il est contradictoire de mobiliser la générosité des Français à l'égard d'enfants malades tout en appuyant idéologiquement leur dépistage avant la naissance. Que penser d'une médecine qui veut soigner la maladie en supprimant les malades ? Est-ce vraiment tenable sur le plan intellectuel ? Jean-Yves Nau, spécialiste incontesté de ces sujets, l'a rappelé sans détours : [...] Les enfants sains, montrés dans ce spectacle qu'est le Téléthon, ne sont en rien des enfants guéris. Une erreur majeure serait ici d'assimiler guérison et tri embryonnaire. Et, sauf à accepter d'entrer dans une phase de régression collective, il importe de maintenir cette distinction .
Des observateurs ont pu évoquer une véritable mentalité eugéniste ancrée dans nos mœurs, confirmée par la publication d'un rapport de l'Agence de biomédecine nous apprenant que 23 enfants diagnostiqués in utero porteurs de la myopathie – dans ce cas, on parle de dépistage prénatal (DPN) – avaient été tous avortés en 2003. À cette cadence de dépistage in vitro et in vivo, y aura-t-il encore des malades dans les prochaines années ?

Les langues se délient

Devant cette dérive eugéniste, les langues se sont déliées. À l'instar de la championne du monde de ski acrobatique Raphaëlle Monod-Sjöstrom, marraine du Téléthon dans la région Rhône-Alpes, qui fait part en direct de son malaise sur France 3 : Il y a un paradoxe : je me dis qu'avec cette technique, je n'aurais peut-être pas eu la joie de connaître Fabrice, mon filleul du Téléthon aujourd'hui . Roger Delacroix, l'un des fondateurs du Téléthon dans le sud-est de la France, reconnaissait que le tri d'embryon [...] pose un problème moral [...]. Si à l'époque on m'avait dit que l'on irait vers ce type de pratiques, il est certain que j'aurais été moins enthousiaste. Il faudrait que l'AFM se dédouane clairement de cela .
Quant aux principaux concernés, les personnes malades, elles ont témoigné de la violence exercée à leur égard : J'émets une grande réserve quant aux bébéthons, car on croit que c'est grâce à la recherche qu'ils ont guéri alors qu'ils sont le fruit d'une sélection ; et l'avortement thérapeutique en a fait disparaître bien d'autres. D'où la question : et si mes parents m'avaient avorté ?
Pour l'enfant, ne pas correspondre aux normes en vigueur suffit à rendre la mort préférable pour lui. L'eugénisme n'est-il pas finalement un moindre mal si on le compare au mal absolu de notre époque : ne pas entrer dans les critères d'efficience que nous avons collectivement définis ? Une des plus hautes autorités morales de notre pays, l'ancien président du Comité consultatif national d'Ethique, Didier Sicard, dénonce cette situation dans une interview qui créa une onde de choc dans le monde scientifique et médical français. Interrogé par Jean-Yves Nau qui débute son entretien à partir de la controverse du Téléthon où est pointée du doigt le tri sélectif des embryons, il assène une vérité dérangeante :

Osons le dire : la France construit pas à pas une politique de santé qui flirte de plus en plus avec l'eugénisme [...]. Je suis profondément inquiet devant le caractère systématique des dépistages, devant un système de pensée unique. Comment défendre un droit à l'inexistence ? Le dépistage réduit la personne à une caractéristique. C'est ainsi que certains souhaitent que l'on dépiste systématiquement la maladie de Marfan dont souffraient notamment le président Lincoln et Mendelssohn. Aujourd'hui, Mozart, parce qu'il souffrait probablement de la maladie de Gilles de la Tourette, Einstein et son cerveau hypertrophié à gauche, Petrucciani par sa maladie osseuse, seraient considérés comme des déviants indignes de vivre. Nous donnons sans arrêt, avec une extraordinaire naïveté, une caution scientifique à ce qui au fond nous dérange. Et nous ne sommes pas très loin des impasses dans lesquelles on a commencé à s'engager à la fin du XIXe siècle pour faire dire à la science qui pouvait vivre et qui ne devait pas vivre. Or l'histoire a amplement montré où pouvaient conduire les entreprises d'exclusion des groupes humains de la cité sur des critères culturels, biologiques, ethniques .

L'allusion est claire. Le professeur Sicard est d'ailleurs encore plus explicite quand il précise : Je suis persuadé que si la France avait été confrontée, à l'occasion d'un régime nazi, à des pratiques eugénistes similaires, elle répugnerait aujourd'hui à s'engager sur une pente particulièrement dangereuse. Pourquoi cette analyse sans concessions ? Parce que la vérité centrale est que l'essentiel de l'activité de dépistage vise à la suppression et non pas au traitement. Ainsi, ce dépistage renvoie à une perspective terrifiante : celle de l'éradication , ajoute-t-il. On notera que Jean-Paul II avait mis la France face à ses responsabilités en écrivant à Michel Camdessus le 15 novembre 2001 : L'expérimentation biomédicale, qui n'aurait pas pour objectif le bien du sujet considéré, comporte des aspects sélectifs et discriminatoire inacceptables [...]. Des bienfaits hypothétiques pour l'humanité et le progrès de la recherche ne peuvent nullement constituer un critère décisif de bonté morale. Cela contribue indubitablement à un affaiblissement des convictions morales concernant l'être humain, favorisant l'acceptation de la mise à l'écart de personnes atteintes de handicaps congénitaux, à laquelle le diagnostic préimplantatoire et un développement abusif du dépistage prénatal donnent lieu. De nombreux pays sont déjà engagés sur la voie d'une sélection des enfants à naître, tacitement encouragée, qui constitue un véritable eugénisme et qui conduit à une sorte d'anesthésie des consciences, blessant gravement par ailleurs les personnes atteintes de handicaps congénitaux et celles qui les accueillent . Quel média, quel responsable public, quel scientifique avait donné suite à l'époque à cette lettre ?
Tout se passe comme si, sur les plans politique et médical, s'exerçait une volonté de rationaliser la reproduction humaine en la fondant sur notre savoir génétique. Le dépistage dans les phases préimplantatoire et prénatale du développement de l'enfant envahit de fait le champ médical réduisant d'autant la recherche thérapeutique. L'exemple le plus tristement célèbre est celui des enfants trisomiques 21 soumis à une logique du risque zéro. Se réalise la sentence terrifiante de Francis Crick, prix Nobel de médecine en 1962 pour la découverte de l'ADN : Aucun enfant ne devrait être reconnu humain avant d'avoir passé un certain nombre de tests portant sur sa dotation génétique. S'il ne réussit pas ces tests, il perd son droit à la vie. N'existe-t-il pas aujourd'hui une espèce de consensus général, une approbation collective en faveur de cet eugénisme démocratique ? Le professeur Bertrand Mathieu, directeur du Centre de recherche en droit constitutionnel, répond par l'affirmative : Alors que la loi bioéthique a interdit les pratiques eugéniques tendant à l'organisation de la sélection des personnes , aujourd'hui, on organise la sélection des personnes . Il en veut pour preuve le lien quasi absolu entre le dépistage et la suppression de la vie qui lui fait immédiatement suite.

La pitié dangereuse

La controverse du Téléthon fut bien le déclencheur d'un questionnement inédit sur l'eugénisme permettant de jeter un nouvel éclairage sur cette problématique. Faut-il se résigner à la résurgence de cette idéologie dans nos sociétés, rendue possible par les biotechniques issues de l'AMP ? Non, cette dérive n'est aucunement inéluctable ; il appartient au politique de reprendre à frais nouveaux la question de la dépénalisation du DPI, et au-delà celle du dépistage médical et de son statut dans nos sociétés. Que de grandes nations européennes comme l'Irlande, l'Italie, l'Autriche, la Pologne ou l'Allemagne prohibent le diagnostic préimplantatoire devrait nous interroger. Chez les Allemands, dont on sait que c'est leur histoire du XXe siècle qui a pesé dans la rédaction de la loi du 13 décembre 1990 relative à la protection des embryons, un débat récent au sujet de l'acceptation du DPI a été tranché le 14 mais 2002 par le Bundestag en maintenant la criminalisation de cette pratique.
En définitive, l'erreur concerne le type de philosophie éthique qui nous sert de fondement. Avec l'instauration du DPI, nous avons convoqué une éthique de la compassion – supprimer celui dont l'existence ne peut être qu'une longue souffrance – en la faisant valoir contre celle du respect de la vie, présentée comme dure et insensible. N'est-ce pas ainsi que l'on a préparé insidieusement ce glissement vers l'eugénisme ? Le philosophe allemand Hans Jonas nous a prévenus : Une éthique qui ne serait fondée que sur la compassion serait quelque chose de très suspect car les conséquences qu'elle impliquerait en matière de position humaine par rapport à l'acte d'homicide sont imprévisibles . Déconnectée de tout discours rationnel sur la protection inconditionnelle de la vie humaine, la compassion ne peut tenir lieu de repère éthique et ne saurait à elle seule fonder nos choix législatifs en matière de bioéthique. S'attribuer le monopole de la souffrance conduit bien souvent à confisquer la possibilité même d'une pensée rationnelle. Ainsi que le remarquait déjà Hannah Arendt : La pitié prise comme ressort de la vertu s'est avérée souvent comme possédant un potentiel de cruauté supérieur à celui de la cruauté elle-même.
Le lecteur aura compris qu'il ne s'agit pas ici de juger des parents cruellement éprouvés par la souffrance d'un être cher, leur enfant, atteint par une maladie génétique particulièrement redoutable. Mais bien de porter une appréciation morale à l'encontre des pratiques, des lois et des instances officielles qui les promeuvent. Toute la noblesse de la réflexion éthique est de pouvoir tenir un discours argumenté qui remet en cause cet eugénisme insidieux sans pour autant condamner les personnes en tant que telles. Les pressions qui s'exercent en l'occurrence sur les familles, l'ignorance des procédés biotechniques dans laquelle les parents sont tenus, le déficit d'accueil et de reconnaissance dans notre société des enfants handicapés sont autant de faits qui réduisent la liberté de décision des personnes . Mais a contrario, pourquoi ne pas envisager d'accompagner au mieux les parents frappés de plein fouet par le diagnostic d'une pathologie génétique transmissible ? Pourquoi ne pas prévoir au sein des services concernés des rencontres sous l'égide d'équipes médicales formées et de familles ayant renoncé volontairement au dépistage et à l'avortement proposés systématiquement, plus nombreuses qu'on veut bien nous le dire ? Et d'ailleurs, faisons-nous réellement une place aux fort peu médiatiques témoignages des parents qui quotidiennement et inlassablement accompagnent un enfant qui ne présente pas la santé radieuse et la performance éblouissante définies comme les canons de l'utilitarisme postmoderne ?
Nous devons être capables de penser une éthique qui englobe à la fois l'embryon et l'enfant malade déjà né sans qu'il ne soit nécessaire de sacrifier l'un ou l'autre. Arrêtons d'opérer des discriminations entre vie et vie, vie de celui qui est à peine conçu et vie de celui qui est déjà né, au mépris de la dignité propre à chacun. Les slogans réducteurs qui mettent l'accent sur la seule émotion nous empêchent de proposer une éthique de la vulnérabilité qui prenne en compte toute la complexité des faits. Ils sont bien souvent proférés pour légitimer une éthique de la fin qui justifie les moyens en entretenant la fausse conviction qu'il est inéluctable d'accomplir des actions mauvaises pour servir une bonne cause. La véritable compassion, comme son étymologie l'indique (souffrir avec), commande d'accompagner tous les malades, quels que soient leur âge et leur statut, et de ne pas se dérober à notre responsabilité face à la faiblesse d'autrui. La compassion, si elle ne veut pas dégénérer en pitié fallacieuse, considère tout être humain comme ayant un prix infini. À aucun moment la vie humaine ne peut être légitimement sacrifiée. L'accueil et les soins prodigués sont bien au contraire d'autant plus inconditionnels que l'être humain est vulnérable et fragile.
À l'heure où le Président Sarkozy appuie l'idée de politique de civilisation , n'est-ce pas l'occasion de rappeler que ce qui manifeste l'humanisme authentique de nos choix est la prise en compte inconditionnelle des plus petits d'entre nous. Car la perfection d'une civilisation réside bien dans l'attention forte et persévérante que nous devons exercer envers ceux qui peuvent nous sembler imparfaits. Le DPI (et par extension son frère jumeau, le DPN) est une technique violente dans sa théorie et dans sa pratique visant la destruction eugénique programmée d'embryons humains. Ne pourrions-nous pas nous reprocher une légereté impardonnable si nous ne continuions pas à exercer une vigilance des plus intenses à l'encontre de cette idéologie et de la biotechnique qui la rend possible ?

LA RECHERCHE SUR L'EMBRYON : UNE ABSURDITE SCIENTIFIQUE ?

Le dispositif issu de la loi bioéthique du 6 août 2004 reconduit le principe d'interdiction de toute recherche sur l'embryon tel qu'il avait été formulé précédemment dans la mouture de la loi de 1994. Cependant, il est aussitôt battu en brèche par l'ouverture d'un régime dérogatoire autorisant l'expérimentation sur les embryons humains surnuméraires conçus dans le cadre d'une AMP et ne faisant plus l'objet d'un projet parental . Beaucoup y ont vu un exercice d'équilibriste plus qu'aberrant visant à ménager tout à la fois ceux qui sont attachés au respect de la dignité de l'embryon et ceux qui souhaitent mener coûte que coûte des études scientifiques au prix de sa destruction. Tentons d'y voir plus clair.

Quels rapports entre la loi de 2004 et l'AFM ?

Tout d'abord, il est avéré que l'association – même si elle n'est pas la seule – a mené son lobbying pour obtenir cette décriminalisation de la recherche sur l'embryon. On sait qu'une conférence sur les cellules souches et le clonage humain organisée en juin 2002 sous l'égide de l'AFM a confronté des scientifiques à un panel de personnes malades ou parents d'enfants malades. Or tous les chercheurs invités étaient favorables à la libéralisation de l'expérimentation embryonnaire et un bon nombre étaient même enclins à inscrire dans la prochaine loi le clonage embryonnaire à visée thérapeutique. Bref, ils vantèrent devant les malades les thérapeutiques possibles à partir des cellules souches embryonnaires. La Fondation Lejeune en a rendu compte à l'époque : À l'issue de cette journée, les malades devaient exprimer leurs attentes et rédiger des recommandations à destination du grand public, des médias et des parlementaires, en vue de la révision de la loi de bioéthique. Que contenaient ces recommandations ? Évidemment la demande d'autoriser la recherche sur l'embryon et le clonage humain pour la recherche . Et dénonce une mise en scène : Quel homme politique, quel média, résisterait à la demande formulée par des parents d'enfants malades ou par des malades eux-mêmes ? Et que penser de l'objectivité de recommandations obtenues sous l'influence de chercheurs désireux d'obtenir l'autorisation de recherche sur l'embryon ?
Etait-ce vraiment le rôle de l'AFM, dont le but affiché est de parvenir à soigner des vies, de faire pression pour obtenir des lois remettant en cause le principe de protection de la vie de l'embryon humain qui était alors en vigueur dans la législation de 1994 ?
Mais le point le plus controversé est que le Téléthon a permis par la suite, une fois la nouvelle loi votée, de financer en partie la création du premier centre français de recherches sur l'embryon humain, l'Institut I-Stem. Inauguré en septembre 2007 par Valérie Pécresse, alors ministre de l'Enseignement supérieur et de la recherche, il constitue le plus gros labo en France d'études sur les cellules embryonnaires. Aux dires de son directeur, Marc Peschanski, I-Stem a bénéficié d'un soutien de l'AFM de 3,4 millions d'euros sur 2 ans, ce qui a couvert la moitié de nos dépenses . Le reste de la somme est assuré par l'Inserm et l'université d'Evry. Selon Les Echos, le conseil d'administration de l'AFM s'est engagé sur les prochaines années, sous réserve du succès du Téléthon annuel, à doubler le montant des financements publics décrochés par le projet .
Se pose donc un problème classique de philosophie morale : celui de la coopération à des actions que la conscience réprouve, en l'occurrence le soutien à des pratiques biomédicales contraires au respect de la vie humaine. L'AFM refusant catégoriquement tout projet de dons fléchés, participer matériellement au Téléthon revient à collaborer formellement au financement de la recherche sur l'embryon. Il est alors légitime que les citoyens, dès lors qu'ils ont connaissance de cette situation qui les met en porte-à-faux avec une exigence éthique fondamentale, bien qu'admise par la législation en vigueur, fassent preuve d'une objection de conscience publique consistant à demander à l'AFM de revenir sur ses choix scientifiques, ou a minima, d'écarter les projets qui posent un problème éthique du champ direct des dons.

Le dogme du tout embryon est en train de voler en éclats

L'argumentaire déployé par ceux qui contestent une partie du projet de recherche de l'AFM repose également sur les dernières données de la science. Les thérapies dites régénératrices sont incontestablement un des concepts les plus passionnants de la biomédecine contemporaine. Le raisonnement repose sur l'utilisation de cellules souches qui ont la propriété d'être à l'origine des différents types tissulaires de l'organisme. Les médecins et les chercheurs ont rapidement vu que ces cellules mères pouvaient, lorsqu'elles étaient correctement cultivées, se différencier en cellules hautement spécialisées : cellules cardiaques, musculaires, cutanées, osseuses, nerveuses, pancréatiques, hépatiques... L'ère d'une médecine régénératrice utilisant ces cellules pour réparer des organes devenus défaillants en raison de l'âge ou de pathologies diverses était inaugurée. Cela est à juste titre source d'espoir pour de nombreux malades souffrant de pathologies et lésions dégénératives, la réparation par ces cellules d'organes endommagés pouvant répondre théoriquement aux besoins de ces patients. Mais d'où provient ce précieux matériel biologique ? C'est bien là que gît la problématique bioéthique qui a surgi au cours des dernières éditions du Téléthon.
En 1998, l'Américain James Thomson isole ces cellules sur l'embryon humain dans son laboratoire de l'université du Wisconsin suscitant un enthousiasme retentissant qui sera largement répercuté à travers le monde. En effet, aux cinquième et sixième jours de son développement, l'embryon humain est appelé blastocyste et comprend de 128 à 256 cellules dont les fameuses cellules souches embryonnaires situées dans la masse interne du jeune embryon. Celles-ci sont qualifiées de pluripotentes, car capables de générer tous les types cellulaires figurant dans un organisme adulte. Après extraction et destruction du blastocyste, une mise en culture adéquate permet de les faire proliférer et se différencier in vitro. Entre immortalité en culture désignant leur grande capacité d'auto-renouvellement et immortalité de l'humain, le pas était vite franchi. Leur grande plasticité les a propulsés au faîte de la gloire médiatique, mettant en demeure les responsables politiques de légiférer rapidement afin de rendre disponibles les embryons humains pour la recherche.
Or une déferlante de publications de niveau international remet lourdement en cause les choix scientifiques de l'AFM et au-delà la propre législation dont s'est doté notre pays.
En effet, l'impasse thérapeutique des cellules souches embryonnaires est de mieux en mieux documentée. Concernant un hypothétique bienfait sur les malades, aucune publication de niveau international à se mettre sous la dent. Et pour cause, ces cellules sont caractérisées par une grande instabilité chromosomique au fil de leurs divisions, ce qui entraîne une possibilité accrue de développement de tumeurs. Fait totalement rédhibitoire, car aucun comité d'éthique hospitalier ne prendrait la responsabilité d'en permettre la greffe chez l'homme. Le rapport du député Pierre-Louis Fagniez, actuel directeur de cabinet de Valérie Pécresse et lui-même favorable à une dépénalisation totale de la recherche et du clonage embryonnaires, n'a pu le passer sous silence : Le risque de cancérogenèse après administration de cellules ES pourrait être proportionnel à leur capacité de prolifération [...]. Le taux de cancers développés après injection de cellules ES est très élevé . Par ailleurs, la révélation par les médias français d'une publication dans la revue Nature Medecine du mois d'octobre 2006 montrant une expansion incontrôlée de neurones issus de cellules souches embryonnaires dans les cerveaux de souris a mis aux yeux et au sus de tous les désillusions concernant ces cellules . C'est une des premières fois qu'apparaît de manière aussi crue dans l'espace médiatique leur potentiel cancérigène.
Dans le même temps, la découverte de l'existence de cellules souches dites adultes, montrant des capacités insoupçonnées dans la possibilité de générer des types cellulaires différents de ceux qui sont spécifiques de leur tissu d'hébergement originel, est venue briser un principe biologique que l'on croyait immuable. Frappées jusqu'alors d'interdit tant elles remettent en cause notre compréhension de la biologie de l'organisme humain, la publicité concernant les études les plus innovantes publiées ces derniers mois a ébranlé les options scientifiques du tout embryon.
Songeons aux travaux novateurs sur les cellules souches de cordon ombilical, de liquide amniotique, de moelle osseuse et autres tissus d'un organisme adulte. N'oublions pas le séisme éthique de ces dernières semaines, le revirement historique du chercheur écossais Ian Wilmut, bien connu pour avoir été le premier scientifique à cloner un mammifère en 1996, la fameuse brebis Dolly. Le 19 novembre 2007, il renonce au cours d'une conférence de presse à travailler sur les cellules souches embryonnaires et la technique du clonage dit scientifique, alors même qu'il avait reçu toutes les accréditations nécessaires de la part des autorités britanniques. Estimant que ces pratiques étaient désormais dépassées au regard de la découverte majeure du professeur Yamanaka de la Faculté de Kyoto qui a reprogrammé des cellules cutanées de patients en cellules souches pluripotentes dites induites ayant les mêmes caractéristiques de différentiation que les cellules embryonnaires (Cell, 20 novembre 2007). Cette étude révolutionnaire est confirmée par le savant américain James Thomson, celui-là même qui a découvert les cellules souches issues de l'embryon en 1998 (Science, 20 novembre 2007). L'importance de ces résultats dans ce champ de la biomédecine est énorme puisque les cellules souches obtenues ont le même code génétique que le malade, écartant tout risque de rejet immunitaire. Jean-Claude Ameisen, président du comité éthique de l'Inserm, a aussitôt déclaré que le travail de Yamanaka, véritable révolution scientifique, prouve qu'il est possible de reprogrammer des cellules adultes ordinaires et montre que la plasticité des cellules est beaucoup plus grande qu'on ne le pensait [...]. Avec cette technique, on ne peut plus dire : "Il n'y a pas moyen de faire autrement". Sous-entendu : continuer dans le tout embryon. Incontestablement, il y a aujourd'hui un avant et un après Yamanaka.
L'avalanche de publications concernant toutes ces entités cellulaires a montré que peut coexister une consonance étonnante entre compétitivité scientifique, biomédicale, économique et respect de la dignité de l'embryon, ouvrant l'ère d'une médecine régénératrice de très haut niveau et sans aucune réserve éthique.

Vers l'interdiction de la recherche sur l'embryon ?

La prise en compte des études réalisées dans le champ des cellules souches adultes associée à un questionnement d'ordre éthique sur les choix de l'AFM a permis d'installer durablement la discussion bioéthique. Débat qui n'est pas resté cantonné au thème restreint du Téléthon mais qui de proche en proche s'est répercuté jusqu'au mode de fonctionnement de l'Agence de biomédecine et à la philosophie sous-jacente à la loi bioéthique française.
En effet, la loi du 6 août 2004 a instauré l'Agence de biomédecine en la chargeant de superviser les protocoles de recherches sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires. Le directeur général ( – actuellement à ce poste, Carine Camby –, supprimer la précision entre tirets car elle vient d'être limogée), donne suite aux dossiers scientifiques après avis d'un Conseil d'orientation . Or en vue de la délivrance des autorisations, l'Agence de biomédecine doit notamment vérifier que le protocole de recherche est pertinent au regard des conditions posées par la loi. Quelles sont-elles ? Il est stipulé dans le corpus de la législation bioéthique, confirmé par le décret d'État du 6 février 2006, que la dépénalisation des études sur l'embryon est assortie rigoureusement de deux dispositions cumulatives : Lorsque [ces recherches] sont susceptibles de permettre des progrès thérapeutiques majeurs et à la condition de ne pouvoir être poursuivies par une méthode alternative d'efficacité comparable, en l'état des connaissances scientifiques .
Ces deux limites inscrites dans le marbre de la loi, dont seule l'absence vaut consentement pour déroger au principe de protection de l'embryon, ne sont à l'évidence pas prises en considération. Une appréciation honnête des nouvelles découvertes enregistrées par la communauté scientifique dans le champ prometteur des cellules souches adultes et le manque de perspectives médicales provenant de la recherche sur les cellules embryonnaires n'auraient-elles pas dû conduire le conseil d'orientation scientifique de l'Agence de biomédecine à reconsidérer son point de vue sur les délivrances d'autorisations jusqu'ici gracieusement accordées aux équipes travaillant sur l'embryon ? Certains juristes spécialistes du droit à la santé et de la bioéthique évoquent à mots couverts un possible recours pour illégalité des accréditations émises. Ou à tout le moins la possibilité d'exercer une pression juridique pour suspendre toute nouvelle autorisation de protocole d'expérimentation sur l'embryon. La loi elle-même prévoit l'emploi d'un droit d'opposition des ministres de la Recherche et de la Santé qui ont le pouvoir d'interdire la recherche lorsque le respect des principes éthiques n'est pas assuré . Pourquoi ne pas y recourir ?
La question éthique de la licéité de la recherche sur l'embryon initialement surgie du Téléthon parachève sa course aujourd'hui dans les rouages de l'Agence de biomédecine. Le fait que de simples citoyens aient porté sur la place publique cette problématique doit nous interroger. C'est incontestablement l'émergence d'un mouvement profond en provenance de la société civile qui n'accepte pas que le pouvoir bioéthique soit confisqué par des lobbies et des organismes indépendants qui ont de moins en moins envie de rendre des comptes. Dans une analyse extrêmement pertinente déjà citée, le professeur d'éthique Emmanuel Hirsch s'interroge :

en période initiale des révisions de la loi relative à la bioéthique de 2004, et alors qu'est annoncée une consultation populaire en 2009 dans le cadre d'états généraux de la bioéthique, il conviendrait de se demander si l'éthique d'en bas, celle de l'ordinaire et de l'expérience immédiate, est encore conciliable avec une certaine éthique d'en haut. Cette réflexion préoccupée d'intérêts supérieurs, de considérations savantes, de recherche, de compétitions et de performances, incarnée par les spécialistes et les institutions, campe désormais sur des positions dogmatiques hostiles à la moindre contestation .

Or le politique lui-même n'est-il pas en train d'abandonner l'éthique d'en bas devant un pouvoir technoscientifique de plus en plus autoritaire ?

La responsabilité morale des parlementaires

Nous assistons à un changement stratégique pour justifier envers et contre tout l'eugénisme biomédical et les recherches sur l'embryon. L'idée aujourd'hui en vogue, défendue entre autres par Axel Kahn , est de libéraliser sans restriction la recherche embryonnaire pour la seule connaissance scientifique. Disparu l'alibi thérapeutique de la première mouture. Envolé le droit à la santé des malades brandi pendant les travaux préparatoires de la loi bioéthique de 2004. Aujourd'hui, on nous parle du droit de la science. Avec comme corollaire une inversion inédite entre la liberté de la recherche, qui sert un intérêt secondaire et collectif, et le respect de la dignité de l'être humain, droit fondamental premier et individuel.
À ce jour, aucun appareil juridique n'avait entériné ce renversement idéologique. La Déclaration universelle sur la bioéthique et les droits de l'homme adoptée par la conférence générale de l'Unesco le 11 novembre 1997, proclame en son article 3 que l'intérêt et le bien de l'être humain doivent prévaloir sur le seul intérêt de la société et de la science . De même la Convention européenne d'Oviedo sur la biomédecine du 19 novembre 1996 stipule que la liberté de la science s'exerce sous réserve des dispositions qui assurent la protection de l'être humain (article 15).
Autre signe avant-coureur très inquiétant de ce bouleversement des priorités : les prises de position de Carine Camby, ancienne directrice de l'Agence de biomédecine , qui prône un abandon du régime législatif actuel : Pour la recherche sur l'embryon, je pense qu'il faudrait sortir du régime dérogatoire et considérer que cette recherche est aujourd'hui autorisée en France : cela donnerait aux scientifiques une visibilité nécessaire. Elle souhaite également que la prochaine loi de bioéthique fixe une sorte de canevas général sans entrer dans le détail des pratiques biomédicales. Celles-ci seraient purement et simplement contrôlées par l'Agence de biomédecine et son conseil d'orientation. En outre, cette loi-cadre avec de grands principes – l'anonymat, la gratuité et le consentement –, assez souple pour laisser le champ libre aux chercheurs, ne serait même plus révisée à échéances régulières. Carine Camby propose sans ambages de concéder à l'Agence de biomédecine plus de possibilité d'interprétation et d'application .
Une sorte de mission jurisprudentielle qui déchargerait les politiques de leur responsabilité ? Le politique peut-il accepter sans broncher cette évolution ? Si la Grande-Bretagne a dépénalisé clonage embryonnaire, mères porteuses et autres chimères très rapidement, c'est justement parce que l'équivalent de l'Agence de biomédecine de l'autre côté de la Manche, l'HFEA (Human Fertilisation and Embryology Authority), a mené d'un bout à l'autre les discussions sous couvert de quelques consultations publiques. Le pouvoir décisionnel accordé à une institution indépendante du contrôle du Parlement serait tout à fait démesuré. Les juristes du Centre français pour la justice et les droits fondamentaux avaient dénoncé sans détours cette prise de pouvoir de l'Agence dès avant le vote de la loi du 6 août 2004 :

En créant une telle agence, le législateur fait preuve d'une formidable hypocrisie. Il prétend remettre les questions difficiles entre les mains de "sages", tout en désignant "les sages" parmi ceux qui ont le plus d'intérêts à l'autojustification. Les expérimentations seront contrôlées par les scientifiques eux-mêmes : la liberté de la recherche n'est plus directement soumise au principe de dignité dont le respect est garanti par le Parlement, mais la liberté de la recherche devient une liberté publique autonome. Le chercheur se trouve ainsi investi de la responsabilité exorbitante de fixer lui-même des limites à ses actes. Alors qu'il se veut le seul garant légitime en démocratie de la protection des droits fondamentaux, le pouvoir politique abdique en se déchargeant sur les experts. Dans un tapage médiatique tenant lieu de débat politique, l'État français laisse la science lui donner un projet .

Devrons-nous en rester au diagnostic sévère qu'avait posé le président de la Fondation Jérôme-Lejeune lors des Journées parlementaires sur la bioéthique en février 2007 ?

Il semble que les politiques semblent définitivement à la remorque des technoscientifiques. Il s'agit pourtant de vie et de mort d'êtres humains, de questions qui ne sont pas inaccessibles intellectuellement. Mais les politiques n'ont pas d'idée, pas de principes, même pas d'intuitions. Ils semblent nourrir une sorte de fascination béate devant les brochettes de technoscientifiques qui défilent. Et qui eux, en revanche, ont les idées bien arrêtées .

Il est encore temps pour que le politique reprenne la main en pesant objectivement les enjeux scientifiques et éthiques portant sur les thérapies cellulaires pour offrir à la France les moyens d'une politique scientifique audacieuse sans aucune réserve éthique. La controverse du Téléthon nous rappelle que des énergies morales, sur lesquelles peuvent compter nos élus, travaillent la société, en dehors des lobbies scientistes et des circuits médiatiques. Remettre sur la table des discussions les pratiques biomédicales eugénistes, revenir sur le moratoire actuel en abandonnant l'impasse du tout embryon n'est nullement inenvisageable. Avec un peu de bon sens et de courage.

P.-OL. A.*
* Doctorant en éthique, science, santé et société à l'Université de la Méditerranée. Dernier ouvrage paru : La Bioéthique et l'Embryon, Ed. de l'Emmanuel, 2007.