Elisabeth Lévy : "Arrêtons de criminaliser le désir masculin"
Article rédigé par Figaro Vox, le 23 juillet 2018 Elisabeth Lévy : "Arrêtons de criminaliser le désir masculin"

Dans un long entretien à Figaro Vox, Elisabeth Lévy, rédactrice en chef de Causeur, analyse les effets "pervers" du mouvement "Metoo" et "Balancetonporc", avec comme fruits, la disparition du désir, et, tout simplement, la disparition de la rencontre.

FIGAROVOX.- Vous consacrez votre numéro de juillet à l'amour après Weinstein. L'été 2018 ne sera donc pas celui de la séduction?

Elisabeth LEVY.- Disons que le troisième millénaire ne s'annonce pas bien sur ce plan. Bien sûr, la vie concrète ne renonce pas si vite et on verra, longtemps encore, des hommes et des femmes (dans toutes les combinaisons possibles) jouer aux jeux délicieux et cruels du désir, de l'amour et du sexe, mais on sent que, profondément, l'époque conspire à normaliser tout cela, à en finir avec ce théâtre compliqué qui reste rétif à la démocratie et à la transparence. En Amérique, le concours des Miss ne se jugera plus sur des critères physiques, comme si l'idée même de la beauté des femmes était intolérable. Il s'agit d'un long mouvement anthropologique. Mais déjà, la glorieuse révolution #metoo produit des effets réels sur la séduction ou en tout cas, sur les séducteurs qui prennent des précautions invraisemblables pour s'assurer qu'une femme dépitée ne les accusera pas de tous les maux. On nous a chanté sur tous les tons, et même avec une campagne de pub, que le métro était la jungle pour toutes les femmes. Eh bien, ce que je vois, moi, c'est que même quand une jolie fille court vêtue s'y promène, la plupart des hommes n'osent même plus la regarder. Est-ce vraiment un progrès ?

À l'heure où la libido se réveille, pensez-vous sérieusement que #metoo sera dans toutes les têtes, notamment dans celles des «jeunes mâles blancs» ?

Qu'est-ce qui vous permet de dire que la libido se réveille? En réalité, comme le montre Peggy Sastre dans ce numéro de Causeur, toutes les études révèlent le contraire, notamment chez les jeunes. D'accord, il y a le porno accessible à tous, la sexualité exhibée partout. Mais c'est le paradoxe que nous vivons: on pourrait presque dire «sexe partout, désir nulle part!». J'ajoute que quelques «jeunes mâles blancs», comme vous dites, ont déjà vu leur vie ruinée alors même qu'il n'y a aucune procédure judiciaire ouverte contre eux. Je sais, ce sont les œufs qu'il faut casser pour que l'avenir radieux advienne. Et puis, ce sont des dragueurs lourds, voire des salauds, ce qui est très mal. Mais je ne suis pas sûre d'avoir envie de vivre dans un monde délivré des dragueurs lourds. Va-t-on interdire la méchanceté et le cynisme ? Pénaliser l'indifférence ? Madame le juge, il m'a mal parlé !

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Demain la PMA et la GPA permettront de séparer définitivement l'acte sexuel de l'acte de procréer.

Va-t-on vers une mutation anthropologique profonde et une redéfinition totale des rapports entre les hommes et les femmes ?

Quand nous aurons adopté la PMA-GPA pour toutes et tous, on pourra procréer sans avoir à croiser l'autre sexe, même pour un coup d'un soir. Vigny avait déjà imaginé ce monde de la séparation des sexes dans La colère de Samson : « La Femme aura Gomorrhe et l'Homme aura Sodome, Et, se jetant, de loin, un regard irrité, Les deux sexes mourront chacun de son côté.. .» Sauf que personne ne mourra puisque, répétons-le, la procréation se passera bientôt de la rencontre. Quel soulagement. Et quel ennui.

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