François Bayrou et « l’union » homosexuelle
Article rédigé par François Martin, le 23 janvier 2012 Decryptage de l'actualité : union homosexuelle

Pour bon nombre de nos lecteurs, les positions de François Bayrou sur le mariage homosexuel ne sont pas acceptables. La question n’est pas seulement morale ou religieuse. Elle est aussi et surtout  politique  pour trois raisons de fond : 

  • Parce qu’en se prononçant dans ce sens (même s’il appelle cela « union » et pas « mariage », mais c’est bien la même chose), et en accordant à cette « union » la même solennité que le mariage (passage devant le Maire, etc…), François Bayrou mélange la sphère privée (le désir d’une personne d’en aimer une autre) et la sphère publique (le contrat que passent avec la nation deux personnes, homme et femme, pour vivre ensemble durablement (et fidèlement), engendrer naturellement et éduquer, du mieux possible, les futures générations dont celle-ci a besoin). Il outrepasse par ce fait les attributions de l’Etat, qui perd ainsi sa légitimité.
  • Parce que, pour le redressement dont le pays a besoin, le sursaut que François Bayrou appelle lui-même de ses vœux (cf ci-après sonprogramme de François Bayrou, et son appel au sursaut national sur les plans de l’éducation et du travail du travail), s’exercera d’abord sur le plan domestique, à l’intérieur des familles. C’est là que tout commence. L’effort pour s’entendre en couple, pour faire ensemble le pari d’engendrer des enfants, de les éduquer et de les porter jusqu’à l’âge adulte (et quel effort, et quel pari, par les temps qui courent !), est premier sur tout le reste. Si ce choix est stratégique (et il l’est, ô combien !), il doit être reconnu et mis en valeur. En ne le faisant pas, en dénaturant l’institution du mariage, François Bayrou dévalorise et fragilise à la fois l’Etat, qui se fourvoie dans une affaire qui n’est pas la sienne, et les familles naturelles et stables, dont par ailleurs il aura tant besoin.
  • Parce que le mariage homosexuel n’est pas une affaire sociale, mais d’abord une affaire politique, celui d’une minorité puissante ultra-active, qui veut conquérir un soft power pour des droits communautaires. En accédant à leur demande, le candidat baisse tout simplement pavillon devant un puissant lobby (cf article « Est-ce vraiment le mariage que veulent les homosexuels ? »), à un moment où ce ne sont pas les lobbies qui devraient compter, mais la nation tout entière.

On peut donc affirmer qu’en prenant ainsi position, François Bayrou n’agit pas en homme d’Etat. On objectera certainement, en demandant qui, sur ce point, parmi les candidats, a une réponse adéquate ? Christine Boutin, sans aucun doute. A part elle ? C’est un peu le désert… Même Nicolas Sarkozy n’est pas clair, semble-t-il. C’est pourtant un marqueur fort important, comme le prouve la position récente de 82 parlementaires UMP et Nouveau Centre sur cette question. Leur réponse n’est pas religieuse. Ils ont bien compris la portée symbolique et politique de cette bataille, que bien peu de candidats ont le courage de mener.

Pour le reste, force est de constater que tout n’est pas négatif chez le candidat Bayrou. Programme, vision, clarté d’expression, méthode, agenda, pédagogie, il incarne, d’une certaine façon, tout ce qui manque chez Sarkozy. Le discours de clôture de son Forum « Produire » du 14/01 est, il faut bien le dire, excellent. Par ailleurs, sur le plan de l’analyse politique, ses chances ne sont pas minces non plus (cf article « Le béarnais en embuscade »).

 

François Martin

 

Malheureusement François Bayrou est peu apte à entendre ces raisons. Il est trop « wébérien ». Il distingue entre éthique de conviction et éthique de responsabilité. Autrement dit, pour lui, l’homme politique peut avoir des convictions personnelles fondées sur des valeurs intangibles, mais en tant qu’homme politique, il se doit d’être relativiste. Cette dualité entre l’homme privé et l’homme politique est à l’opposé de l’enseignement de l’Eglise. La « note doctrinale concernant certaines questions sur l’engagement et le comportement des catholiques dans la vie politique » a magistralement réfuté cette posture. Approuvée par Jean Paul II et signée le 24 novembre 2002 par le Cardinal Ratzinger alors Préfet de la Congrégation pour la doctrine de la Foi, elle réfute très clairement la position wébérienne. Elle a été depuis 2002 largement commentée sur ce site et L’AFSP a organisé plusieurs colloques à son sujet. On peut aussi se reporter au livre de Thierry Boutet sur « l’engagement des chrétiens en politique (Privat 2007). Plusieurs chapitres lui sont consacrés.

 

Liberté politique

 

Photo : ©  G.dallorto/ Wikimedia Commons