ASSEMBLEE NATIONALE ET SENAT

Votes du projet de loi sur la révision des lois de bioéthique de 1994

 

 

 

 

 

Projet de loi adopté à l'Assemblée nationale

en première lecture le 22 janvier 2002 Projet de loi adopté au Sénat

en première lecture le 30 janvier 2003

 

Autoriser la recherche sur l'embryon

 

Le texte prévoit d'autoriser la recherche sur les embryons surnuméraires actuellement congelés, (article L2151-3), "ayant fait l'objet d'un abandon de projet parental et dépourvus de couples d'accueil".

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Autoriser la création d'embryons pour la recherche dans le cadre de l'AMP

 

Ce n'est pas seulement la recherche sur l'embryon surnuméraire qui a été autorisée, mais aussi la conception d'embryons en vue de la recherche, comme en dispose l'article L2151-2 : "La conception in vitro d'embryons humains à des fins de recherche est interdite, sans préjudice des dispositions prévues à l'article L2141-1". Mais l'article L2141, qui traite de l'évaluation des nouvelles techniques d'AMP, se termine ainsi : "A l'issue du processus d'évaluation, les embryons dont la conception résulterait de cette évaluation ne peuvent être ni conservés, ni transférés, ni entrer dans le cadre d'un projet de recherche au titre de l'article L2151-3". Ainsi, si la conception in vitro d'embryons humains à des fins de recherche est déclarée interdite, on autorise néanmoins la création d'embryons pour évaluer de nouvelles techniques de procréation médicalement assistée.

 

Le rejet du clonage reproductif

 

"Est interdite toute pratique ayant pour but de faire naître un enfant ou se développer un embryon qui ne seraient pas directement issus de gamètes d'un homme et d'une femme". Se trouve ainsi posée l'interdiction du clonage reproductif, voire du clonage dit thérapeutique.

 

L'ouverture au clonage thérapeutique

 

La rédaction de l'article 15 n'est pas inintéressante. L'interdiction proposée viserait "toute intervention" ayant pour finalité la naissance d'un enfant ou le développement d'un embryon, sans préciser la nature de celle-ci. Il s'agirait donc de tous les actes qui rendraient possible cette naissance ou qui permettraient que se développe un embryon, que ce soit in vitro ou in vivo. Au cours des débats du 17 janvier, un amendement 74 a été présenté afin de prohiber plus explicitement encore la conception d'embryons issus de cette technique. Mais l'amendement 74 a été retiré par le rapporteur de l'époque, avant d'être repris par le député, M.Mattéi, et finalement rejeté. La rédaction adoptée est donc celle qui interdit seulement "le développement" d'un embryon issu du clonage. Les articles 21 et 22 ne répriment eux aussi, que le "développement" d'un embryon issu du clonage. En conséquence, la loi n'interdit pas stricto sensu de concevoir un embryon, c'est à dire de mettre au point la technique du clonage, sans développement ultérieur de l'embryon.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Source GENE-éthique

Autoriser la recherche sur l'embryon, par dérogation

 

Le nouvel article L2151-3 tel qu'amendé par le Sénat interdit la recherche sur l'embryon humain : il maintient ce que le professeur Mattéi appelle " l'interdit fondateur ", précisé dans la loi de 1994, mais pour y déroger dans un 3° alinéa :

Alinéa 1 : " La recherche sur l'embryon humain est interdite ".

Alinéa 2 : "A titre exceptionnel, lorsque l'homme et la femme qui forment le couple y consentent, des études ne portant pas atteinte à l'embryon peuvent être autorisées sous réserve du respect des conditions posées au 4°, 5° et 6° alinéas du présent article ".

Cependant, l'alinéa 3 prévoit : "Par dérogation au premier alinéa, et pour une période limitée à 5 ans, (...) les recherches peuvent être autorisées sur l'embryon et les cellules embryonnaires lorsqu'elles sont susceptibles de permettre des progrès thérapeutiques majeurs et à la condition de ne pouvoir être poursuivies par une méthode alternative d'efficacité comparable, en l'état des connaissances scientifiques. Les recherches dont les protocoles ont été autorisés dans ce délai de 5 ans et qui n'ont pu être menées à leur terme dans le cadre du dit protocole peuvent néanmoins être poursuivies dans le respect des conditions du présent article, notamment en ce qui concerne leur régime d'autorisation."

Ce 3ème alinéa a été adopté par 280 voix pour et 22 contre.

L'ensemble de cet l'amendement 121 bis rectifié du Gouvernement a été adopté par 195 voix pour et 108 contre.

 

Interdire la création d'embryons pour la recherche dans le cadre de l'AMP

 

Le nouvel article L2151-2 du code de la santé publique tel que modifié par l'amendement 117 rectifié présenté par le Gouvernement prévoit désormais que "la conception in vitro d'embryon ou la constitution par clonage d'embryon humain à des fins de recherche est interdite".

Par cette nouvelle rédaction, le Sénat supprime ainsi la phrase qui visait l'exception constituée par l'évaluation des nouvelles techniques d'assistance médicale à la procréation.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le rejet du clonage reproductif et thérapeutique

 

Le clonage reproductif est interdit :

L'article 21 (amendement 127) du projet de loi est ainsi modifié : "est interdite toute intervention ayant pour but de faire naître un enfant génétiquement identique à une personne humaine vivante ou décédée".

Cette interdiction est assortie d'une nouvelle incrimination pénale baptisée "crime contre l'espèce humaine" et qui sera passible d'une peine de 30 ans de prison et 7.500.000 euros.

 

Le clonage thérapeutique est interdit :

- " le fait de procéder à la conception in vitro ou à la constitution par clonage d'embryons humains à des fins industrielles ou commerciales est puni de sept ans d'emprisonnement et de 1 000 000 euros d'amende. " (am. 128)

- " le fait de procéder à la conception in vitro ou à la constitution par clonage d'embryons humains à des fins de recherche est puni de sept ans d'emprisonnement et de 1 000 000 euros d'amende " (am. 129)

- " le fait de procéder à la constitution par clonage d'embryons humains à des fins thérapeutiques est puni de sept ans d'emprisonnement et de 1 000 000 euros d'amende. " (am. 130)

 

 

 

Résultat final

 

Le projet de loi tel que modifié a été adopté au Sénat le 30 janvier 2003 par 196 voix pour, 107 contre et 12 abstentions.

 

 

 

 

 

 

 

Les enjeux de la révision par les représentants du gouvernements

(extraits)

 

 

 

Lors du débat, au Sénat sur le projet de révision des lois de bioéthique de 1994, le ministre de la Santé, le professeur Jean-François Mattéi et le ministre de la Recherche, Claudie Haigneré, se sont prononcés sur les enjeux de cette révision. En voici quelques extraits.

 

 

 

 

PROFESSEUR JEAN-FRANÇOIS MATTEI

 

Sur le sens de la bioéthique :

" Nous sommes à un tournant pour la conception même de ce qu'on appelle la bioéthique... (ce mot) est ambigu car il laisse croire que la biomédecine façonne sa propre éthique... On ne réinvente pas l'éthique à chaque nouvelle découverte scientifique ! "

 

Sur la définition de l'embryon :

" [Le législateur] a édicté un régime fondé sur le principe du respect dû à l'embryon, solennellement inscrit à l'article 16 du Code civil...mais il n'a pas voulu définir cet embryon... Si nous ne pouvons trancher la question de la nature de l'embryon, nous pouvons et devons définir quelle doit être notre conduite à son égard. "

 

Sur la recherche sur l'embryon :

" Le gouvernement prend pour fondement essentiel l'article 16 du code civil, qui prévoit que " la loi [...] garantit le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie ".

Les perspectives thérapeutiques liées à l'utilisation des cellules souches embryonnaires ne sont encore qu'un pari et l'expérimentation animale est notoirement insuffisante.

" Seules des exceptions précises et strictement encadrées permettent de porter atteinte à l'embryon comme l'interruption volontaire de grossesse et, plus récemment, le diagnostic préimplantatoire.

" Le gouvernement vous propose de rester dans cette logique d'exception par rapport à cet interdit fondateur qui nous enjoint le respect de l'embryon qui est la clef de voûte de notre édifice législatif en matière de bioéthique.

" Le gouvernement souhaite donc, non pas légaliser la recherche sur l'embryon, mais permettre que certaines recherches soient menées sur certains embryons..

" Il est indispensable de mener de front des recherches sur les cellules embryonnaires et sur des cellules souches adultes, afin de comparer leur efficacité, mais aussi leur innocuité pour l'homme...

" Néanmoins, cette solution représente un bouleversement ontologique...pour l'embryon quand les lignées de cellules souches qui en seront tirées, (elles) aboutiront à sa destruction...

" La possibilité de mener des recherches sur l'embryon aura un caractère dérogatoire et transitoire...

" La recherche sur l'embryon est avant tout une recherche pour l'embryon.

" Nous sommes dans une situation d'urgence. On ne peut qu'être préoccupé du décalage entre les progrès réalisés pour diagnostiquer les problèmes du fœtus et, plus récemment, de l'embryon, et les moyens dont on dispose pour les traiter. Le biais qui en résulte en faveur de l'élimination plutôt que du traitement alimente un discours récurrent mais aussi de moins en moins irréaliste, sur le tri eugénique des êtres humains et sur la décence ou l'acceptabilité de ces pratiques devenues plus indolores...

" Un seul autre but peut être assigné à la recherche sur l'embryon : celui d'évaluer les perspectives thérapeutiques. Je souhaite que ces recherches puissent être conduites dans des conditions strictement encadrées.

" Il ne pourra s'agir que d'embryons conçus in vitro... Cette recherche doit faire l'objet d'un protocole qui, après une évaluation scientifique et éthique, sera ou non autorisée. "

 

Sur le clonage :

" Le clonage dit " thérapeutique " n'est pas acceptable, pas plus que la possibilité...que des embryons soient créés pour les besoins de la recherche sur les techniques d'A.M.P. Cette possibilité.....porte atteinte à la dignité de l'être humain : elle repose sur la conception d'embryon à des fins de recherche ; elle passe par la destruction de ces embryons....

" Le clonage programme un humain comme un objet fabriqué en fonction d'une commande. La loi doit réprimer fermement toute tentative qui porterait atteinte à notre conception de la personne humaine...

" C'est pourquoi, je vous propose...la création d'une nouvelle incrimination, baptisée "crime contre l'espèce humaine"...Il viserait tant le clonage à but reproductif que les pratiques eugéniques tendant à l'organisation de la sélection des personnes.

 

 

 

MME CLAUDIE HAIGNERE

 

Sur l'embryon :

" La destruction inévitable de l'embryon sur lequel seront conduites ces recherches me semble éthiquement acceptable pour deux raisons : parce que la notion de bénéfice indirect peut être invoquée à bon escient... Et parce que à l'heure actuelle, un grand nombre d'embryons surnuméraires...sont disponibles et, quoiqu'il advienne, destinés à être détruits.

" La forte attente de la communauté scientifique de lignées de cellules souches embryonnaires...ne doit cependant pas nous faire oublier que la création de ces lignées passe par la destruction d'un ou plusieurs embryons humains...

" La transgression du principe de protection de la vie humaine dès son commencement, inévitable dans ces recherches, est donc limitée à l'étape de constitution de ces lignées .Il m'apparaît important que le législateur puisse accepter cette transgression dans une finalité thérapeutique...

" Les nouvelles connaissances qui pourront être obtenues...me paraissent justifier que le cadre législatif soit assoupli, à titre dérogatoire, et peut être pour une durée limitée. Autant d'éléments qui nous invitent à assumer avec courage cette transgression, dans le respect d'une exigence éthique élevée. "