Dissolution, coalition ou obstination… : comment sortir la Ve République de la crise causée par l’absence de majorité ?

Source [Atlantico] : Atlantico : Alors que le rejet du projet de loi immigration dans la version portée par le gouvernement a ouvert une crise politique majeure, Jordan Bardella a évoqué l’hypothèse d’une dissolution et indiqué qu’il serait prêt à accepter d’être Premier ministre. Le cas échéant, le RN aurait-il une majorité ?

Luc Rouban : Il est difficile de donner une réponse en se basant seulement sur les résultats des élections législatives de 2022. Il est vrai que 2022 ne ressemble pas à 2017 puisque le RN enregistre alors le plus haut score de son histoire avec 18,7% des suffrages exprimés contre 13,2% en 2017. De plus, les candidats du RN se sont qualifiés pour le second tour dans 208 circonscriptions et sont arrivés en tête dans 110 d’entre elles (20 en 2017). Au second tour, le RN est passé des 8 sièges de 2017 à 89 sièges en 2022. Cette avancée est également marquée par le fait que dans de nombreuses circonscriptions le candidat RN échoue face à ses adversaires à quelques points seulement et que le RN gagne 53 des 107 duels contre les candidats d’Ensemble ! Cela étant, le taux d’abstention fut historiquement très élevé, une variable décisive qui peut évoluer après une dissolution qui pousse à régler des comptes. Le paysage politique a également changé. La tension sociale s’est fortement accrue à la suite de la réforme des retraites, des nouveaux attentats islamistes, des émeutes de juillet 2023, de la montée des violences de toutes sortes qui n'épargnent même plus des élus locaux exaspérés. Donc, le RN pourrait être en position de force mais les législatives se jouent au cas pas cas en fonction de chaque circonscription où la notabilité est souvent très importante. Donc, pour l’instant, rien de permet de dire que le RN aurait la majorité absolue à l’Assemblée.

Xavier Dupuy : Dans les circonstances actuelles, le Rassemblement national est en capacité d'avoir une majorité relative. La mésentente à gauche peut permettre au RN d'arriver en tête sans avoir une majorité absolue. Le RN peut se retrouver première force politique de l'Assemblée avec 190 ou 200 députés.

Le problème du RN, c’est qu’il est dans une situation où il n’est pas en mesure de construire des majorités d'idées sur des textes. 200 députés à l’Assemblée, c’est une majorité relative très basse. Ça en laisse 377 dans l’opposition. Vous ne pouvez rien faire. Le RN aura tous les partis contre lui. 

N’oublions pas que sous la Vème République, c'est le président de la République qui nomme le Premier ministre. Et il nomme le Premier ministre là où il veut. Il n'est pas obligé de nommer le Premier ministre issu du premier parti politique de l'Assemblée nationale. Il peut très bien nommer un technicien. Il peut très bien nommer quelqu'un d'autre. Il n'a pas d'obligation. 

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