Criminalité maritime et nomos de la Terre. Entretien avec Xavier Raufer

Source [Conflits] : Xavier Raufer est criminologue. Pour Conflits, il analyse la place du golfe de Guinée dans le crime mondial.

Aujourd’hui, les eaux du golfe de Guinée, au large de l’Afrique de l’Ouest, sont vues par l’industrie maritime comme les plus dangereuses du monde. En quoi la piraterie (plus largement, le banditisme maritime) est-il un phénomène important à considérer dans les menaces pesant sur la région ? Quelles conséquences de ce phénomène pour l’Europe ?

En matière de géopolitique et de stratégie, la piraterie, prise dans sa durée et son intensité, est un baromètre d’appréciation cruciale de l’ordre ou du désordre mondial. On se souvient des livres magistraux de Carl Schmitt1 : Le Nomos de la TerreTerre et Mer ; grâce à eux, on apprend que dans l’histoire, notre monde traverse des phases d’ordre et de désordre.

Or à chaque fois, sans exception connue, que disparaît un nomos de la Terre (ordre mondial) : effondrement de l’Empire romain puis de l’oumma musulmane sur les deux rives de la Méditerranée ; déchirement de l’Europe lors des guerres de religion… immédiatement, la piraterie maritime revient – pour ne disparaître que quand s’affirme un nouveau nomos – parfois des décennies après. À ce titre, la piraterie est un marqueur essentiel de l’ordre/désordre mondial et doit être étudiée de près.

On tend à l’oublier, mais au fil des siècles, la piraterie a toujours été un phénomène extraordinairement politique : pirates barbaresques et djihad maritime. Guerre de course puis piraterie après la guerre de Trente Ans (1618-1648) avec des pirates – même français – alors surtout calvinistes, en fait des irréguliers du front protestant mondial – des hybrides avant la lettre. Cette guerre de course est alors vue comme « une nécessité vitale

 

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