Promesse et danger de la décarbonation

Source [Economie Matin] : Erik Berglöf est économiste en chef de la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures. Il s’inquiète de l’augmentation de la dette des Etats devant la nécessité de réduire les émissions mondiales de carbone.

Pour limiter le réchauffement climatique à 1,5° Celsius, il indispensable de décarboner l’ensemble du monde. Seulement voilà, conduire les économies émergentes à atteindre trop rapidement zéro émission nette risquerait d’entraîner une explosion de la dette libellée en dollar ainsi que de l’instabilité financières dans les pays en voie de développement. L’intégration de ces pays à l’effort de décarbonation nécessite par conséquent une stratégie plus nuancée.

Au cours de l’année dernière, dirigeants politiques et chercheurs, pour certains issus des pays en voie de développement, ont proposé des solutions à ce dilemme. Tandis que se réunissent les dirigeants mondiaux à l’occasion des réunions annuelles du Fonds Monétaire International et de la Banque mondiale, du 9 au 15 octobre 2023 à Marrakech, trois propositions en particulier méritent d’être sérieusement débattues.

Bien que les économies émergentes et en voie de développement aient peu contribué à la crise climatique, leurs émissions de dioxyde de carbone augmentent aujourd’hui rapidement. Pour atteindre la croissance économique qu’attendent leurs citoyens, pour respecter leur budget carbone et pour s’éloigner des énergies fossiles, il est nécessaire que ces pays investissent massivement dans les technologies vertes, financées principalement par les flux de capitaux internationaux.

D’après les prévisions formulées par la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement, dans son Rapport 2023 sur l’investissement dans le monde, les pays en voie de développement auront besoin de 1 700 milliards $ d’investissements annuels pour accomplir la transition écologique. En 2022, ils ne sont parvenus à obtenir que 544 milliards $. La plupart de ces financements sont libellés en dollar, ce qui alourdit la charge de la dette de pays à revenu faible déjà en difficulté pour honorer leurs obligations existantes à la suite de la pandémie de COVID-19, ainsi que de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. L’option consistant à recourir à d’autres financements en devises étrangères semble tout aussi peu réaliste, les revenus de ces pays étant pour l’essentiel libellés en monnaie locale.

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