(source : JDD) FRACTURE. Le sociologue québécois livre dans son dernier essai, « Les Deux Occidents », une analyse lucide du délitement du monde occidental. L’Amérique de la contre-révolution trumpiste et l’Europe progressiste formeraient deux blocs désormais irréconciliables.
Le JDD. Vous opposez, dans votre livre Les Deux Occidents, l’Amérique trumpiste d’un côté, nationaliste, conservatrice et protectionniste, et de l’autre l’Europe progressiste, « néosoviétique », postnationale, étatiste, « colonisée » selon vous par un « socialisme mental ». Jusqu’où peut-on filer la métaphore ? Diriez-vous qu’il existe aujourd’hui un rideau de fer entre ces deux blocs ?
Mathieu Bock-Côté. Le « vrai nom » du mur de Berlin était le « mur de protection antifasciste » – on disait aussi le « rempart de protection antifasciste » [selon la propagande de la RDA, NDLR]. À la lumière de notre actualité, j’irai même plus loin : on cherche aujourd’hui non seulement à mettre en place un nouveau rideau de fer, mais aussi un nouveau mur de Berlin entre les deux rives de l’Atlantique. La nomenklatura européiste, effrayée par la victoire trumpiste – y voyant, avec raison, le triomphe de la révolte populiste qui traverse le monde occidental depuis le début des années 1990 –, a donc lancé un « No pasaran » adapté aux années 2025, d’autant qu’elle voit dans la révolte populiste une forme de fascisme renaissant, ce qui est évidemment idiot.
