(source : Atlantico) Le souhait d’Emmanuel Macron de favoriser un label pour les médias, formulé fin novembre devant les lecteurs de la presse quotidienne régionale, ravive un débat ancien.
Atlantico : Le président de la République revient, depuis peu, à la charge sur la question de la labellisation des médias en France. Parmi les labels déjà existants figure le JTI pour “Journalism Trust Initiative”. De quoi s’agit-il exactement ?
Thibaut Mercier : Emmanuel Macron a un vrai problème avec l’information libre qui circule sur les réseaux sociaux et dans certains médias alternatifs. Il a donc proposé, il y a quelques semaines – c’était le 19 novembre 2025 lors d’un échange avec des lecteurs de La Voix du Nord –, une possible labellisation des sites d’information. Selon lui, ce label serait attribué par des « professionnels » (journalistes, syndicats, organismes comme la Journalism Trust Initiative de RSF), de façon volontaire, pour permettre aux citoyens de repérer plus facilement les médias qui respectent une certaine déontologie. C’est en tout cas l’objectif affiché. Évidemment, même si Macron jure la main sur le cœur que l’État n’y toucherait pas, cette idée pose un problème énorme : qui décide des critères ? Qui valide les « bons » journalistes ? Et surtout, un tel label, même volontaire, risque de devenir un outil puissant d’influence (algorithmes, publicité, visibilité…) qui marginaliserait automatiquement tous ceux qui refuseront ou n’obtiendront pas le sésame. On passe vite d’une certification « éthique » à une forme déguisée de mainmise sur ce qui est considéré comme de l’information « sérieuse » ou non.
Notons par ailleurs que ce n’est pas la première fois que le chef de l’Etat évoque ce type de dispositif. De telles options avaient déjà été envisagées à l’issue des états généraux de l’information, à l’issue desquels il avait été proposé d’étiqueter les intervenants des chaînes d’information en continue et des radios. On peut noter aussi que plusieurs médias ont déjà mis en place des politiques de décryptage ou de fact-checking : l’AFP, Franceinfo, Le Monde… Certains sont publics, d’autres largement subventionnés par l’État. Ce n’est donc pas exactement neuf : nous avons déjà, par le passé, instauré – ou envisagé d’instaurer – de tels mécanismes. Ces dernières déclarations ont simplement permis à Emmanuel Macron de préciser sa volonté… et de montrer une fois de plus que le gouvernement a beaucoup de mal avec la liberté d’information.
L’Arcom avait écarté en 2018 la possibilité de labelliser les intervenants des chaînes radio ou télévisuelles. Pour autant, en 2024 et après une action de guérilla juridique de Reporters Sans Frontières, un tel fichage des intervenants en fonction de leurs opinions avait été validé par le Conseil d’Etat. Un an plus tard le Conseil d’État, à l’initiative du Cercle Droit et Liberté que je préside, le Conseil d’Etat a rendu une nouvelle décision réalisant qu’il était allé trop loin en permettant un tel fichage, au moins dans l’affaire CNews. Prudence donc, car la tentation d’un contrôle total est toujours prégnante au Gouvernement.
