Tout au long de l’été, Liberté politique ouvre ses colonnes à différentes personnalités amies. Aujourd’hui, nous nous entretenons avec Daniel Dory, chercheur et consultant en analyse géopolitique du terrorisme.
Liberté politique : Qu’est-ce que le terrorisme ?
Daniel Dory : Le terrorisme, pour en rester à l’essentiel, est avant tout une technique violente de communication. Pour fonctionner de façon optimale il faut qu’un groupe ou entité quelconque (pouvant être un État, voire un individu, ce qui est plus rare) choisisse des victimes dont la souffrance (ou la destruction s’il s’agit de cibles non humaines) soit la plus à même de transmettre un message aux audiences (ennemies, sympathisantes, internationales, etc.) que l’on cherche à atteindre. Par exemple, le 13 novembre 2015, les personnes assassinées au Bataclan et sur les terrasses parisiennes sont représentatives de l’électorat de Hollande, dont le gouvernement avait récemment (un peu) bombardé l’État Islamique de l’époque. Dans ce cas, l’attentat de représailles et d’intimidation ne fait pas de doute. Parfois la logique de l’acte est plus difficile à décrypter, car on peut avoir des attaques « sous faux drapeau », des revendications multiples ou encore des destinataires imprécis. Ainsi les sabotages de lignes TGV en juillet 2024 demeurent non élucidés pour l’essentiel.
LP : Comment étudie-t-on le terrorisme ?
DD : Le terrorisme est un objet difficile à cerner scientifiquement. Ceci s’explique par le fait que le « terrorisme » renvoie à trois pôles de définition. D’abord un pôle polémique (on traité de « terroriste » l’ennemi absolu et abject, avec lequel on ne peut ou veut pas négocier) ; ensuite un pôle juridique (qui concerne la qualification et la répression des actes considérés terroristes en fonction de critères qui ne font pas l’unanimité au niveau international) ; un pôle scientifique, enfin, qui a vocation à expliquer les conditions, les modes opératoires et les conséquences du fait terroriste envisagé comme technique particulière d’interaction guerrière. Cette étude scientifique du terrorisme qui commence à se développer vers 1970 dans le monde anglophone sous le nom de terrorism studies a atteint actuellement un niveau de sophistication théorique et méthodologique suffisant pour produire des hypothèses vérifiables et des données exploitables pour mieux comprendre le fait terroriste dans toute sa complexité. Par conséquent il existe maintenant des manuels pour s’initier à cette discipline (dont un récemment paru en français) et des revues scientifiques de qualité. Bref, l’étude du terrorisme est entrée dans une phase de normalisation disciplinaire et d’accumulation critique des connaissances. On trouvera d’abondantes références à ce propos dans mon manuel : Étudier le terrorisme.
LP : Comment combat-on le terrorisme ?
DD : Le terrorisme n’est pas un ennemi, mais une technique. Par conséquent l’antiterrorisme a pour tâches de prévenir l’acte terroriste, combattre et capturer (ou éliminer) ceux qui recourent à cette technique (souvent parmi d’autres) et contribuer à la résilience post-attentat des sociétés attaquées. Il y a deux grands modèles d’antiterrorisme. Le premier, qui repose sur le couple Police/Justice traite le terroriste comme un criminel et agit en conséquence, souvent en respectant des règles de procédure précises. Le deuxième est le modèle militaire qui considère que le terroriste est avant tout un ennemi, et donc qu’il doit être mis hors combat par tous les moyens disponibles. Dans la pratique, et suivant les circonstances, ces deux modèles tendent vers une hybridation qui varie suivent les moments et les lieux.
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