La chronique anachronique de Hubert de Champris
Christian Stoffaës, Au service de l’atome – Une nouvelle histoire d’EDF – Odile Jacob, 283 p.
Au dernier moment, et pour un motif commercial évident, l’éditeur de ce récit a ajouté l’adjectif « nouvelle » à son sous-titre. Mais, ce qui est nouveau en fait, c’est que, émanant d’un haut fonctionnaire, décédé peu après la fin de la rédaction de l’ouvrage, et ayant longtemps travailler à et, supposément « pour » EDF, le livre est fondamentalement objectif et qu’il émet, en creux, un aveu : en tous ses échelons, la politique d’EDF fut – et en grande partie demeure – une politique contrainte, une politique sous contraintes.
Sous l’influence du thatchérisme, cette grande entreprise dont il n’est nullement aberrant de concevoir qu’elle devrait par essence faire partie des entreprises nationalisables, dût se comporter comme une « forteresse assiégée ». L’assaut, qui dure encore, a été d’abord mené par l’ARENH – loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité – qui contraindra donc EDF à subventionner ses concurrents, les « nouveaux entrants », en leur vendant à prix (très) réduit une quantité d’électricité fixée par le régulateur (la CRE, Commission de régulation de l’énergie qui, comme toutes les autorités administratives de ce type, en guise de soi-disant régulation, ne faisait de promouvoir et réguler la dérégulation ou, si vous préférez, ‘‘déréguler la régulation’’).
Le deuxième assaillant fut et demeure l’allié allemand qui, pour des motifs doctrinaux tenant tant à ce que nous appellerons le « naturalisme/naturisme romantique » allemand qu’à son histoire, abhorre ce qui lui semble brutaliser la nature ; et, de ce point de vue instrumentalisé à des fins commerciales, l’énergie nucléaire.
Le troisième assaillant fut, et demeure là encore, l’idéologie environnementaliste mondiale qui, curieusement (l’Allemagne poussant à la roue), n’a pas compris qu’au moins à moyen terme (pas ad vitam aeternam : on se reportera aux écrits de feu Jimmy Goldsmith, grand ami de Philippe de Villiers, qui, à l’égal du Prix Nobel d’économie Maurice Allais, quoique ayant prévu tout le reste si l’on peut s’exprimer ainsi, redoutait les dangers de l’usage civil de l’atome), cette énergie nucléaire devait être développée tant elle contribuait à garantir l’autonomie (juridique) et l’indépendance (globale et pas uniquement énergétique) du pays.
Ce qui est à la fois plaisant et agaçant, c’est que son auteur, qui fut, entre autres en ses qualités de directeur de la prospective et directeur des relations internationales d’EDF, un acteur éminent de tout ce qu’il raconte, se comporte dans son récit comme un observateur, certes tantôt bienveillant, tantôt réservé, la plupart du temps neutre, d’une entreprise sur laquelle il n’avait pas…prise. Il n’est pas sûr que, derrière cette façade, ne se cache quelqu’un qui, – après coup et à regret -, comprend qu’il ne se rendait pas compte du caractère néfaste d’une politique qu’il ne devait pas se contenter d’appliquer.
Hubert de Champris
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Christian Stoffaës, Au service de l’atome – Une nouvelle histoire d’EDF – Odile Jacob, 283 p.
