(source : Conflits) Notre démocratie est en crise, comment la réinventer ? Que nous enseignent ceux qui, au cours des âges, furent ses concepteurs ? Troisième volet de notre série consacrée aux philosophes et à la démocratie avec Nicolas Machiavel (1469-1527). Pour le Florentin, la conflictualité est un horizon politique indépassable : le « peuple » doit être armé pour ne pas subir la tyrannie des « Grands » et les républiques doivent être puissantes pour ne pas subir l’impérialisme des États voisins.
Jérôme Roudier, Institut catholique de Lille (ICL)
Machiavel est un penseur qui fait de la survie et de la fondation des États un enjeu fondamental. Pour celui qui exerça les fonctions de haut fonctionnaire de la République florentine, la question du régime politique est donc subordonnée à celle de la survie dans un contexte toujours marqué par l’horizon de la guerre.
Le meilleur régime est forcément celui qui assure à la fois la liberté et la puissance et qui permet de fonder l’État dans la durée. La science politique qu’il inaugure ainsi n’est plus une réflexion théorique, mais bien un programme politique articulant l’idéal au pragmatisme.
Un républicanisme originel et fondateur
Machiavel n’est pas à proprement parler un penseur de la démocratie. C’est un républicain convaincu. Les républicains de son époque entendent élargir la base du gouvernement et intégrer cette classe moyenne dans une vie politique qui, traditionnellement, est réservée aux aristocrates. Le choix, par Machiavel et par ses contemporains voire par la tradition florentine de parler de « République », indique un régime où, comme sous Rome, tout le monde n’est pas forcément citoyen.
Pour les républicains, jusqu’au milieu du XIXe siècle, l’élargissement voire l’universalisation de la citoyenneté constituera une question essentielle. Étant donné que la classe moyenne augmente peu à peu dans le temps pour atteindre une proportion très importante, voire majoritaire, de la population européenne, le républicanisme, dans ces conditions, s’articule avec une citoyenneté universellement attribuée aux membres de la société et peut alors se proposer comme le fondement théorique des démocraties modernes puis contemporaines.
