(source : Contrepoints) En quoi consistent les montages frauduleux d’arbitrage de dividendes, dits montages « CumCum » (de la racine latine « cum », qui signifie « avec ») ? Les dividendes versés à des non-résidents sont soumis à retenue à la source. Certains non-résidents organisent le transfert momentané de leurs valeurs au profit d’un Français ou d’un non-résident d’un pays exonéré, afin que la retenue ne soit pas prélevée. Après le transfert temporaire, le prélèvement n’ayant pas été effectué, les titres reviennent dans les mains du propriétaire initial avec le produit du dividende exonéré de retenue à la source.
Contre cette pratique frauduleuse, l’administration a notifié des redressements en appliquant la procédure d’abus de droit fiscal, la plus efficace pour cibler les schémas de fraude en allant au-delà des apparences susceptibles d’égarer les services de contrôle. Une telle pratique a également abouti à plusieurs dépôts de plainte et à une dénonciation fiscale auprès du parquet national financier (PNF) le 28 mars 2023. Cinq établissements bancaires ont aussitôt fait l’objet de perquisitions dans le cadre d’enquêtes sur des délits de fraude fiscale aggravée et de blanchiment. Depuis 2017, ce sont près de 4,5 milliards d’euros de redressement qui ont été notifiés par l’État en raison de cette fraude.
Lors de l’examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2025, le Sénat a tenu néanmoins à proposer un dispositif tendant à renforcer les outils de lutte contre la fraude « CumCum », sous-amendé par le Gouvernement pour en assurer la robustesse juridique. Une fois ce dispositif adopté par le Sénat, le Gouvernement a saisi le Conseil d’État d’une demande d’avis à son sujet. Rendu public, cet avis a suggéré plusieurs corrections et améliorations du dispositif, qui ont d’ailleurs été reprises à l’issue de la navette parlementaire du PLF.
La discorde entre le Gouvernement et le Parlement est née de la publication au Bulletin officiel des finances publiques (Bofip), le 17 avril 2025, d’un rescrit de l’administration fiscale destiné à préciser le champ d’application du texte voté par le Parlement. La question, technique mais cruciale, était de savoir s’il fallait, pour être sûr qu’il n’y ait pas de fraude, soumettre à retenue à la source toutes les transactions sur contrats à terme lorsque l’État de résidence de la contrepartie n’est pas connu. Le rescrit publié par Bercy indique que, lorsque les opérations interviennent sur un marché réglementé, les dispositions du nouveau mécanisme anti-abus n’imposent pas de les soumettre à retenue à la source de manière préventive si l’établissement payeur ne connaît pas effectivement sa contrepartie.
