Le populisme autoritaire : une montée inquiétante ?
Article rédigé par Contrepoints, le 24 août 2019 Le populisme autoritaire : une montée inquiétante ?

Source [Contrepoints] L’envie et le ressentiment sont les moteurs des impulsions collectivistes à travers le monde. Quelle réponse peuvent apporter les libéraux ?

Des gouvernements décrits comme populistes sont aujourd’hui au pouvoir en Pologne, en Hongrie, au Mexique et en Turquie. L’Italie et la Grèce sont gouvernées par des coalitions populistes multipartites, tandis que des populistes de gauche ou de droite sont les partenaires de gouvernements de coalition de sept autres pays de l’Union européenne. L’effondrement du Venezuela a été provoqué par la politique confiscatoire d’un gouvernement populiste. Le président du Brésil est un populiste déclaré. Et la prise en main du parti républicain par le trumpisme, une forme de populisme, a également favorisé la montée d’un populisme de gauche parmi les Démocrates.

Mais ces mouvements présentent une grande variété de programmes dans un large éventail de paysages politiques. Quels sont leurs points communs ?

QUELLE EST LA NATURE DU POPULISME ?

Les historiens et les politologues ont pendant des décennies discuté de la nature du populisme et ils ne sont pas toujours parvenus aux mêmes conclusions. Pour le théoricien politique Isaiah Berlin, en 1967 « une seule formule couvrant tous les populismes du monde ne serait pas très utile. Plus la formule est générale, moins elle est précise. Plus la formule sera précise, plus elle sera exclusive. » Néanmoins, Berlin identifiait une idée populiste fondamentale : l’idée qu’il existerait un « peuple authentique » qui serait la « victime d’une élite, qu’elle soit économique, politique ou raciale, et d’un ennemi dissimulé ou affirmé. »

La nature exacte de cet ennemi — « étranger ou autochtone, ethnique ou social » — n’a pas d’importance, ajoutait Berlin. Le concept du peuple luttant contre l’élite alimente la politique populiste.

Le politologue Jan-Werner Müller de Princeton propose une autre caractéristique : « En plus d’être anti-élitistes, les populistes sont toujours anti-pluralistes », affirme-t-il dans l’édition de 2016 de What Is Populism? (Presses de l’Université de Pennsylvanie). « Les populistes prétendent qu’ils représentent, et eux seuls, le peuple. » Dans cette optique, du point de vue du populisme, le peuple n’inclut pas tout le monde. Elle exclut les ennemis du peuple, qui peuvent se présenter sous différents visages : étrangers, presse, minorités, financiers, le 1 % ou d’autres personnes considérées comme n’étant pas nous.

Donald Trump a exprimé ce concept à sa manière lors de la campagne présidentielle en déclarant : « La seule chose importante est l’unité du peuple, car les autres ne comptent pas. »Pendant la campagne pour le Brexit, Nigel Farage, alors chef du Kingdom Independence Party, prédisait « la victoire des vrais gens ». Apparemment, ceux qui ont voté contre le Brexit ne se sont pas contentés de perdre ; ils n’étaient pas de vrais gens de toute façon.

UNE MENACE POUR LES LIBERTÉS

Toutes les formulations du populisme ne ressemblent pas à cela. L’historien Walter Nugent, par exemple, affirmait en 1963 dans The Tolerant Populists que le parti populiste historique de l’Amérique n’était pas plus anti-pluraliste que ses opposants. Dans Populism’s Power, publiée la même année que le livre de Müller, la politologue Wellesley Laura Grattan a proposé une définition du populisme qui laisse place à des mouvements pluralistes et inclusifs. Mais c’est le type de populisme Berlin-Müller qui se développe actuellement à Ankara, Budapest et Washington, menace pour la liberté individuelle, le marché libre, l’État de droit, le constitutionnalisme, la presse libre et la démocratie libérale.

Les politiques promues par ces gouvernements varient, mais ils rejettent deux idées qui sont liées. La première est le pluralisme, l’idée que les gens sont différents, ne partageant pas les mêmes intérêts ni les mêmes valeurs, ce qui implique des compromis dans un processus politique démocratique. L’autre est le libéralisme, pas au sens américain du mot, mais la conviction plus large que les individus ont des droits et que le pouvoir de l’État devrait être limité pour protéger ces droits.

NOUS SOMMES LE PEUPLE

Les populistes peuvent être de gauche, mais sans être nécessairement motivés par les idées marxistes de conflit de classe ou de planification centrale. Ils peuvent être de droite, mais ils sont nettement différents des réactionnaires de la vieille école qui rêvaient de restaurer un monde hiérarchique et ordonné ; ils rêvent plutôt de noyer les anciennes catégories sociales dans la masse indifférenciée du peuple. Ils peuvent aussi rejeter complètement l’opposition gauche/droite. Selon les mots de la populiste française Marine Le Pen en 2015, « La division ne se fait pas maintenant entre la gauche et la droite, mais entre les mondialistes et les patriotes ».

Pour les populistes la véritable volonté du peuple authentique s’incarne souvent dans un dirigeant unique. Hugo Chávez , l’ancien président populiste vénézuélien, n’hésitait pas à affirmer : « Chávez ce n’est plus moi ! Chávez c’est le peuple ! Chávez, nous sommes des millions. Vous êtes aussi Chávez ! Vénézuélienne, tu es aussi Chávez ! Jeune Vénézuélien, tu es Chávez ! Enfant vénézuélien, tu es Chávez ! Soldat vénézuélien, tu es Chávez ! Pêcheur, fermier, paysan, marchand ! Parce que Chávez ce n’est pas moi. Chávez c’est le peuple ! »

Le chef de la Turquie, Recep Tayyip Erdoğan, n’a-t-il pas répondu à l’un de ses rares opposants en tonnant : « Nous sommes le peuple ! Qui êtes-vous ? » Et Donald Trump, sur un ton moins dramatique, n’a-t-il pas dit : « Je suis votre voix ! » ?

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24/08/2019 06:00