Nous pourrons à nouveau aimer l'Amérique !
Article rédigé par Roland Hureaux, le 19 janvier 2017 Nous pourrons à nouveau aimer l'Amérique !

Beaucoup d'entre nous sont depuis vingt-cinq ans très critiques de la politique étrangère des Etats-Unis menée sous l'égide de la pensée néoconservatrice. Ils se font en conséquence taxer régulièrement  d'antiaméricanisme de manière aussi mécanique que les critiques du communisme se faisaient autrefois taxer d'antisoviétisme par Georges Marchais. Bernard-Henri Lévy est même allé, pour jeter un interdit encore plus violent sur toute critique à assimiler l'antiaméricanisme à l'antisémitisme ! 

La doctrine  néoconservatrice a inspiré aussi bien des démocrates comme Clinton, mari et femme, voire Obama, que des républicains comme Bush Jr . Nous n'incluons pas son père dans cette série dans la mesure où la première guerre du Golfe (1990) , à la différence de la seconde (2003) répondait à une agression réelle et, quoique déjà discutable, était  conforme  à la Charte des Nations-Unies. Les principes de cette doctrine  : l'Amérique a un modèle de civilisation supérieur et la mission de  l'imposer au reste du  monde au besoin en  changeant les régimes par la force. Par un étonnant paradoxe, sa mise en œuvre s'est traduite dans le Proche-Orient arabe par une alliance avec l'islamisme radical. Le bilan de cette politique : au moins sept guerres, des millions de morts  (en incluant les effets de l'embargo imposé à  l'Irak de 1991 à 2003).  

Rien à voir avec la période de la guerre froide où les Etats-Unis avaient généralement réagi à une agression du bloc communiste (Corée, Vietnam, Afghanistan), ni avec les rodomontades de Reagan qui a réussi à "gagner le guerre froide", sans jamais attaquer personne, en tous les cas de manière ouverte (sauf la minuscule Grenade).     

Le paramètre idéologique

 

On ne peut manquer d'établir  un parallèle entre ce qui s'est passé aux Etats-Unis depuis  1990 et ce qu'il était advenu de la Russie au temps du communisme.

Nous ne reviendrons pas sur les méfaits de ce  régime, d'abord pour les Russes , puis pour les peuples allogènes de  l'URSS, ensuite pour ceux qui tombèrent sous le joug du communisme après 1945, notamment les pays d'Europe de l'Est. Que la Chine, devenue elle aussi  communiste en 1949, ait ensuite pris ses distances avec l'Union soviétique n'empêche pas que l' idéologie  marxiste y ait   été au moins aussi dévastatrice.

Toutefois l'horreur que pouvait inspirer le communisme ne pouvait empêcher que beaucoup  d'entre nous aient aimé la civilisation russe : ses icônes, ses églises à  bulbes, ses grands romanciers, ses grands musiciens etc. C'est pourquoi la chute du communisme permet de révérer à nouveau cette civilisation ; le nouveau régime, à  la tête de qui se trouve Poutine, a certes des défauts mais il ne renie pas le passé  de la Russie : il met en avant la religion orthodoxe et la patrie russe, deux valeurs que la Russie actuelle ne cherche pas imposer au reste du monde.  Selon le mot du général de Gaulle, un pays bien gouverné doit être en paix à l'intérieur, respecté à l'extérieur (les deux  étant liés). C'est le programme qui semble être celui de la Russie actuelle, ce que ne veulent pas comprendre les néoconservateurs qui, avec un rare aveuglement, voient toujours le soviétisme derrière la Russie de Poutine.

La même chose peut être dite des Etats-Unis. On peut aimer l'héritage américain  bien qu'il soit moins riche que le russe, aimer l'épopée du Far West , le roman américain, le jazz, le cinéma de Hollywood, aimer l'enthousiasme avec lequel les Américains ont combattu à nos côtés au cours de la Première puis de la Seconde guerre mondiale , ainsi que leur  résistance au communisme. On peut en même temps trouver détestables les effets de l'idéologie néoconservatrice dans le monde :  une idéologie moins dévastatrice à l'intérieur que ne l'était le communisme en Russie, mais bien plus à  l'extérieur, si on additionne  les dégâts des guerres  engagées en son nom au cours des dernières années, y compris par Obama, Prix Nobel de la Paix. 

Trump, malgré son style grossier a nettement pris ses distances avec cette idéologie : il récuse le regime change, il accepte l'idée que d'autres parties du monde ne soient pas adaptées aux valeurs américaines, il refuse toute complaisance avec l'islamisme et se propose d'établir un partenariat pacifique avec la Russie. Il se déclare mu par la défense des intérêts des Etats-Unis et non par  la volonté de répandre  une idéologie. Comme la chute du rideau de fer en 1990  à l'Est, son élection annonce à l'Ouest un retour à la politique classique débarrassée de l'idéologie. 

Que nous trouvions Donald Trump aimable ou pas n'est  pas la question. De même que la chute du communisme avait permis aux Russes et à ceux qui aiment la Russie de retrouver le goût de ce pays, la fin du néo-conservatisme - dont on mesurera bientôt toute la folie qu'il a représenté -  nous permet de redevenir les amis de Etats-Unis.