Médecin, catholique, elle pratique l’euthanasie
Article rédigé par Guillaume de Prémare, le 10 octobre 2014 Médecin, catholique, elle pratique l’euthanasie

“Médecin catholique, pourquoi je pratique l’euthanasie” (Presses de la renaissance) : c’est le titre d’un livre de Corinne Van Oost, qui fait actuellement couler beaucoup d’encre. Le témoignage d'une compassion irrationnelle, purement subjectiviste, à la dialectique habile.

DE NOMBREUX commentaires jugent ce titre racoleur, provocateur et commercial. Au contraire, il dit crûment le contenu de l’ouvrage : Corinne Van Oost est médecin, catholique, et elle explique pourquoi elle pratique en effet l’euthanasie, c’est-à-dire l’injection volontaire d’une substance mortelle.

Ce livre repose sur un témoignage de la pratique compassionnelle de Corinne Van Oost, sur le récit d’un parcours qui l’a menée des soins palliatifs à l’euthanasie. Et elle tire de son expérience personnelle des conclusions d’ordre général : 1/ « Une société qui admet l’euthanasie est une société qui a gagné en humanité », écrit-elle. 2/ L’acte euthanasique est justifiable en conscience, y compris pour une conscience catholique. 3/ On ne peut vraiment pratiquer les soins palliatifs au principal qu’en acceptant l’euthanasie à la marge, comme ultime recours.

Piège dialectique

L’articulation de l’acte euthanasique avec les soins palliatifs constitue le principal piège dialectique de ce livre. C’est pourquoi, à mon avis, concentrer trop largement l’argumentation anti-euthanasique sur l’alternative offerte par les soins palliatifs offre une prise à ce piège.  Cela revient en quelque sorte à entrer en « concurrence compassionnelle », en « concurrence d’expériences » : ma compassion (les soins palliatifs) est supérieure à la tienne (l’euthanasie).

Et l’argumentaire euthanasique de Corinne Van Oost a beau jeu de retourner la perspective : « Vous avez raison, les soins palliatifs sont merveilleux, ils sont même supérieurs à l’euthanasie, mais l’euthanasie arrive derrière, comme palliatif à l’échec du palliatif. D’une certaine manière, nous avons raison tous les deux. » C’est imparable, c’est le "Ippon rhétorique" parfait : tout en douceur, Corinne Van Oost absorbe la force de l’argumentation adverse, la retourne et l’envoie au tapis. 

« Ici gît la raison »

C’est ainsi que la compassion, essentialisée à partir de l’absolu du « moi » et de l’expérience personnelle, construit le grand cimetière universel de la raison. « Ici gît la raison qui n’a pas su justifier ses justes raisons », pourrions-nous écrire comme épitaphe sur le marbre froid. Oh il ne s’agit pas de s’interdire de parler de compassion et de soins palliatifs, il s’agit de les mettre à leur juste place dans l’ordre de la raison.

En effet, compassion contre compassion, expérience contre expérience, tout est relatif. C’est pourquoi la dialectique de Corinne Van Oost est nettement plus insidieuse que celle du « droit à choisir sa mort », développée par les militants de l’euthanasie.

À ce stade, que faire ? S’opposer à la sacralisation des droits individuels, certes. C’est ce que fait Mgr Pontier avec audace dans La Croix : « Renforcer le droit individuel à choisir sa mort constitue une dérive dangereuse », écrit-il. Mais nous ne pouvons faire l’impasse sur le rappel de la fonction morale, sociale et culturelle de l’interdit. Notre société veut "faire tomber les tabous". Il convient de relever le défi et de refonder la fonction structurante et protectrice du tabou, de l’interdit. C’est peut-être un peu froid, mais c’est nécessaire, indispensable.

 

Guillaume de Prémare
 Chronique prononcée sur Radio Espérance le 3 octobre 2014

 

Medecin

Corine Van Oost
 Préface de Véronique Margron
Médecin catholique, je pratique l'euthanasie
 Presses de la renaissance
 230 pages, 17 €

 

***