Loi Taubira : non possumus
Article rédigé par Pierre-Olivier Arduin, le 24 avril 2013 Loi Taubira : non possumus

La loi civile qui bafoue la loi morale et contredit la droite raison ne peut se substituer à la conscience, ni dicter aux personnes des normes qui échappent à sa compétence. En détruisant l’essence du mariage et en instaurant un droit à l’enfant privé délibérément de père ou de mère, la loi Taubira constitue une loi gravement inique dont l’application appellera une objection de conscience claire et incisive.

SI LA LOI TAUBIRA devait être validée par le Conseil constitutionnel et le texte promulgué par le président de la République, l’ouverture du mariage et de l’adoption aux « couples » de même sexe ne pourra obliger la conscience morale car elle sera dépourvue de toute légitimité.

Le mariage possède des caractéristiques essentielles qu’aucun Parlement ou aucune majorité politique ne peut remettre en cause : la structure de la famille fondée sur l’union exclusive, fidèle et stable entre un homme et une femme qui s’engagent, vis-à-vis de la société, à pourvoir en commun à l’éducation des enfants qui naîtront d’eux ou qu’ils adopteront, est antérieure à l’État. Ce n’est pas l’orientation sexuelle des individus qui fonde le mariage ou la parenté, c’est la distinction anthropologique des sexes. Cette complémentarité des sexes est une propriété essentielle du mariage, elle lui est inhérente, c’est une vérité reconnue comme telle par la raison et toutes les grandes cultures du monde, et jusqu’il y a peu, par l’ensemble des systèmes juridiques. Il s’agit donc d’une propriété sur laquelle l’État n’a aucune prise mais qui, au contraire, s’impose à lui.

Le mariage est une institution essentielle au bien commun car il permet également d’inscrire l’enfant dans une filiation qui protège son origine et sa place dans une généalogie cohérente. Supprimer en toute connaissance de cause à un enfant sa dimension paternelle ou maternelle constitue une violence sans précédent qui attente à son droit d’être conçu, porté, mis au monde et élevé par ses parents. Même en cas d’adoption, il s’agit de donner un père et une mère à un enfant orphelin qui en a été privé en raison de circonstances accidentelles ; c’est pourquoi les pouvoirs publics ont toujours fait en sorte que les parents adoptifs remplacent au plus près les parents biologiques.

 Une loi corrompue n’est pas une loi

Le droit de la famille fondée sur le mariage entre un homme et une femme et le droit de l’enfant à bénéficier d’une référence assurée et reconnue à ses parents, protectrice de son identité, ne tirent donc pas leur légitimité de l’État. L’État est postérieur au mariage et à la famille. Voilà pourquoi il n’appartient pas à l’État de redéfinir ce que doivent être le mariage et la famille. Au contraire, il doit en être le garant et le protecteur.

Le pouvoir politique ne peut toucher à ces réalités fondamentales sans abus de pouvoir : si le pouvoir politique contredit l’éthique, il ne respecte plus les droits et la dignité des personnes, il sape ses propres fondements, détruit l’équilibre et la vitalité de la société : la conscience est alors acculée à se dresser contre lui. C’est bien la clé d’interprétation des manifestations actuelles et ce qui fait leur force irrépressible. 

Lorsqu’une loi va à l’encontre d’un principe universel conforme à la nature humaine et au vrai droit, elle cesse d’être une loi, et n’oblige plus comme l’ont montré de grands auteurs dans l’histoire de la pensée. Thomas d’Aquin écrit notamment : « La loi humaine a raison de loi en tant qu’elle est conforme à la raison droite […]. Mais dans la mesure où elle s’écarte de la raison, elle est déclarée loi inique et, dès lors, n’a plus raison de loi, elle est plutôt une violence [1]. » Et encore : « Toute loi portée par les hommes n’a raison de loi que dans la mesure où elle découle de la loi naturelle. Si elle dévie en quelque point de la loi naturelle, ce n’est plus alors une loi mais une corruption de la loi [2]. »

Il est important de comprendre que ce principe de « reconnaissance de la structure naturelle de la famille fondée sur le mariage entre un homme et une femme », dont Benoît XVI a montré – avec le principe de « protection de la vie à toutes ses étapes, du premier moment de sa conception jusqu'à sa mort » et celui de « protection du droit des parents d'éduquer leurs enfants » – qu’il était « non négociable » dans une démocratie qui se veut respectueuse des droits de l’homme, n’est pas d’abord une vérité de la foi chrétienne, même si cette foi offre un éclairage et une confirmation supplémentaire pour le défendre (Discours aux participants d’un congrès promu par le parti populaire européen, 30 mars 2006).

Objection de conscience

Les principes non négociables sont inscrits dans la nature humaine elle-même, ils sont donc communs à toute l'humanité et doivent être défendus par le droit. « L'action de l'Église en vue de leur promotion n'est donc pas à caractère confessionnel, mais elle vise toutes les personnes, sans distinction religieuse. Inversement, une telle action est d'autant plus nécessaire que ces principes sont niés ou mal compris, parce que cela constitue une offense contre la vérité de la personne humaine, une blessure grave infligée à la justice elle-même », ajoute Benoît XVI dans ce discours adressé à des parlementaires.

Il est donc du devoir absolu de l’autorité publique d’agir de telle manière que la loi civile soit réglée sur les normes fondamentales de la loi morale pour tout ce qui concerne les droits de l’homme, de la vie humaine, de la liberté d’éducation et de l'institution familiale.

Parce qu’elle détruit l’institution matrimoniale, l’une des exigences fondamentales sans le respect duquel une société ne peut perdurer, la loi Taubira est intrinsèquement injuste au regard de l’éthique : elle est donc dépourvue de la moindre validité juridique et par conséquent ne peut prétendre de quelque façon que ce soit s’imposer à la conscience. Pour le dire avec le bienheureux Jean-Paul II qui a longuement réfléchi sur les rapports entre la loi civile et la loi morale, « des lois de cette nature, non seulement ne créent aucune obligation pour la conscience, mais elles entraînent une obligation grave et précise de s'y opposer par l'objection de conscience » (Evangelium vitae, n.73).

Ces brèves considérations nous permettent de comprendre pourquoi le droit à l’objection de conscience sur ces sujets dits sociétaux n’est pas une question de religion, d’opinion subjective, d’avis personnel mais une question de justice. Lorsque la Congrégation pour la doctrine de la foi présidée alors par le cardinal Joseph Ratzinger s’est penchée en 2003 sur le thème des « projets de reconnaissance juridique des unions entre personnes de même sexe » en rendant un avis extrêmement argumenté, elle a pris soin de préciser dès l’introduction que le raisonnement proposé ne visait pas seulement les croyants mais « tous ceux qui sont engagés dans la promotion et dans la défense du bien commun de la société ».

Les recommandations de ce texte capital sont sans appel :

"

« Lorsqu’on est confronté à la reconnaissance juridique des unions homosexuelles, ou au fait d’assimiler juridiquement les unions homosexuelles au mariage, leur donnant accès aux droits qui sont propres à ce dernier, on doit s’y opposer de manière claire et incisive. Il faut s’abstenir de toute forme de coopération formelle à la promulgation ou à l’application de lois si gravement injustes, et autant que possible ne pas coopérer matériellement à leur application. En la matière, chacun peut revendiquer le droit à l’objection de conscience. »

"

Tous concernés

S’il faut insister sur le fait qu’une conscience droite ne saurait se dérober à la confrontation avec une loi civile corrompue et les ordres injustes émanant de l’autorité publique, il ne faut pas non plus se voiler la face sur les suites qui risquent d’être très lourdes pour les personnes concernées. Interrogé sur BFM TV dimanche 21 avril, Xavier Lemoine, maire de Montfermeil (PCD) a rappelé que son refus de célébrer un mariage « homosexuel » même si la loi entrait en vigueur n’était pas une décision prise à la légère : « En disant cela, je me suis renseigné : trois ans de prison, 45 000 euros d’amende et destitution par le préfet, donc je sais ce que je risque. »

L’objection de conscience n’est donc en rien un acte anodin et nous ne devons pas taire l’injustice des conséquences graves, voire la persécution, qui s’apprêtent à tomber sur les hommes et les femmes directement confrontés. Là encore, Jean-Paul II avait pressenti le prix à payer d’une attitude courageuse :

"

« L'introduction de législations injustes place souvent les hommes moralement droits en face de difficiles problèmes de conscience en ce qui concerne les collaborations, en raison du devoir d'affirmer leur droit à n'être pas contraints de participer à des actions moralement mauvaises. Les choix qui s'imposent sont parfois douloureux et peuvent demander de sacrifier des positions professionnelles confirmées ou de renoncer à des perspectives légitimes d'avancement de carrière » (Evangelium vitae, n.74).

"

Allons-nous vers la multiplication de situations qui relèveraient du « martyre moral » ?

Dans le champ de l’objection de conscience à une loi intrinsèquement mauvaise, il faut y inclure également toute forme de « coopération matérielle » à sa mise en œuvre, ce qui revient à dire qu’outre les maires et les adjoints impliqués au premier chef, seront concernés de nombreux personnels de l’état civil obligés de rédiger ou signer des actes contraires à la loi morale à moins d’être licenciés, les assistant(e)s sociaux(ales) et les psychologues qui ne pourront s’opposer à la délivrance des agréments d’adoption pour les « couples » de même sexe sans risquer d’être condamnés pour discrimination devant un tribunal, les professeurs interdits de remettre en question la légitimité de la loi (et même contraints de la promouvoir dans les nouveaux cours de morale laïque et d’étude de « genre » de Vincent Peillon) sous peine de sanction du ministère de l’Éducation nationale…

Face à un État qui verse dans l’arbitraire et contre lequel il ne reste plus que l’opposition de la conscience au nom de l’éthique, du bien de la famille, des enfants et de la société, il est important que nous « prenions conscience », ensemble, des devoirs qui nous incombent, et que nous soyons d’ores et déjà solidaires de celles et ceux qui seront en première ligne pour témoigner des valeurs fondamentales qui appartiennent au patrimoine commun de l’humanité.

P.-Ol. A.

 

 

© Photo : LMPT Paris 21/04/13, J.-P. Bonnafont/Liberté politique

_____________________________________
[1] Somme théologique, I-IIae, q. 93, a. 3.
[2] Ibid., I-IIae, q. 95, a. 2.