Depuis la polémique lancée lors des élections régionales, le financement public du Hellfest 2010 a fait couler beaucoup d'encre. Dangereux, pas dangereux ? Spécialiste du satanisme et des relations entre la jeunesse et les nouvelles religiosités, le père Benoît Domergue répond à nos questions.

Vous assistez depuis sa deuxième édition au festival Hellfest, dont l'édition 2010 vient de s'achever. Comment définiriez-vous ce rassemblement ?

Le  métal , pour ceux qui n'en sont pas coutumiers, est une variante de hard rock, chanté avec un rythme très rapide et des voix gutturales, qui s'apparentent parfois à des chants chamaniques. Cette année était la cinquième édition de ce grand rassemblement auquel ont assistés 72.000 personnes, avec un succès grandissant. Il s'agit donc d'un réel phénomène underground tandis que le métal a tendance à devenir une musique vulgaire au sens latin du terme, c'est-à-dire ordinaire et répandue.

Si l'ambiance peut paraître très bon enfant lors de ces réunions, le type de comportement adopté là-bas peut également relever de la régression. Ce festival est un vecteur médiatique, folklorique et financier pour cette culture du métal, mais il sous-tend également des provocations antichrétiennes, anti-christiques et même parfois sataniques.

Les gestes symboliques du public et des groupes présents sont parfois violents et non sans conséquences. Sur place, il n'est pas rare de voir des tee-shirts affichant des croix gammées ou renversées. Même si c'est par ignorance (plusieurs de ceux que j'ai interrogés ne connaissaient pas le procès de Nuremberg), même si c'est pour s'amuser, il n'est pas bon d'afficher et de jouer avec de tels symboles – cela s'appelle du négationnisme – tout comme il n'est pas bon pour un enfant de jouer avec des fils électriques tombés à terre même s'il ne sait pas ce que c'est.

De nombreux  métalleux  ont réagi sur nos forums affirmant qu'il fallait savoir dissocier la musique des paroles. À les entendre, ce n'était pas pour les messages de violence qu'ils se rassemblaient au Hellfest, d'autant plus que nombre d'entre eux ne comprenaient pas les paroles en anglais. Cette dissociation est-elle selon vous réellement possible ?

En linguistique élémentaire, il est prouvé de manière assez évidente que l'information ne passe pas que par les mots et les phonèmes. Tout le contexte de l'énonciation joue et notamment la prononciation, le ton, l'attitude et surtout l'intentionnalité de l'émetteur... Ce n'est donc pas parce qu'on ne comprend pas ce qui est dit qu'on ne ressent pas la violence du message. La traduction également est un faux problème dans la mesure où les paroles ont très peu de vocabulaire qu'elles empruntent au registre le plus connu : tout le monde comprend quand on parle de blood ! Sans oublier que  Jésus Christ, Satan, antéchrist ou sacrifice  sont des mots identiques, que ce soit en français ou en anglais.

Par ailleurs, quand on est dans un environnement tel que celui de ce festival, avec des décibels excessifs et des flashs stroboscopiques lumineux aveuglants, quand on constate qu'aujourd'hui, les spectateurs ne sont plus passifs mais qu'ils dansent en rythme, on comprend aisément que les mots ne sont qu'un des langages employés lors de ces manifestations parmi celui du corps, des sensations...

J'aime citer un exemple assez simple pour manifester cette réalité : si un jeune en voyage en Russie se trompe de porte à l'aéroport, même s'il ne parle pas le Russe, il comprendra les rappels à l'ordre de la police !

Il en va de même au Hellfest. On décrypte comme on peut les messages qui nous sont adressés mais on est influencés et ce n'est certainement pas parce que c'est inconscient que c'est moins dangereux. Au court des concerts, les jeunes chantent souvent avec les leaders. C'est bien le signe qu'ils connaissent et qu'ils ont assimilé d'une certaine manière ces chansons et leurs messages.

Comment réagissez-vous, comme pasteur catholique, face aux nombreuses provocations anti-chrétiennes qui essaiment l'actualité et ont souvent lieu dans ce genre de manifestation (on pense notamment aux paroles de ces chansons) ?

Je ne sais pas s'il y a une attitude à avoir face à la provocation. Il faut essayer de passer au delà des apparences. Le Christ l'a dit,  la Vérité vous rendra libre  (Jn 8, 32). Il n'y a rien à faire face à la provocation ! Il faut certainement se situer à un autre niveau où l'on peut discuter. Nous devons la vérité à ceux qui veulent nous contredire à tout prix !

Dans tous les cas, il faut se sentir libre. Nous ne devons pas nous positionner en victimes ou nous sentir complexés : réjouissez-vous si l'on vous persécute dit encore Jésus, avec les béatitudes (Mt 5, 10-12). Nous devons avant toute chose nous accepter tel que nous sommes et accepter l'autre pour entrer dans un dialogue. La provocation est parfois un désir inconscient de communication. Nous ne devons donc pas rester insensibles à la provocation qui peut être un appel au secours. Il ne faut simplement pas y répondre sur le même plan.

Pour ma part, oui, je suis choqué ; mais je réagis, je parle, je prie et puis c'est tout !


Propos recueillis par Antoine Besson pour Libertepolitique.com.

 

Pour en savoir plus :

Père Benoît Domergue,
Culture jeune et ésotérisme : Vers une dérive antichristique de la culture des jeunes ?
Editions bénédictines, 2005, 163 pages, 15 €

 

 

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