C'est devenu un marronnier : depuis que l'organisation des épreuves du baccalauréat est ouverte aux établissements privés, les crucifix dans les centres d'examen indignent les lobbies laïques à l'approche des examens. Cette année, c'est le député Christian Bataille (PS, Nord) qui mène la charge. Interrogé par le parlementaire, le ministre Luc Chatel a découvert que le principe de neutralité devait s'appliquer partout dans le cadre du service public. L'enseignement catholique parisien, pour sa part, ne trichera pas avec son identité.

Lors de la séance des questions au gouvernement du 4 mai 2010, le député Christian Bataille s'adresse au ministre de l'Éducation nationale :

Les élèves de l'enseignement public convoqués dans ces centres [d'examen] devront composer dans des salles qui comportent des signes religieux, comme c'est l'usage dans les établissements confessionnels (vives protestations sur les bancs du groupe UMP). Monsieur le ministre, quelles dispositions entendez-vous prendre pour que les chefs de centres d'examen soient des fonctionnaires d'État et pour que les signes religieux soient retirés ou recouverts pendant le déroulement des épreuves du baccalauréat ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Luc Chatel rappelle qu'en vertu des contrats passés avec l'État, les établissements d'enseignement privé doivent participer à l'organisation des épreuves nationales du baccalauréat, d'où, d'après lui, une mise en conformité aux normes du service public :

L'organisation de l'examen du baccalauréat est l'un des aspects du service public de l'éducation. À ce titre, il est évidemment soumis, monsieur Bataille, au principe de neutralité, et il est demandé au recteur de veiller au respect effectif de cette neutralité. Ainsi, les épreuves écrites comme les épreuves orales doivent se dérouler dans des salles où aucun signe religieux extérieur ostentatoire ne doit être mis en avant.

La réponse du ministre n'a pas échappé à Jean-François Canteneur, adjoint au directeur de l'enseignement catholique de Paris. Sur la page d'accueil du site de la direction diocésaine, il s'interroge : Faudrait-il "tricher" parce qu'on est centre d'examen ?

Dès lors que les candidats à un examen national sont reçus dans des établissements privés qui participent au service public en tant qu'institutions contractuellement liées à l'État en vertu de leur propre différence, l'État prend ses responsabilités pour que la liberté de conscience des candidats soit respectée. Le contrat qui lie l'État à l'enseignement catholique suppose un engagement réciproque au respect de la conscience de tous les protagonistes de l'Éducation nationale : parents, élèves, professeurs. Ce principe, qui renvoie à l'article L. 442-1 du Code de l'éducation, n'a jamais fait difficulté.
M. Canteneur note que les établissements catholiques assurent loyalement la part de service public qui leur est confiée, dans la logique du contrat d'association, même si cela en dépasse les termes et s'il leur en coûte . En accueillant les candidats à l'épreuve du Bac, les établissements scolaires catholiques resteront ce qu'ils sont, avec une histoire, une communauté éducative, un projet :

Le nom de ces établissements ou un signe discret dans les salles le rappelle parfois, sans ostentation ; leur dénier ce caractère n'y changerait rien. Qui serait-il trompé au petit jeu du déguisement ?

Tenir ses engagements
Le plus fâcheux dans ces crispations autour des signes religieux, s'inquiète Jean-François Canteneur, n'est pas tant la méfiance que certains peuvent avoir dans la capacité d'abstraction nécessaire des candidats pour comprendre comment un signe renvoie à une réalité plus large qu'il signifie , que dans la volonté politique de s'attaquer aux institutions catholiques en faisant disparaître les signes qui n'ont rien d'attentatoire :

La laïcité garantit au contraire la neutralité de l'État, liberté de conscience et pluralisme. Au fondement de l'éducation, il y a l'apprentissage qui permet de se reconnaître différents et de se respecter, dans la réciprocité.

Il serait heureux que l'Éducation nationale rejoigne les accents éclairés du discours du Latran de M. Sarkozy et ne s'enferme pas dans les errements liberticides de la laïcité négative.
Dans une note juridique adressée en février 2010 aux chefs d'établissement de l'enseignement catholique parisien, dont Liberté politique a eu connaissance, la direction diocésaine rappelait que si aucune réglementation n'impose de retirer croix ou crucifix dans les centres d'examen organisés dans des locaux privés , le service public devait tenir ses engagements en respectant la liberté religieuse de ses partenaires :

La question n'est d'ailleurs pas la croix en elle-même, qui ne porte aucun préjudice et n'est qu'un signe, un élément d'un ensemble — comme le sont le nom de l'établissement, son histoire, son projet, son organisation ou la présence d'une chapelle... Supprimer ce signe serait faire violence à l'identité de l'établissement sans retirer pour autant son caractère catholique auquel le signe renvoie.

En savoir plus :

 

 

***