Recevant les membres du Conseil pontifical pour les laïcs le 21 mai à l'occasion de sa 24e assemblée plénière sur le thème Témoins du Christ dans la communauté politique , Benoît XVI a prononcé un discours sur l'engagement politique chrétien. Un appel à la compétence, à la cohérence et à l'ouverture. Voici la traduction française intégrale et exclusive de ce document, réalisée par Liberté politique.

MM. les cardinaux,
vénérés frères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce,
chers frères et sœurs,

Je salue tous avec joie les membres et les consulteurs participants à la 24e Assemblée plénière du Conseil pontifical pour les laïcs. J'adresse un salut cordial à son président, le cardinal Stanislaw Rylko, en le remerciant des paroles courtoises qu'il m'a adressées, son secrétaire, Mgr Josef Clemens, et à toutes les personnes présentes.
La composition même de votre dicastère, où, avec les pasteurs, travaillent une majorité de laïcs venus du monde entier et représentant les situations et les expériences les plus diverses, offre une image significative de la communauté organique qu'est l'Eglise, dont le sacerdoce commun, propre aux fidèles baptisés, et le sacerdoce ordonné, plongent leurs racines dans l'unique sacerdoce du Christ, selon des modalités essentiellement différentes, mais ordonnés l'un à l'autre.
Arrivé presque à la conclusion de l'Année sacerdotale, nous nous sentons encore plus reconnaissants pour le témoignage du don étonnant et généreux et le dévouement de tant d'hommes conquis par le Christ et configurés à Lui dans le sacerdoce ordonné. Jour après jour, ils accompagnent le chemin des laïcs fidèles du Christ, "Christifideles laici", en proclamant la Parole de Dieu, communiquant son pardon et la réconciliation avec Lui, appelant à la prière et offrant comme nourriture le Corps et le Sang du Seigneur. C'est de ce mystère de communion que les fidèles peuvent tirer l'énergie profonde pour être les témoins du Christ dans tout le concret et la densité de leur vie, dans toutes leurs activités et leur environnement.

Le thème de votre Assemblée : Témoins du Christ dans la communauté politique , revêt une importance particulière. La formation technique des hommes politiques n'entre certainement pas dans la mission de l'Église. En fait, il y a plusieurs institutions consacrées à cet objet. Toutefois, sa mission est aussi de porter un jugement moral sur les réalités qui se rapportent à l'ordre politique, lorsque cela est exigé par les droits fondamentaux de la personne et le salut des âmes [...] en utilisant seulement tous les moyens qui sont conformes à l'Évangile et en harmonie avec le bien de tous, selon la diversité des temps et des situations (Gaudium et Spes, 76).
L'Église se concentre particulièrement sur l'éducation des disciples du Christ, de sorte que, de plus en plus, ils soient partout témoins de sa présence. Il appartient aux laïcs de montrer concrètement dans la vie personnelle et familiale, sociale, culturelle et politique, que la foi permet de lire la réalité d'une façon nouvelle et profonde et de la transformer, que l'espérance chrétienne s'étend au-delà de l'horizon limité de l'homme et lui montre la grandeur de son être véritable, ordonné à Dieu ; que la charité dans la vérité est la force la plus efficace pour changer le monde, que l'Évangile est la garantie de la liberté et un message de libération, que les principes fondamentaux de la Doctrine sociale de l'Église, tels que la dignité de la personne humaine, la subsidiarité et la solidarité, sont particulièrement opportuns pour ouvrir de nouvelles voies de développement au service de tout homme et de tous les hommes.
Cohérence et compétence
Il est de la compétence des fidèles de prendre une part active à la vie politique, toujours en cohérence avec l'enseignement de l'Église, en partageant le bien-fondé de leurs raisons et de leurs idéaux dans le débat démocratique et la recherche du consensus le plus large avec ceux qui ont à cœur de défendre la vie et la liberté, la vérité et la famille, la solidarité et la recherche nécessaire du bien commun.
Les chrétiens ne cherchent pas l'hégémonie politique ou culturelle, mais, partout où ils sont engagés, ils agissent avec la certitude que le Christ est la pierre angulaire de toute construction humaine (cf. Congrégation pour la doctrine de la foi, Note doctrinale sur certaines questions relatives à l'engagement et le comportement des catholiques dans la vie politique, le 24 nov. 2002).

Reprenant l'expression de mes prédécesseurs, je peux aussi affirmer que la politique est un champ (realm) très important de l'exercice de la charité. Celle-ci demande aux chrétiens un engagement fort auprès des citoyens, pour la construction d'une vie bonne au sein des nations, ainsi que par une présence effective dans les institutions et les programmes de la communauté internationale. De véritables hommes politiques chrétiens sont nécessaires, mais plus encore des fidèles laïcs capables de témoigner du Christ et de l'Évangile dans la société et dans le monde politique. Cette exigence, qui doit être présente dans les programmes éducatifs des communautés ecclésiales, exige de nouvelles formes d'accompagnement de la part des pasteurs. L'appartenance des fidèles à des mouvements ecclésiaux ou à des communautés nouvelles peut être une bonne école de témoignage, soutenue par une richesse de charismes nouveaux, éducatifs et missionnaires.
C'est un défi exigeant. Le temps que nous vivons nous place devant de vastes et complexes problèmes où la question sociale est devenue une question anthropologique. Les paradigmes idéologiques se sont effondrés qui prétendaient, dans un passé récent, offrir une réponse scientifique à cette question. La diffusion du relativisme culturel et de l'individualisme hédoniste affaiblit la démocratie et favorise les pouvoirs autoritaires.
Il est nécessaire de retrouver ou de renforcer la prudence politique : être exigeant sur ses propres compétences, faire un usage critique du progrès scientifique, appréhender la réalité sous toutes ses aspects, allant au-delà des réductionnismes idéologiques et des prétentions utopiques, être ouvert au dialogue et à la collaboration, être conscient que la politique est un délicat équilibre entre idéaux et intérêts, ne jamais oublier que la contribution des chrétiens ne sera décisive que si l'intelligence de la foi devient intelligence du réel, clé pour juger le monde et le transformer. Une véritable révolution de l'amour est nécessaire.
Les nouvelles générations ont devant elles des exigences et des défis dans leur vie personnelle et sociale. Votre dicastère les suit avec une attention toute particulière, surtout à travers les Journées mondiales de la jeunesse, qui depuis 25 ans ont produit des fruits apostoliques riches chez les jeunes. Parmi ceux-ci, figure également l'engagement social et politique, un engagement basé non pas sur des idéologies ou des intérêts égoïstes, mais sur le choix de servir l'homme et le bien commun, à la lumière de l'Évangile.

Chers amis, tandis que j'invoque du Seigneur des fruits abondants pour les travaux de cette assemblée et pour votre travail quotidien, je confie chacun de vous, vos familles et vos communautés à l'intercession de la Bienheureuse Vierge Marie, Étoile de la nouvelle évangélisation, et je vous donne ma sincère bénédiction apostolique.
Benedictus pp XVI
Source : Zenit, edition anglaise
Titre et intertitres de la rédaction.
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