Le HellFest, festival des musiques extrêmes, s'est tenu à Clisson en région nantaise, du 17 au 19 juin. Après la mobilisation initiée par le collectif  Provocs HellFest ça suffit , alertant sur le contenu ouvertement antichrétien d'une large partie de la programmation, interview-bilan avec son responsable, Louis Peramet, et le blogueur Les yeux ouverts.

Le HellFest 2011 est désormais passé. Pour y faire face, vous avez cherché à alerter et mobiliser l'opinion locale et nationale par l'intermédiaire d'un collectif : quels fruits a porté cette action ?

La pétition que nous avons initiée a recueilli 5 000 signataires. Elle constitue une base de travail intéressante avec des contacts pour soutenir et intensifier l'action du Collectif à l'avenir. Notre action s'est traduite aussi par le retrait des logos des mécènes du site officiel du HellFest. Nous sommes maintenant des acteurs incontournables de la protestation, identifiés par les médias : plusieurs entretiens nous ont été demandés, dont un par France 4 dans le cadre d'une émission programmée sur l'été, et plusieurs médias ont rendu compte de notre action, comme La Croix ou Valeurs Actuelles. Par ailleurs, une association est en cours de constitution, qui appuiera de façon très intéressante et complémentaire notre action : nous pourrons en dire plus l'année prochaine.

Revenons à l'événement lui-même, dont vous souligniez depuis plusieurs semaines le contenu violemment antichrétien d'une grande partie de la programmation artistique : à la suite de vos alertes, des groupes ont-ils été déprogrammés ?

Deux groupes ont été déprogrammés : Satanic Warmaster, un groupe de black metal nazi, et Anal Cunt, un groupe de grindcore qui plaisante avec les victimes de la Shoah. Il reste un effort à faire aux gardiens de l'ordre public pour que la vigilance et le respect s'appliquent aussi aux messages christianophobes, et que l'on ne considère plus les chrétiens comme des citoyens de seconde zone.

En effet, si l'on comprend bien, l'hostilité antichrétienne n'a donc pas été jugée comme un argument suffisant pour interdire la venue des musiciens et chanteurs concernés, et seul l'antisémitisme a été refoulé. A défaut d'empêcher que des artistes aux propos incitant à la haine antireligieuse se produisent, les pouvoirs publics et les élus locaux ont-ils au moins réagi verbalement ? Qu'en a dit la droite ? Qu'en a dit la gauche ?

A notre interpellation des groupes politiques du Conseil Régional, seul celui d'Europe Ecologie-Les Verts a répondu, pour indiquer son soutien au HellFest. A titre personnel, seule la conseillère régionale Sandra Bureau a pris la parole ; les autres, là encore, sont restés bien silencieux ! Nous notons tout de même des interventions du Parti Chrétien Démocrate. Alors,  qui ne dit mot consent , comme dit le proverbe. Nous osons pourtant espérer que les groupes s'affichant à droite, dans une région dominée par les socialistes, évoluent. Les échéances de 2012, c'est bientôt !

Si les déclarations ont été rares, est-ce qu'on a pu au moins constater des gestes significatifs, tels que le retrait de subventions publiques ou privées, dès cette année, ou bien annoncées pour l'an prochain ?

Non, les subventions n'ont pas été retirées. Elles ont même été augmentées dans le cadre du déménagement du HellFest à 400m du site actuel. Pour 2012, les subventions s'élèvent déjà à 460 000 euros, auxquelles il faut rajouter les aides indirectes (telles que les emplois aidés, la logistique et la sécurité), ce qui porte la somme à un minimum de 600 000 euros d'aide, soit 200 000 euros par jour, et ce pour une fiesta de l'enfer rassemblant au plus fort 25 000 festivaliers, la capacité d'accueil maximale du site. Sans les subventions, le HellFest n'aurait pas lieu : les organisateurs gonflent donc les chiffres de fréquentation en annonçant trois fois la fréquentation quotidienne ! Cette manipulation, nous allons nous attacher à bien la faire connaître.

Résumons : aucun groupe aux paroles antichrétiennes déprogrammé, une absence quasi-totale de réaction des responsables politiques, un soutien assumé des pouvoirs publics, le tableau n'est franchement pas encourageant. Est-ce que l'Eglise catholique, de son côté, a protesté contre l'événement ?

Nous sommes au regret de constater que Monseigneur James, évêque de Nantes, n'est pas intervenu publiquement cette année. Nous en sommes désolés, mais c'est un constat, alors que le risque est immense, et la responsabilité des politiques aussi.

Il n'y a pas en effet que des groupes ouvertement christianophobes au HellFest : il y a aussi des groupes clairement satanistes, qui savent avancer masqués, tels que Therion (lire à ce sujet le témoignage très parlant du blogueur Pneumatis) qui se livrent sur scène à un vrai rituel démoniaque, ou comme Septic Flesh, dont le dernier album s'apparente à une messe noire. A voir le nombre de chrétiens fréquenter ce genre de  culture , il nous semble que la parole de l'Evêque se doit d'être forte et, à la manière de la veuve de l'Evangile, insistante. Nous saluons l'intervention du curé de Clisson, le père Henry, qui a dénoncé les excès du HellFest sans état d'âme, en intervenant dans son champ de compétence, celui de prêtre et de pasteur.

Venons-en aux faits eux-mêmes : au cours du HellFest, étiez-vous sur place ? Avez-vous pu constater des débordements ?

Nous nous sommes en effet rendus sur place pour rencontrer des métalleux, des médias et des Clissonnais. La belle unanimité est loin d'être aussi évidente que les médias l'écrivent. Par ailleurs, nous avons noté que cette fiesta de l'enfer s'est traduite par 20 évacuations sanitaires dont 2 pour coma éthylique lourd. Il faut dire que la consommation d'alcool a atteint des records cette année, tant en muscadet (8500 litres) qu'en bière (100 000 litres) !

Cocaïne, cannabis, kétamine circulent aussi en quantité. Il y a eu 52 interpellations pour détention de stupéfiants ou de drogues dures, plusieurs gardes à vue pour violence en réunion. Notons enfin que l'irrespect édifié en droit absolu a permis la tenue d'un concert à 11h sous les halles de Clisson, au moment de la messe dominicale, et que sur les pass destinés aux riverains non festivaliers, figurait une croix renversée, une de plus.

Justement, en réponse à cette multiplication de gestes antichrétiens, avez-vous fini par porter plainte comme vous l'aviez évoqué lors de notre entretien précédent ?

C'est désormais le rôle du Collectif que d'envisager les fondements de celle-ci, sachant qu'en l'état actuel du droit, le blasphème ou les propos christianophobes ne sont pas considérés comme des délits. Il faut ici dénoncer le  2 poids, 2 mesures  législatif et juridique. Il a suffit que la Fédération des déportés et internés de France écrive au maire et au Préfet pour leur signaler la présence d'Anal Cunt au HellFest et le titre de sa chanson pour qu'il soit déprogrammé. Quant aux chrétiens, il semble qu'ils doivent attendre un incident grave et antichrétien en relation directe avec le HellFest, sur place ou a posteriori, pour que les pouvoirs publics agissent.

Les députés et sénateurs ont un vrai travail à faire pour que la christianophobie, ainsi que l'incitation à des attitudes attentatoires à la dignité de la personne humaine, soient mieux prévenues et sanctionnées, au même titre que le sont l'antisémitisme ou l'islamophobie. C'est en ce sens que nous avons adressé un courrier à M. Claude Guéant, ministre de l'Intérieur et des cultes. A notre niveau de simples citoyens, nous allons continuer l'action que nous avons initiée cette année : le temps joue de toute façon de plus en plus pour nous.

Quel bilan faites-vous de cette saison ? On ne peut pas dire que les résultats de la mobilisation soient très positifs...

A première vue c'est vrai, puisque notre objectif de faire cesser la participation des groupes en question et les subventions qui le permettent n'est pas atteint. Mais nous avons beaucoup de motifs de satisfaction au regard des forces en présence : d'un côté un collectif qui n'a que quelques mois d'existence et peu de moyens, et de l'autre le HellFest qui a 6 ans et qui bénéficie de soutiens importants. Pour nous, le bilan est positif.

Qu'est-ce qui vous réjouit plus particulièrement ?

Tout d'abord, nous sommes encore plus motivés qu'il y a quelques mois ! La prise de conscience progresse, et les médias, bien que très majoritairement acquis à la cause du HellFest, nous accueillent et répercutent nos infos, qui s'enrichissent chaque jour. Notre détermination est tranquille, et se renforce chaque jour davantage, à mesure que l'image du HellFest apparaît de plus en plus sous son vrai jour : celui d'un événement dont le caractère antichrétien est reconnu de la bouche même des organisateurs, tout comme les intentions satanistes du black metal. On a dit adieu au  folklore  et au  second degré . La question financière et celle de la fréquentation réelle se sont davantage invitées dans le débat public : le HellFest bénéficie tout de même d'un minimum de 600 000 euros de subventions, et ce pour simplement 25 000 festivaliers ! Par ailleurs, la tentative du HellFest de faire fermer notre blog par lettre recommandée à Google France a été un échec.

En synthèse, notre satisfaction pour 2011 est essentiellement d'avoir contribué activement à débusquer et mettre en lumière des contre-vérités ou des mensonges, sans que nous soyons démentis. Bien que ne disposant pas d'autant de moyens que le HellFest, nous sommes pris au sérieux, y compris par les médias.

Puisque vous êtes déterminés à poursuivre votre action, que prévoyez-vous pour l'an prochain ?

Plein de projets ! A commencer par la constitution de relais régionaux mais aussi de réunions d'information et de mobilisation dans chacune des régions de France : des dates et des relais sont déjà enclenchés. Le blog va s'enrichir, et le comité de pilotage aussi. Un comité de soutien est par ailleurs en cours de constitution. Nous interviendrons bien sûr le moment venu concernant les subventions, qui ne sont pas toutes allouées définitivement.

Nous éplucherons bien sûr la programmation 2012 en étant beaucoup plus curieux et en nous entourant de plus de spécialistes. Nous avons encore d'autres projets, qui verront le jour en fonction de nos moyens. Mais une chose est sûre : ceux qui douteraient de notre engagement en seront pour leurs frais, car jamais nous n'accepterons sans rien faire cette subversion des esprits et des cœurs.

Propos recueillis par T.D.

 

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