Quand le macronisme enfreint la séparation des pouvoirs et nous montre sa conception de la démocratie

Source [Marianne] "La question n'est pas qu'institutionnelle. Et ses conséquences sont tragiques. L'équilibre des pouvoirs n'est pas une lubie de constitutionnalistes mais un des fondements de la démocratie."

Ça pourrait n'être qu'une boulette, mais elle est diablement révélatrice. Emmanuel Macron, selon une information publiée lundi 8 juin par l'AFP, a demandé à Nicole Belloubet de « se pencher » sur le dossier Adama Traoré. Et là, claque magistrale, c'est l'avocat de la famille Traoré qui se paie le luxe d'invoquer la séparation des pouvoirs pour opposer au président et à la ministre une fin de non-recevoir. Quelqu'un, du côté de l'Elysée, a-t-il lu récemment Montesquieu ? Visiblement pas.

Et, de fait, le pouvoir législatif n'a pas droit à plus de respect que le pouvoir judiciaire. L'Elysée, voilà quelques jours, a fait savoir à différents médias son intention de créer « une commission qui portera un regard indépendant et collégial sur la crise » du Covid. Une réponse à la prochaine commission d'enquête parlementaire, qui, elle, ne serait pas indépendante ? Faut-il comprendre que l'opposition parlementaire serait illégitime pour chercher à évaluer l'action de l'exécutif dans un moment de crise majeure ? L'enquête est pourtant la seule prérogative qui reste encore à un Parlement que l'inversion du calendrier électoral et la déréliction des partis politiques ont réduit au rôle d'ectoplasme.

Ces deux anecdotes racontent, comme beaucoup d'autres, la nature du macronisme. Avant toute chose, le produit de la destruction obstinée de la Ve République et de ses équilibres par des présidents qui n'y ont vu que le moyen de se maintenir au pouvoir quand le pays les rejetait. Formidable distorsion du sens de l'élection au suffrage universel. Elle donne désormais une légitimité qui semble écraser toutes les autres et faire taire même les protestations des citoyens avec lesquels, pourtant, le président est censé, par cette élection, tisser un lien privilégié.

La question n'est pas qu'institutionnelle. Et ses conséquences sont tragiques. L'équilibre des pouvoirs n'est pas une lubie de constitutionnalistes mais un des fondements de la démocratie. Ce n'est pas un hasard si, parallèlement à cette forme respectable et propre sur elle de populisme pur et simple, se développent des atteintes aux libertés individuelles et une forme d'emprise administrative qui nous éloignent insensiblement d'une authentique démocratie.

Retrouvez l'intégralité de l'article en cliquant ici