Pourquoi nous finirons (probablement) tous par avoir le Coronavirus un jour

Source [Atlantico] L’épidémiologiste Marc Lipsitch, de l’université américaine de Harvard, a indiqué que le coronavirus "ne pourra finalement pas être maîtrisé" et qu'il infectera jusqu'à 70% de l’humanité d’ici un an. Pourquoi est-il si difficile de contenir l'épidémie ?

Atlantico.fr : Selon l'épidémiologiste Marc Lipsitch, l'épidémie à coronavirus ne sera pas endiguable et infectera « 40% à 70% de l'humanité ». Covid-19 peut-il réellement se propager à une telle échelle ? Pourquoi est-ce si difficile de contenir cette épidémie ?

Stéphane Gayet : Marc Lipsitch est professeur d’épidémiologie à l’université de Harvard (dans l’agglomération de Boston, la doyenne des universités américaines). En premier lieu, une précision terminologique : on demande de nommer ce virus actuel SARS-CoV2 et la maladie produite par ce virus CoVid-19. SARS-CoV2 pour le distinguer de SARS-CoV, c’est-à-dire le tout premier coronavirus identifié comme responsable d’une épidémie d’infection pulmonaire sévère. Car jusqu’alors, les coronavirus étaient connus comme des agents infectieux de rhume et d’infection bénigne des voies aériennes. Ils étaient (sont) plus connus des vétérinaires et des éleveurs, notamment pour causer la péritonite aiguë virale féline à coronavirus (infection abdominale, parfois sévère, fréquente chez les chats).

Précisons aussi que le sigle SRAS est français (syndrome respiratoire aigu sévère) et le sigle SARS anglais (inversion). CoV signifiant tout simplement coronavirus (l’une des nombreuses familles de virus à ARN potentiellement pathogènes).

Ainsi, après l’épidémie de 2003, également apparue en Chine, d’infection pulmonaire aiguë sévère à SARS-CoV, nous voici depuis quelques mois confrontés à un nouveau coronavirus nommé SARS-CoV2, donc lui aussi apparu en Chine. Dire que ces virus sont « apparus » en Chine est une expression impropre : ils ont émergé dans ce pays. Il s’agit de zoonoses, ce qui revient à dire que ces maladies infectieuses humaines sont provoquées par des agents infectieux provenant d’animaux.

Il en est de même pour la fièvre jaune, l’infection à Ebola virus, les cas humains de grippe aviaire, la peste, la borréliose de Lyme et de bien d’autres maladies infectieuses. C’est l’occasion de dire que cette épidémie actuelle d’infection pulmonaire à coronavirus déchaîne les rumeurs et les écrits sur les réseaux sociaux où l’on peut lire beaucoup de contrevérités écrites pour manipuler ou affoler les gens. En France, les sources les plus fiables d’informations primaires (informations brutes non façonnées pour être accrocheuses) sont les sites de l’Institut Pasteur, de l’Inserm, de Santé publique France ainsi que celui du ministère chargé de la santé. Il est affligeant de voir comment de nombreuses personnes écrivent sur les réseaux sociaux des absurdités affolantes et irresponsables, avec le but de se rendre intéressantes.

Marc Lipsitch compare l’épidémie due à SARS-CoV2 à l’épidémie due à SARS-CoV (2003), mais également aux infections pulmonaires dues au virus aviaire A-H5N1. Le taux de mortalité de CoVid-19 est inférieur à 2 %, celui de l’épidémie à SARS-CoV était de 15 % de façon globale et de 50 % chez les sujets âgés de plus de 60 ans, tandis que celui qui est dû à l’infection par le virus grippal aviaire A-H5N1 est d’environ 60 %. Par comparaison, le taux de mortalité de la grippe saisonnière est très nettement inférieur à 1 %.

Interviewé par James Hamblin, médecin journaliste pour The Atlantic, il développe la thèse selon laquelle cette épidémie à SARS-CoV2 est dangereuse parce qu’elle n’est pas grave. Selon lui, quand une infection respiratoire (virale) est grave, les malades sont facilement et rapidement identifiés, hospitalisés et les mesures de prévention secondaire sont efficaces. Au contraire, quand elle n’est pas grave, de nombreux malades circulent et mènent des activités, ce qui leur donne l’occasion de largement disséminer les virus dans la population et cela de façon imperceptible.

Les propos de Marc Lipsitch doivent être nuancés avec la notion que l’on a d’une assez faible contagiosité de CoVid-19.

Toujours est-il que l’épidémiologiste américain estime que le virus SARS-CoV2 a déjà commencé sa dissémination dans plusieurs populations et de façon inapparente. Il y a un autre point faible de sa théorie : les personnes malades diffusent leur virus essentiellement par la toux et les éternuements. La toux est le signe fonctionnel évocateur d’une infection des voies aériennes inférieures et elle est le mécanisme essentiel de diffusion aux autres. Dans le cas d’un individu qui serait atteint (malade) de façon asymptomatique, donc d’un sujet qui ne tousserait pas, la dissémination ne pourrait s’effectuer que par la parole (et les cris) ; or, la puissance et la portée des aérosols émis par la parole sont bien plus faibles qu’avec la toux. Cela signifie qu’en l’absence de toux, il faille une étroite proximité, donc une très courte distance entre individus. Et il faut encore ajouter que l’intensité de la production de particules virales est liée à l’intensité de l’infection : plus on est malade et plus on est contagieux (dans une certaine mesure).

Si Marc Lipsitch disait vrai, cela voudrait dire qu’il existerait d’ores et déjà des personnes contagieuses mais non malades en apparence et qui pourraient largement disséminer le virus. Dans ce cas, l’épidémie serait vraiment difficile à contenir, pour ne pas dire impossible, comme l’énonce l’épidémiologiste. C’est sa thèse et nous verrons s’il avait raison.

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