Macron et les européennes : une victoire " à la Orwell "

Source [Roland Hureaux] Il n’a pas fallu attendre longtemps après la proclamation du résultat des européennes pour que le chœur des médias pro-gouvernementaux (presque tous) présente le résultat comme une victoire du président.

Ceux qui ne partagent pas ses orientations, soit une large majorité des Français, ne doivent pas être dupes : ce n’est nullement  là une analyse objective de la situation mais l’effet d’une opération de communication de type nouveau, fondée sur l’idée que, quel que soit le résultat effectif de la bataille, il suffit de claironner assez fort que c’est une victoire pour que ce soit une victoire.

La médiatisation du monde, aux deux sens du terme : l’importance des médias, de plus en plus homogènes, et le fait que le contact avec les images remplace le contact direct avec les  choses, rend ce genre d’opération possible .

George Orwell a  décrit un monde totalitaire où la propagande en arrive à imposer que « la paix, c’est la guerre », « la liberté c’est l’esclavage. Aujourd’hui, «  la défaite , c’est la victoire  ».

Qu’en est-il au juste ? Le seul sujet de satisfaction dont peut se targuer le pouvoir est d’avoir limité l’avance du Rassemblement  national à 0,9 %, soit moins que le triomphe annoncé.

Hors cela, on ne voit pas de quoi pourrait se réjouir Macron : par rapport au premier tour des présidentielles, il a perdu 3,5 millions de voix et encore une partie des voix de Fillon, peut-être 2 millions, se sont-elles entre temps ralliées à lui, ce qui suppose que la désaffection de son électorat d’origine est encore plus étendue.

Le RN a aussi perdu de voix, mais moins : 2,3 millions et il en gagné un demi -million par rapport aux élections européennes précédentes.

Le score de Macron en pourcentage, 22,4 %, soit 11, 2 % des inscrits est très faible pour un pouvoir en place. Il signifie eu près de 9 Français sur 10 n’ont pas voulu donner un satisfecit au président. Cela correspond à peu près aux 80 % d’automobilistes  qui donnaient au début du mouvement des signes d’approbation aux Gilet jaunes. Il n’y a pas là  de quoi chanter victoire. D’autant que ce résultat comprend une grande partie de votes légitimistes, celui de gens qui votent  presque systématiquement pour le pouvoir, en particulier dans l’électorat âgé ou très âgé. Compte tenu du comportement de ces électeurs, 20 % est le plancher quasi-incompressible en-deçà duquel  peut difficilement  descendre un président en exercice. A comparer aux 60-70 % d’opinions favorables des nationaux : Poutine, Orban, Salvini .

Néanmoins Macron pense avoir une base suffisante pour « continuer les réformes ». Et une partie du public, notamment les électeurs passés des Républicains à En marche réclament  « des réformes, des réformes » sans se demander si celles que projette Macron sont bonnes ou pas. 

Gageons que même si Macron avait essuyé une défaite retentissante, il aurait quand même dit « Je continue ». Il dit ça depuis six mois que la crise de Gilets jaunes a commencé.  C’est le propre des idéologues : rien ne les arrête, rien n’est susceptible de remettre en cause leur certitude que leurs idées sont bonnes et surtout pas un mouvement populaire  ou un désaveu électoral. Lénine avait même théorisé que les résistances permettaient d’ accélérer le mouvement.

Mais  si le peuple n’a exprimé rien  de précis dans cette élection sinon un bien faible enthousiasme pour le pouvoir  en place, il serait illusoire de croire   qu’il va laisser passivement un pouvoir à la légitimité si faible, continuer comme si de rien n’était. Gageons que ceux qui se rallient à lui aujourd’hui, notamment parmi les  Républicains, n’en seront pas très fiers aux échéances du printemps prochain.

 

Roland HUREAUX