Macron et les catholiques : un "en même temps" impossible à tenir

Source [Le Salon Beige] Chaque semaine pour Valeurs actuelles, le père Danziec raconte depuis son presbytère ce qu’il observe des hommes et de notre société.

Les idylles ne se terminent pas toujours sous un soleil d’azur mais elles débutent toujours par une lune de miel. Lorsqu’Emmanuel Macron répond à l’invitation des évêques de France au collège des Bernardins, prend officiellement possession de son siège de chanoine d’honneur de la cathédrale du Latran ou n’hésite pas à évoquer la figure de Jeanne d’Arc lors de son hommage à Arnaud Beltrame, sans doute il y a chez le Président de la République, dans sa relation avec les catholiques, une part d’audace. Le contraste apparaît d’autant plus saisissant que cette séquence de deux ans suit le quinquennat d’un président à l’athéisme revendiqué. Là où, notamment, François Hollande ignorait suprêmement les acteurs de la Manif pour tous, l’actuel Président de la République, lui, reconnaît qu’ils ont été humiliés lors des auditions parlementaires.

Mais l’audace à elle-seule ne fait pas un Cyrano. L’essentiel réside dans la profondeur. Pour qu’une relation devienne complice, les mots doux finissent toujours par devenir sans reliefs s’ils ne s’accompagnent pas d’écoute, de reconnaissance ou de gestes concrets. La main d’Emmanuel Macron qui saisit le goupillon lors des obsèques de Johnny Hallyday, avant de se refuser à bénir le cercueil, résume à elle seule le tiraillement d’un homme.

L’observateur qui analyse trop vite s’empressera de voir dans le « en même temps » présidentiel la raison profonde d’une relation inconfortable du chef de l’Etat avec l’Eglise. Comment apparaître cohérent lorsqu’on accueille dans la cour de l’Elysée les déhanchements des danseurs du DJ Kiddy Smile tout en s’affirmant soi-même convaincu devant les évêques de France « que la sève catholique doive contribuer encore et toujours à faire vivre notre nation » et confier que son rapport à la spiritualité continue de nourrir sa pensée ?

Cependant nous serions tous un peu tartuffes à pointer du doigt cette superposition de postures contradictoires, les hommes dans leur ensemble ne sont pas à une contradiction près dans leur vie… Pour Emmanuel Macron, la difficulté majeure à établir une relation sereine avec l’Eglise ne se situe peut-être pas sur ce plan.

Au-delà du « en même temps », elle pourrait tenir davantage du fait qu’il n’est pas du « même temps » que l’Eglise. Et cela tient au premier chef à la logique même de son mandat. Que sont cinq années à la tête de la Vème république face aux racines chrétiennes de la France ? La grandeur n’appartient pas au temps court, elle est davantage l’histoire d’une vie entière, plus souvent même celle d’une civilisation. Là où le Président de la République s’engage à rebâtir Notre-Dame de Paris en cinq ans, il semble oublier que les ouvriers qui ont creusé les fondations de la cathédrale savaient qu’ils ne verraient pas de leur vivant la consécration de l’édifice. Plus que de paroles cajolantes, les catholiques ont besoin d’écoute. S’intéresser véritablement à l’autre et prendre en compte ce qui est important pour lui, voilà l’une des clefs d’un dialogue constructif. Les catholiques n’ont que faire d’un geste architectural contemporain dans la reconstruction de Notre-Dame, ils ne sont pas gravement intéressés de voir la cathédrale faire peau neuve dans l’urgence dans le but de contenter les foules à venir lors des Jeux Olympiques en 2024. L’archevêque de Paris le rappelait devant un Jean-Jacques Bourdin médusé : « la cathédrale Notre-Dame de Paris a été construite pour un morceau de pain dont nous croyons qu’il est le corps du Christ »… Les leçons les plus courtes restent les plus faciles à retenir.