Au Sahel, «je n'ai pas besoin de canons supplémentaires, mais il nous faut gagner en mobilité»

Source [Liberation] A quelques semaines de la fin de son mandat, le général Bruno Guibert, commandant de la force Barkhane, tire le bilan de son action à la tête de la plus grosse opération militaire française à l'étranger, déployée depuis quatre ans.

Depuis le quartier général de «Barkhane» à N’Djamena, le général Bruno Guibert a dirigé pendant un an les 4 500 soldats français déployés au Sahel. Il a été le premier «comanfor» (commandant de la force) de l’ère Macron. Le Président a beaucoup plaidé pour la «montée en puissance»de la force conjointe du G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger, Tchad), tout en s’inscrivant dans la continuité de l’opération décidée par François Hollande.

La persistance des attaques jihadistes (la dernière en date a eu lieu le 1er juillet à Gao), après quatre ans d’efforts militaires français, soulève pourtant de plus en plus d’interrogations sur la pertinence de la stratégie antiterroriste de Paris au Sahel. «On est au bout de l’exercice, la situation se dégrade sérieusement, a ainsi critiqué l’ancien ministre de la Défense Hervé Morin, vendredi sur France 2. On voit de plus en plus d’actions armées menées par des groupes jihadistes et il y a très clairement des forces de déstabilisation qui sont en train de gagner du terrain.» Le général Guibert, lui, se dit «serein». «Un jour ou l’autre, ils perdront», assure-t-il. A quelques semaines de passer la main, il revient sur les ajustements et les innovations qu’il a apportés à «Barkhane».

Comment l’opération Barkhane a-t-elle évolué sous votre mandat ?

L’ennemi a su observer nos forces et nos faiblesses. L’un de nos principaux handicaps était la prévisibilité. Il ne faut jamais négliger son adversaire : dans le cas du Sahel, il nous observe en permanence, il a des sonnettes [des indicateurs] partout. J’ai souhaité, en accord avec les autorités politiques et militaires à Paris, faire évoluer nos modes opératoires. Nous devons sortir loin, longtemps, et aussi légèrement que possible. Nous privilégions désormais les opérations longues sur le terrain, en bivouac, souvent pendant un mois, voire davantage. Nous cherchons aussi à réduire notre empreinte logistique, pour se rapprocher de la vélocité de l’ennemi. Barkhane commence à se doter de pick-up, par exemple. Grâce à cette approche, nous arrivons souvent à surprendre les groupes armés terroristes (GAT).