Les relations qui semblent s’instaurer entre le nouveau président Macron et son homologue Poutine, quoiqu’elles marquent un progrès par rapport au temps de Hollande, ce qui n’est pas difficile, restent marquées du sceau de l’ambiguïté.

On pouvait craindre le pire : la liste des soutiens de Macron ressemblait furieusement à un comité anti-Poutine ; rien dans les idées du nouveau président qui laissât espérer un changement par rapport à la ligne Hollande.   

Une ouverture aux effets mitigés

L’invitation lancée au président russe  à venir célébrer le 300e anniversaire de la visite à Versailles du tsar Pierre le Grand a été à cet égard une heureuse surprise - dont la genèse exacte reste à éclaircir. Elle a failli être gâchée par l’arrogance du nouveau président français lors l’entretien bilatéral où les leçons de démocratie alternaient, dit-on, avec les accusations touchant les questions de l’Ukraine et de la Syrie. Macron ne semblait pas s’être libéré de la doxa otanienne selon laquelle Poutine est un dictateur et un agresseur et les dirigeants de l’OTAN des démocrates et des défenseurs du droit, un point de vue qui ne tient évidemment pas compte du fait que la grande majorité des violations du droit international depuis 20 ans ont été commises par l’Occident, ni que la disqualification judiciaire de concurrents n’est pas le propre de la Russie.

Mal venue aussi ont paru, lors de la conférence de presse conjointe les critiques de Macron contre les deux médias sous influence russe, RT et Radio-Sputnik, dont 98% des Français ignoraient l’existence. Ils auraient colporté pendant la campagne des bruits sur son homosexualité… Une rencontre de ce niveau était-elle bien le lieu pour une telle mise en cause ? Gage sans conséquence à la camarilla antirusse qui l’a porté au pouvoir ?

Rappelons aussi que la France participe aux prochaines manœuvres de l’OTAN aux frontières de la Russie (imaginons que la Russie organise des manœuvres « défensives » au nord du Mexique !) .

Il semble cependant que, malgré ces accrocs, les points de vue des partenaires se soient rapprochés. Qu’ils soient tombés  d’accord pour dire que leur ennemi commun était le terrorisme islamiste n‘est pas une révolution : tout le monde en convient depuis longtemps même ceux qui le soutiennent en douce. Sur l’Ukraine, chacun reste sur ses positions. Sur la Syrie en revanche, Macron semble avoir renoncé à faire du retrait du président Bachar el Assad une condition préalable au retour à la paix. Cette exigence maintenue par Obama et Hollande, et même, par intermittence, par Trump, constituait non seulement une entorse au principe de non-ingérence mais un blocage absolu au processus de paix, les Russes n’étant pas prêts à lâcher Assad, au moins sous la pression occidentale.

Une ligne encore incertaine

Il reste cependant bien des ambiguïtés dans la position de Macron : il vient de s’ associer à Trump pour menacer la Syrie d’une intervention militaire en cas de nouvelle utilisation d’armes chimiques. Or les prétendus recours aux armes chimiques par Assad se sont avérés chaque fois des provocations de ses adversaires destinées à le discréditer . Elles visent aussi à offrir un alibi à une intervention militaire, destinée à empêcher l’Etat syrien de consolider sa position et donc à faire obstacle au retour de la paix. Il y a tout lieu d’être inquiet de cette déclaration.

Malgré les accrocs qui ont marqué la visite de Poutine à Versailles, les diplomates russes ne tarissent pas d’éloges à l’égard de Macron et considèrent qu’il a réalisé une véritable ouverture. Il semble connaître bien mieux l’histoire franco-russe que ses prédécesseurs et ne pas montrer une inféodation aussi puérile que celle de Hollande aux Américains.

Durant la campagne électorale française, les Russes avaient tout fait pour ne pas avoir l’air de vouloir influencer l’élection, dont leurs observateurs avaient sans doute anticipé le résultat . Rien ne laisse supposer en particulier qu’ils soient derrière la publication des « Macron leaks », soit de 15 Giga-octets de courriels échangés dans son équipe. Venus le vendredi précédent le second tour et ne contenant rien de très compromettant, ils ne pouvaient de toutes façons avoir d’impact sur l’élection, tout au plus servir d’avertissement discret.

Il s’en faut en tous les cas de beaucoup que la ligne de Macron à l’égard des problèmes diplomatiques les plus brûlants, en particulier des questions qui touchent la Russie, soit encore claire aux yeux du public et peut-être même dans sa tête.

Roland HUREAUX