Régionales : la gauche en tête des trois forces politiques du pays

Le résultat du premier tour des élections régionales du 6 décembre a consacré la spectaculaire progression du Front national. Si la gauche a reculé très sensiblement, elle domine encore largement la droite classique.

Le piège de François Mitterrand fonctionne toujours. Exploiter le mécontentement des Français pour fixer leurs votes hors de la droite modérée, c’est le mécanisme qui a joué à nouveau lors de ces élections régionales. La droite classique qui devait s’assurer un triomphe ne progresse pas, et le cadavre de la gauche libertaire incapable d’enrayer le chômage et l’insécurité est plus vivant que le sien !

Depuis les départementales de mars 2015, la droite parlementaire perd dix points. Entre 2010 et 2012, elle stagne de 31,5% à 31,7%. Sur cette période, la gauche plonge de 53,6% à 37,5%, mais reste donc largement au-dessus du score de la droite. Le FN recueille 27,7% des suffrages, soit une progression de +16,3%.

Il est difficile d’interpréter les transferts de voix : si la progression du FN correspond exactement à la perte de la gauche, et pratiquement dans toutes les régions de manière assez frappante, l’ampleur de l’abstention (50%) interdit toute simplification. Les candidats frontistes pêchent autant à gauche qu’à droite, et il est probable qu’ils ont attiré davantage d’électeurs de la droite traditionnelle, portés à durcir leur opposition au gouvernement, que d’électeurs de gauche déçus.

Une droite inaudible

Quelle première leçon tirer de ce scrutin provisoire ? La gauche dispose d’une majorité relative, mais elle est divisée. Ses électeurs étant habituellement plus disciplinés que ceux de droite, elle peut espérer conserver cinq ou sept régions.

La droite est inaudible : même si l’effet attentat a joué en faveur du FN, et a sans doute atténué la chute du PS, elle ne sait pas proposer de ligne claire et d’alternative solide. Contrairement aux apparences, elle est plus divisée doctrinalement que la gauche, que ce soit sur les questions sociétales (abrogation ou non du “mariage pour tous”), la politique étrangère (alliance américaine ou russe) et l’économie (sortie de l’euro ou pas).

Il est tout de même intéressant de noter que la région où la droite a le plus progressé (+4,8%), Auvergne-Rhône-Alpes, est celle dont le leader, Laurent Wauquiez, s’est le plus démarqué de la gauche et même du centre ; de même, c'est lui et les chefs de file les plus marqués à droite qui ont le mieux contenu la progression du FN dans leurs fiefs locaux, comme Bruno Retailleau (Vendée) ou Philippe Richert (Alsace). A contrario, le plus mauvais résultat de la droite vient de Dominique Reynié, l’un des hommes les plus libéraux-libertaires de l’opposition, en Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées.

Bilan : la droite préserve ses chances dans une à quatre régions seulement, notamment en Pays-de-Loire. Les mauvais reports de voix à gauche sont sa seule chance, avec la dynamique de la première place dans certains cas (Auvergne-Rhône-Alpes, Île-de-France) et la mobilisation des abstentionnistes en sa faveur. Restent les hypothétiques victoires dans le Nord et en PACA, avec l'appui de la gauche : comme réussites claires et lisibles, on fait mieux... En tout cas, c'est en faisant du FN son pire ennemi qu'elle consacre la majorité relative de la gauche.

L’épreuve du réel pour tous

Le Front national ne propose pas non plus de programme clair et cohérent, mais la constante de son opposition systématique au "Système" paie. Les Français faisant de plus en plus la part des choses entre la provocation et l’invocation du bon sens, le ras-le-bol des partis traditionnels et de leurs inconséquences libérales-libertaires a fait le reste.

À terme, le piège mitterrandien atteindra ses limites : la diabolisation joue de moins en moins, et le parti de la provocation va finir par trouver sa place au pouvoir. Pour lui, le défi sera l’épreuve du gouvernement, la fin du temps de la posture tribunicienne et de la démagogie.

Le deuxième tour et peut-être le troisième tour des régionales (l’élection des présidents de région) diront si ce temps est venu, ou si le système des partis est encore le plus fort. En tout état de cause, front républicain ou front du retrait, cela ne durera qu’un temps. Le FN peut manquer à nouveau la marche du pouvoir, mais ce sera sur le tapis vert, et sans préjudice de l'avenir.

Les partis traditionnels seraient bien inspirés de sortir à leur tour de leur fuite commune dans l’anathème permanent, pour affronter avec courage le réel et le débat, sans tabous. C’est seulement ainsi que la démocratie française retrouvera la voie de la raison.

 

Ph. de St-G.

 

Sur ce sujet :
Reynié : un candidat pour perdre, par Roland Hureaux 
L'inconnue des régionales : front républicain ou non ?

 

 

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